« La ville serait-elle en train de devenir l’arrière-pays de la ruralité ? » La question sera posée en substance en ces termes par Marc Verdier aux participants du Congrès interNational du bâtiment durable, dans la conférence qu’il tiendra avec la géographe Valérie Jousseaume de l’université de Nantes au cours de la manifestation.
Celle-ci est organisée du 6 au 8 octobre par le centre de ressources Envirobat Grand Est et ses partenaires, selon un format mixte, présentiel à Strasbourg, Namur (Belgique) et Völklingen (Allemagne) et à distance.
L’architecte et directeur du Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) de Meurthe-et-Moselle reconnaît dans son questionnement une dose de provocation, mais pas excessive. Selon lui, la pandémie n’a fait que confirmer et accentuer le phénomène d’une « ruralité qui reprend la main » observé sur un plus long terme, à contresens de l’histoire contemporaine, mais pas à celui d’un passé multiséculaire. « Valérie Jousseaume explique bien comment l’ère moderne a créé et entretenu une image négative du monde rural qui a ringardisé celui-ci, dans le but de faire exister l’urbain. C’était une rupture dans l’histoire, dont on commence à revenir », analyse-t-il. En tant qu’enseignant à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Nancy (Meurthe-et-Moselle), il a contribué d’ailleurs à la création, cette rentrée, d’une chaire sur les « Nouvelles ruralités ».
Donner envie aux élus
A cette campagne remise en selle, se présente le défi de l’attractivité, mais avant tout une « urgence absolue » partagée avec les autres territoires : « La capacité à supporter le choc de la transition écologique, du réchauffement climatique », énonce Marc Verdier. Pour y parvenir, le conférencier invite à « changer de récit : pas du technocratique, mais quelque chose qui donne envie » aux élus de s’engager dans ce vaste chantier.
Le CAUE qu’il dirige s’est engagé dans cette voie peu avant la crise sanitaire, par l’élaboration d’un « carnet de voyage » dans « Mon village en 2054 », allusion au numéro de département de la Meurthe-et-Moselle : une graphiste et architecte d’intérieure, Cendrine Bonami-Redler, a parcouru ce territoire dans tous ses recoins pour imaginer ses physionomies que découvrirait en 2054 une personne ayant quitté les lieux en 2020, ceci sous forme de multiples dessins, supports potentiels à la conception de projets paysagers et urbanistiques. « Elle a dépeint ainsi un avenir optimiste, qui serait marqué par la transformation des zones commerciales, des déplacements moindres et mieux mutualisés, le fonctionnement en circuits courts, etc. », rapporte Marc Verdier.

A l’invitation du CAUE, la graphiste Cendrine Bonami-Redler a restitué en dessin la vision d’un futur des villages de Meurthe-et-Moselle au milieu de ce siècle. © Cendrine Bonami-Redler
Pour entrer davantage dans l’opérationnel, la démarche se poursuit depuis quelques mois par la confection d’un outil baptisé « L’élu et le réchauffement climatique » à partir de trois communes pilotes dans le département.

Trois communes de Meurthe-et-Moselle planchent actuellement sur un outil pour aider à l’adaptation au réchauffement climatique. © CAUE 54
Selon Marc Verdier, le chemin reste toutefois long « pour sortir des réflexes d’aménagement de nouvelles places et de construire de nouveaux lotissements ». Il aura l’occasion de confronter sa vision avec celle des congressistes du bâtiment durable.