Quelle est votre feuille de route en tant que nouveau directeur général de l'ESTP ?
Je souhaite continuer à moderniser l'établissement, qui fêtera ses 130 ans cette année, et contribuer à son positionnement comme un acteur majeur dans le périmètre des grandes écoles de la construction. Il s'agit notamment, dans le cadre du projet ESTP 2030, de renforcer la qualité des enseignements et leur adéquation aux nouveaux défis que doit relever le BTP : construction bas carbone, domaines du numérique et du « smart » au sens large (smart city, smart building… ), performance de la construction en lien avec le cycle de vie du bâtiment… L'enjeu majeur est de développer nos activités de recherche : la recherche fondamentale, notamment destinée à créer de nouvelles formations, mais aussi celle conduite en matière de R & D et d'innovation en lien avec les besoins des entreprises. Ce projet passera par une ambitieuse campagne de recrutement d'enseignants-chercheurs, qui travailleront sur la performance des matériaux, le jumeau numérique et l'industrialisation du secteur, ou encore les routes et l'aménagement urbain ainsi que le génie écologique.
Quelles sont vos nouveautés en matière de formation ?
Nous avons ouvert à la rentrée de septembre 2020, en partenariat avec l'Ecole spéciale d'architecture Paris, un nouveau cursus ingénieur-architecte en six ans sur notre campus de Troyes (Aube). Nous proposons également, sur notre campus de Cachan (Val-de-Marne), un bachelor Manager de la construction. Un nouveau programme répondant aux besoins de recrutement des entreprises sur des niveaux intermédiaires et qui vise à former, en trois ans, des cadres spécialisés en conduite de travaux TP, projets immobiliers ou risques et prévention. Ce nouveau cursus a obtenu très récemment la reconnaissance au grade de licence délivré par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation et la Commission des titres d'ingénieur.
Nous travaillons par ailleurs actuellement à la création d'un démonstrateur smart grid, une plate-forme d'enseignement et de recherche pour modéliser le comportement de la production, de la distribution, du stockage et de la consommation d'énergie.
Après l'ouverture du campus de Troyes en 2017 et de celui de Dijon (Côte-d'Or) en 2019, comptez-vous élargir encore votre maillage dans l'Hexagone ?
Nous nous installerons à Orléans (Loiret) en 2022, après AgroParistech et l'ISC. L'enjeu de cette démarche, qui s'inscrit dans le cadre de notre projet ESTP 2030, est de contribuer au développement des territoires en nous intégrant dans un périmètre d'enseignement supérieur enrichi par la proximité d'autres établissements. Il s'agit ainsi de permettre à des élèves de suivre leur formation sur place en profitant de la qualité de vie qui y est attachée, mais aussi de répondre aux besoins de recrutement des entreprises, en particulier des ETI et des PME.
Comment assurez-vous votre déploiement à l'international ?
Dans un contexte de l'excellence internationale du secteur de la construction et du positionnement des entreprises sur les grands marchés de travaux, ce volet est plus que jamais essentiel. Nos étudiants doivent, au cours de leur cursus, passer un semestre académique à l'étranger ou y exercer six mois d'activité professionnelle.
Nous comptons d'autre part plus de 80 universités partenaires établies sur tous les continents, mais souhaitons continuer à nouer des alliances de ce type ou les renforcer, afin notamment d'accueillir des élèves et professeurs établis hors de nos frontières. Nous proposons à cet effet la filière Civil Engineering, un parcours 100 % anglophone, accessible à partir de la deuxième année du cursus ingénieur, qui s'adresse d'ailleurs aussi aux étudiants français.
Que garderez-vous de la continuité pédagogique assurée pendant les confinements ?
Nous avons gagné en agilité : les cours magistraux pourront être digitalisés. Nous veillerons en revanche à renforcer les échanges entre étudiants et professeurs, l'accompagnement et l'enrichissement mutuel dans le cadre des autres modes d'enseignements comme ceux des travaux pratiques et des projets, qui resteront dispensés à l'école.
Le lien social, la vie d'étudiant et ses diverses activités ont fait cruellement défaut pendant les confinements, même si nous nous sommes efforcés de conserver à distance le lien pédagogique, la dynamique des projets étudiés.
« Nos jeunes sont davantage portés vers le modèle des start-up que vers la reprise d'entreprises existantes. »
Le « présentiel » est depuis près d'un an si rare qu'il en devient précieux. Nous réfléchissons ainsi aux raisons pour lesquelles les jeunes se rendent sur les campus et au sens que l'on donne aux rencontres entre professeurs, élèves, entreprises et partenaires. Un sujet que nous intégrerons dans notre stratégie pour améliorer les conditions de ces rencontres. L'école s'oriente vers des pédagogies hybrides où 20 % des cursus seront digitalisés.
L'insertion professionnelle de vos jeunes diplômés pâtit-elle de la crise sanitaire ?
Il est trop tôt pour en mesurer les impacts : la promotion sortante vient d'achever son cursus. On observe toutefois que des entreprises reportent les embauches de jeunes : la moyenne de recherche d'un CDI sera probablement plus élevée que les années passées. Reste que 30 % de nos diplômés 2020 ont déjà signé un CDI avec l'employeur chez qui ils ont réalisé leur travail de fin d'études. Nous maintenons en tout cas nos relations avec nos entreprises partenaires, toujours présentes au cœur de l'école, et les événements que nous organisons avec elles. Nos étudiants rejoignent, dans des proportions équilibrées, aussi bien des grands groupes que des ETI ou des PME du BTP. D'après les chiffres recueillis concernant la promotion 2019, un ingénieur ESTP perçoit en moyenne 41 k€ par an au début de sa carrière.
Comment encouragez-vous l'innovation et l'entrepreneuriat à l'école ?
Nous proposons à nos étudiants de troisième année une option Entrepreneuriat, qui vise à les former à la création ou à la reprise d'une entreprise et à l'accélération de sa croissance, mais aussi à leur donner les clés pour bien démarrer la création d'une jeune pousse. Nous sommes d'ailleurs adhérents du réseau Pépite-France, qui permet à certains élèves de créer leur structure, tout en conservant le statut d'étudiant.
Nos jeunes sont actuellement davantage portés vers le modèle des start-up, où l'innovation en matière de produits et de services est soutenue par le numérique, que vers la reprise d'entreprises existantes. De manière générale, nous observons chez nos élèves ingénieurs une véritable prise de conscience des enjeux du BTP, une énergie et une volonté d'être acteurs de l'évolution du secteur.