Rénovation énergétique : l’Assemblée nationale adopte la proposition de loi contre les fraudes aux aides publiques

Les députés ont voté en première lecture le texte défendu par Thomas Cazenave, qui porte plusieurs mesures visant à interdire le démarchage abusif pour des travaux de rénovation ou d’adaptation, à renforcer le contrôle de la certification RGE et la réalisation des travaux ayant mobilisé des certificats d’économie d’énergie.

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Travaux de rénovation énergétique
Travaux de rénovation énergétique

C'est avec 131 voix favorables et 18 abstentions que l’Assemblée nationale a adopté en séance publique, ce lundi 27 janvier, la proposition de loi visant à lutter contre toutes les fraudes aux aides publiques. Un texte qui trace « une double voie », estime son rapporteur Thomas Cazenave (Ensemble pour la République, Gironde) : « agir en amont pour prévenir les fraudes à la source et renforcer drastiquement notre arsenal contre l’éco-délinquance ».

Le texte, qui devra encore être adopté par le Sénat, vise notamment à endiguer les fraudes à la rénovation énergétique, par le prisme du démarchage abusif, de la certification RGE ou du cofinancement des travaux par les certificats d’économies d’énergie. « Les fraudes sur les certificats d’économies d’énergie ont représenté, en 2023, un préjudice de 480 M€. MaPrimeRénov' a quant à elle fait l’objet de mouvements financiers suspects à hauteur de 400 M€ cette même année. Et une partie de ces fonds sont partis à l’étranger », a souligné la ministre déléguée aux Comptes publics, Amélie de Montchalin.

Démarchage abusif

L’examen en séance publique de ce texte avait été retardé par la censure du gouvernement Barnier le 4 décembre dernier. En commission des affaires économiques, le texte avait notamment été enrichi des apports de la mission interministérielle de coordination anti-fraude. Laquelle a permis « d’obliger les organismes de certification et de labellisation des professionnels de la rénovation énergétique à communiquer les informations utiles à l’Anah pour lutter contre les fraudes ».

L’article 3 relatif au démarchage abusif a été encore complété en séance publique par un amendement de Thomas Cazenave, réintroduisant l’extension de l’interdiction de démarchage téléphonique aux travaux d’adaptation. Une disposition qui avait été supprimée par amendement en commission des affaires économiques. Or, « la montée du dispositif MaPrimeAdapt » - qui a enregistré une croissance annuelle de 41 % par rapport aux précédents dispositifs - « risque de susciter l’intérêt d’acteurs peu scrupuleux ». Cette extension de l’interdiction comprend également « les prestations de service, par exemple l’accompagnement à maîtrise d’ouvrage de MonAccompagnateurRénov' ». Un second amendement du rapporteur permet également d’interdire toutes formes de démarchage, comprenant les prospections à domicile, par SMS ou courriels ou via les réseaux sociaux.

Mention RGE

Le gouvernement a toutefois préféré retirer l’interdiction de prospection commerciale par démarchage physique. Il s’avère en effet qu’une telle interdiction est contraire « à la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs », qui impose aux États membres de déployer des mesures « proportionnées » pour renforcer la protection des consommateurs, ce qui ne serait pas le cas en cas d’interdiction de tout type de démarchage.

L’article 3 tend également à améliorer l’information du consommateur sur les travaux éligibles aux aides publiques (sous-traitance, mention RGE). Le gouvernement l’a complété en introduisant une obligation, pour l’entreprise de travaux, de transmettre au consommateur la « preuve de la bonne détention, à la date de signature du contrat, du signe de qualité [mention RGE] nécessaire pour obtenir les aides et ce, pour la ou les catégories de travaux afférentes ».

Plafonnement de l'acompte

Le gouvernement a, en revanche, adouci la mesure introduite en commission, qui consistait à plafonner, par décret, le montant de l’acompte versé aux professionnels de la rénovation énergétique. Bercy oppose que « cette mesure n’a pas été concertée avec les représentants du secteur et pourrait venir impacter fortement des entreprises, notamment artisanales », et « retarder voire annuler la réalisation des chantiers ».

Alors que l’ouverture de MonAccompagnateurRénov' (MAR) aux opérateurs privés laissait craindre des risques de conflits d’intérêts, les députés de la France insoumise sont parvenus à faire adopter un amendement permettant d’élargir la suspension de l’agrément d’accompagnateur Rénov' aux entreprises de conseil en énergie, en situation de connivence avec des entreprises de construction. L’autrice de l’amendement, Mathilde Panot (LFI, Val-de-Marne), rappelle que l’agrément MAR « est conditionné à des critères d’indépendance vis-à-vis des entreprises de rénovation de sorte que les clients soient dirigés vers la meilleure solution de rénovation pour eux ». Et relaie les statistiques des associations de consommateurs selon lesquelles « près de 15 % des accompagnateurs Rénov' seraient dans une situation de conflits d’intérêts ».

Mandataires

Dans un article additionnel après l’article 3, Thomas Cazenave ouvre l’accès à l’observatoire des DPE et des audits de l’Ademe aux organismes certificateurs des diagnostiqueurs ainsi qu’aux services de la répression des fraudes, afin d’accroître les contrôles des DPE et des audits énergétiques. Dans cette logique de renforcement des contrôles, Delphine Batho (Écologiste et social, Deux-Sèvres) procède à une extension de l’habilitation et l’encadrement de l’activité des mandataires financiers (1) aux aides à la pierre distribuées par l’Anah, cet encadrement ne valant jusqu’alors que pour la prime de transition énergétique qui finance les travaux par geste au niveau national. L’amendement instaure également un régime de publicité des sanctions prises à l’encontre des mandataires financiers et des structures agréées MAR.

Le gouvernement, par un sous-amendement, a toutefois supprimé la possibilité pour l’Anah d’habiliter des mandataires, estimant celle-ci « disproportionnée », notamment si le « mandat n’est qu’administratif, ou que le mandataire est une personne physique appartenant à la famille du demandeur ». Le gouvernement préfère ainsi s’en tenir à des engagements et garanties fixées par décret auxquelles le mandataire devra se plier. Dans le cas contraire, celui-ci « ne pourra pas se voir désigner en cette qualité auprès de l’Anah pour le compte d’un usager au titre de sa demande de subvention ».

Echange d'informations

Le gouvernement propose également de renforcer l’échange d’informations entre les services fiscaux et les services de l’Urssaf en vue de « développer des actions communes de recouvrement et de mieux coordonner leurs actions à l’égard des contribuables et cotisants défaillants ». Il est également revenu sur la possibilité de mentionner, dans la liste des diagnostiqueurs certifiés, les professionnels suspendus ou radiés afin de prévenir le risque de falsification. Une telle publication « méconnaîtrait les dispositions du RGPD pour les diagnostiqueurs concernés », avertit le gouvernement qui supprime donc cette disposition.

Les dispositions dédiées aux certificats d’économies d’énergie sont réunies à l’article 4 du texte. Thomas Cazenave introduit notamment une obligation pour les éligibles ou les délégataires de CEE de « signaler au PNCEE » les manquements liés à la réglementation, aux labels ou aux certifications.

Fraudes aux CEE

Le député Paul Midy (EPR, Essonne) s’est concentré pour sa part sur le durcissement de la sanction pécuniaire due par les fraudeurs aux certificats. Celle-ci est ainsi portée à 10 % du chiffre d’affaires (contre 4 % actuellement) et jusqu’à 12 % en cas de récidive (versus 6 % aujourd’hui). Le député précise, « par cohérence » que « ce rehaussement du plafond est également appliqué aux sanctions pécuniaires visant les acquéreurs de CEE n’ayant pas mis en place, ou de façon incomplète, les vérifications imposées lors de l’acquisition des certificats ».

En décembre 2024, une décision du Conseil d’État avait conduit à réviser à la baisse le volume de CEE annulés par l’administration dans le cadre de « faux travaux » pour des équipements non installés. Craignant une « recrudescence des tentatives de fraude » si cette appréciation venait à se généraliser, le rapporteur précise dans sa proposition de loi « que le volume de CEE qui peut être annulé pour sanctionner un manquement est égal à celui de l’opération concernée par le manquement - et pas le seul volume frauduleux ».

Après l’article 4, Lionel Causse (EPR, Landes) introduit une expérimentation d’une année visant à imposer « la réalisation de photographies horodatées et géolocalisées pour certaines opérations » de rénovation, en vue de « s’assurer de la bonne exécution des travaux ». Cette expérimentation permettra de « tester la mise en œuvre de cette mesure, en affinant les modalités précises de l’utilisation des photographies et en évaluant leur efficacité avant une éventuelle généralisation du dispositif ». Le rapporteur complète cet amendement, en y incluant des « contrôles vidéo à distance en complément ou en substitution, selon les opérations concernées ».

(1) Les mandataires financiers peuvent réaliser les démarches MaPrimeRénov' et percevoir les primes pour le compte des consommateurs.

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