A sa promulgation en août 2021, la loi Climat et résilience annonçait la couleur : les bailleurs sociaux devront améliorer la performance énergétique de leurs logements. Faute de quoi, ces derniers ne pourront plus être loués. Les biens étiquetés G, les plus énergivores selon la classification du diagnostic de performance énergétique (DPE), seront frappés par cette interdiction dans moins d'un an, à partir du 1er janvier 2025. Heureusement, ils ne représentent plus que 2 % du parc social, selon l'Union sociale pour l'habitat (USH). Quant aux F, à éliminer d'ici 2028, ils ne constituent à ce jour plus que 6 % des 5,3 millions de logements sociaux que compte le pays.
« Les F et G étaient dans notre collimateur avant la loi Climat et résilience, rappelle Nicolas Prudhomme, directeur de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales de l'USH. Il s'agit de la partie facile car ce sont de petits volumes. » Bien plus en tout cas que le million de logements sociaux étiquetés E à traiter d'ici 2034. « Ce sera plus compliqué en termes de logistique, de moyens financiers et de disponibilité des entreprises capables de les rénover, sans créer des effets de pénurie. Les vrais problèmes sont devant nous », avertit-il, sans que cette analyse n'altère l'ambition du secteur d'être « la locomotive de la décarbonation du parc existant ».

Dans cette optique, le monde HLM jouit effectivement d'un avantage sur le parc privé: 87 % de ses logements sont en monopropriété. Une configuration qui offre à ces professionnels de l'immobilier la possibilité de lancer des chantiers d'envergure, à l'échelle d'une résidence de plusieurs centaines de lots, à la différence des bailleurs particuliers qui opèrent en ordre dispersé, et logement par logement. Comme en 2023, les travaux thermiques au sein du parc social tenteront donc de répondre à l'enjeu de massification, indispensable pour être au rendez-vous des échéances qui se profilent à l'horizon. « Notre rythme minimal est de l'ordre de 125 000 rénovations de E, F et G par an », estime Nicolas Prudhomme.
Performance requise. Côté budget, près de neuf bailleurs sociaux sur dix se financent avec l'éco-prêt de la Caisse des dépôts, dont les contraintes de gain énergétique de 40 % après travaux supposent une rénovation globale. « L'approche des organismes HLM à l'échelle des immeubles garantit un résultat énergétique et économique », assure Floris Van Lidth De Jeude, enseignant spécialiste de la rénovation à l'Ecole supérieure des professions immobilières (Espi).
Et pour atteindre de tels objectifs, l'innovation a évidemment son rôle à jouer. CDC Habitat, poids lourd du secteur, a par exemple vu la réhabilitation de sa résidence Ravel Gare à Sarcelles (Val-d'Oise) intégrer le palmarès « réHAB XX » du ministère de la Culture. De nouvelles façades en bois ont été posées pour renforcer l'isolation thermique. L'immeuble de 56 logements sur 14 étages construit dans les années 1950 n'a rien à voir avec certains bâtiments anciens en termes de contraintes architecturales.

« Les logements F et G étaient dans notre collimateur avant la loi Climat & Résilience de 2021. » Nicolas Prudhomme, directeur de la maîtrise d'ouvrage et des politiques patrimoniales de l'USH
« Sur de l'haussmannien, nous ne pouvons pas isoler par l'extérieur, donc cela se fait par l'intérieur, en site occupé. C'est plus compliqué que de réhabiliter ces grands ensembles des années 1950 et 1960 », compare Nicolas Prudhomme.
Pour gagner en performance, la tendance est également à l'électrification : pompe à chaleur (PAC) hybride dans le collectif, en particulier les tours et barres, le gaz étant efficace lors de courts épisodes de grand froid, et la PAC individuelle dans les maisons qui représentent 14 % du parc social. Ce faisant, la part de l'électricité au sein du parc HLM doit doubler d'ici 2050 pour atteindre 40 %, et celle du gaz, être divisée par trois pour tomber à moins de 20 %, vise l'USH.
Pas question donc d'abandonner totalement le gaz, pourvu qu'il soit vert. Le syndicat France Gaz pense d'ailleurs que 20 % du gaz consommé en France en 2030 sera renouvelable et bas carbone.
Des vecteurs énergétiques à transformer. Autre solution : « Multiplier les raccordements au réseau de chauffage urbain, à condition qu'il soit abordable pour ne pas faire s'envoler les charges des locataires », remarque Nicolas Prudhomme. L'USH revendique aujourd'hui 20 % de logements sociaux raccordés à un réseau de chaleur. « Il s'agit essentiellement de grands ensembles qui s'y prêtent bien, construits par des organismes HLM rattachés à des collectivités qui ont la main sur le sujet », ajoute-t-il. L'objectif pour 2050 est que 40 % du parc social carbure à cette « solution de chauffage écologique et économique exploitant des énergies renouvelables et de récupération locales », selon le gouvernement. « Nous sommes obligés de toucher au vecteur énergétique pour répondre à la stratégie nationale bas carbone [qui vise la neutralité en 2050, NDLR], dont la marche est plus haute que le défi de la décence inscrite dans la loi Climat et résilience », résume Nicolas Prudhomme.
Mais attention, une rénovation globale ne se limite pas aux consommations énergétiques. « Les locataires veulent aussi du confort et de la sécurité. Cela se traduit a minima par une mise en conformité des systèmes électriques des parties privatives et communes », illustre-t-il. Pour sauter deux classes de DPE minimum, il fallait compter en 2022 entre 50 000 et 60 000 euros TTC par logement, dont environ 60 % pour l'énergie et 40 % pour le confort, selon lui.
Or, de tels coûts réduisent les moyens déjà limités des organismes HLM. Ces derniers se plaignent régulièrement de leur manque de fonds propres, affaiblis principalement par la réduction de loyer de solidarité (RLS) mise en place en 2018. Ils sont en outre confrontés à des freins autres que financiers. D'un point de vue décisionnel, un projet peut être ralenti par les propriétaires de logements acquis dans le cadre d'un programme d'accession à la propriété au sein du parc social. « La stratégie de vente HLM permet de renflouer les caisses rapidement, mais complique l'entretien et l'amélioration des immeubles à long terme », relève Floris Van Lidth De Jeude. D'un point de vue technique, les appartements au sein d'un même bâtiment peuvent parfois afficher trois étiquettes différentes, selon l'orientation et l'étage notamment, mais aussi plusieurs types de chauffage, dans le cas d'immeubles acquis par les bailleurs sociaux. « La rénovation se fait alors dans la dentelle et prend donc plus de temps », note Nicolas Prudhomme.
Près de neuf bailleurs sociaux sur dix se financent avec l'éco-prêt de la Caisse des dépôts dont les contraintes de gain énergétique de 40 % supposent une rénovation globale
Boîtier intelligent. Heureusement, il n'y a pas que l'artillerie lourde et les solutions complexes qui peuvent infléchir les consommations. Des leviers complémentaires à la rénovation thermique permettent aux bailleurs de cocher la case sobriété énergétique. En témoigne le choix opéré par Action Logement, qui mise sur le boîtier intelligent conçu par la start-up Elax Energie pour réduire de 30 % la consommation des ballons d'eau chaude électriques individuels installés dans son parc de plus d'un million de logements. Quelque 140 000 foyers en seront équipés d'ici 2025. A la clé : pas d'effet direct sur le DPE mais une économie d'environ « 120 euros par an » pour le locataire, selon le premier bailleur social de France, également soucieux de limiter le risque d'impayés.