Rénovation urbaine Des outils pour créer la mixité sociale

Introduire de la mixité sociale dans les zones urbaines sensibles constitue l'une des missions de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Deux méthodes sont privilégiées : la démolition de logements sociaux et leur remplacement, sur le même site, par des programmes plus diversifiés mais aussi la reconstruction de logements sociaux en dehors des quartiers sensibles, notamment dans les communes qui n'atteignent pas les 20 % imposés par la loi SRU.

Réservé aux abonnés

La mixité sociale est l'un des chevaux de bataille du programme national de rénovation urbaine mis en place par la loi d'août 2003. L'écart continue à se creuser entre les populations qui vivent dans les 750 zones urbaines sensibles (ZUS) et celles des autres quartiers des villes françaises. L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), mise en place début 2004, a pour mission d'accélérer la mutation de ces quartiers et notamment d'y attirer de nouvelles populations.

L'enjeu est de diversifier l'habitat, aujourd'hui essentiellement composé d'un parc social. Pour amorcer cette évolution, un vaste programme de démolition de logements sociaux est en cours : 33 000 démolitions étaient engagées fin 2004, sur 70 sites de rénovation urbaine validés, pour un total de 200 000 démolitions prévues d'ici à 2008.

Il s'agit d'une modification profonde qui prépare l'avenir : « Les quartiers concernés ne deviendront pas des objets de convoitise résidentielle ou immobilière du jour au lendemain », souligne Claude Doussiet, délégué général adjoint de l'Anru. « Après intervention de l'Anru, ils devront poursuivre leur évolution de façon durable et irréversible. Et s'adapter, comme les autres quartiers, aux attentes de leurs habitants, notamment sur le plan de l'offre en logements. » Deux méthodes sont privilégiées pour atteindre cet objectif : l'élargissement de l'offre d'habitat sur les sites Anru et la reconstitution du parc social en dehors de ces sites.

Attirer des promoteurs privés

Pour initier la mutation, l'Association Foncière Logement (AFL), issue du 1 % logement, fait office d'« éclaireur » des promoteurs privés. Seul acteur à avoir pour unique objectif la mixité sociale (voir interview p. 55), l'AFL intervient par la construction de logements locatifs libres, qui peuvent constituer entre 15 et 35 % de la surface de plancher reconstructible, dégagée après démolitions. Sur les premiers sites Anru, cette part se situe aux alentours de 20 % avec parfois de grandes disparités : le quartier très dense du Clos-des-Terres-Rouges à Rueil-Malmaison accueillera 100 % de logements AFL après la démolition de 112 logements sociaux. De même pour le quartier du Petit-Marseille à Rochefort. A l'inverse, d'autres sites comme Chenôve ou Saint-Etienne n'en accueilleront aucun. Afin de donner une visibilité à cette offre locative, les logements AFL seront construits en priorité en coeur de quartier, lieu où se jouent les changements d'image. « Un tiers de logements sociaux, un tiers de logements AFL et un tiers de logements privés seraient à nos yeux un critère de réussite de la mixité sociale », précise François De Waroquier, directeur général de l'AFL. Sur le terrain, cette répartition est pour l'instant l'exception. Le quartier de La Duchère à Lyon en constitue un des rares exemples (voir encadré ci-dessus). Pourtant, l'intérêt des promoteurs privés commence à percer : « Nous souhaitons participer à l'émergence de ces nouveaux marchés, aux côtés de la puissance publique », dit Jean-Luc Poidevin, président de la filiale Villes et Projets de Nexity. « Notre réflexion est en cours pour investir sur des sites Anru : l'idéal serait d'être intégré aux études très en amont, éventuellement dans le cadre d'un partenariat public-privé de co-conception du projet urbain. »

Reconstruire hors site

Certains projets privés ont une ambition modeste à court terme mais significative : 40 logements privés en accession sociale à la propriété ont été construits au Val Fourré (voir encadré p. 54). Si les nouveaux propriétaires sont tous d'anciens résidents du quartier, la possibilité d'un parcours résidentiel au sein d'un même quartier est néanmoins un signe encourageant pour la diversification du logement.

La reconstitution en dehors des sites Anru du parc social démoli est un autre levier permettant de créer de la mixité sociale. Un premier bilan portant sur les premières opérations situe la part de reconstruction du logement social hors sites entre 30 et 50 %. La reconstruction « un pour un » des logements détruits, exigée pour garder un équilibre du logement social à l'échelle nationale, ne facilite pas la mixité dans les marchés où le foncier est rare. Une étude réalisée par la coopérative Conseil Acadie pour le conseil régional d'Ile-de-France montre ainsi que sur une trentaine de projets franciliens, seuls sept donnent lieu à des reconstructions hors sites et un seul hors territoire communal.

Répartir les logements de façon plus équitable

La mise en place de logiques intercommunales, notamment dans le cadre des plans locaux de l'habitat (PLH), devrait permettre de répartir les logements de façon plus équitable. Mais dans nombre d'agglomérations, « les négociations pour que les communes qui n'atteignent pas le seuil des 20 % accueillent leur part de logements sociaux n'ont pas encore abouti », constate Xavier Lety, coordonnateur des programmes à l'Anru. A Mantes-en-Yvelines ou dans le Grand Lyon, le processus est en revanche enclenché : sur les 3 000 logements sociaux à démolir d'ici à 2008 dans le Grand Lyon, 850 seront reconstruits sur place, 1 250 sur les mêmes communes (mais hors site Anru) et 900 sur d'autres communes, en priorité sur les plus déficitaires en logements sociaux.

Quelques chiffres

Plus de 70 projets de rénovation urbaine validés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) fin décembre 2004.

33 000 démolitions de logements sociaux engagées.

30 000 reconstructions de logements sociaux engagées.

De 30 à 50 % : part de la reconstruction hors sites Anru.

De 15 à 35 % : part des constructions de l'Association Foncière Logement (logements locatifs libres) sur sites Anru.

7,4 milliards d'euros engagés dans le programme national de rénovation urbaine dont plus de 2 milliards apportés par l'Anru.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires