Revirement sur la démolition

-Faut-il parfois démolir plutôt que de réhabiliter ? Et si oui, pour faire quoi ?

Considérée avec la plus extrême prudence jusqu'à l'an passé (« Le Moniteur » du 14 juin, p. 65), la question de la démolition fait un retour en grâce remarqué au sein du monde Le revirement est spectaculaire. Georges Mercadal en convient : « de plus en plus, il y a une prise de conscience qu'il y a des groupes (NDLR : d'immeubles) dans lesquels on ne rétablira pas la mixité. Seule la démolition permettra de changer l'image », explique-t-il. « Il y a des coins où certains types d'habitat sont refusés », explique quant à lui Michel Vivès, président du Groupe 3F. Qui cite l'exemple d'un bâtiment en région parisienne, « genre maison Le Corbusier » (180 logements sur 12 étages, une cage d'escalier et une batterie d'ascenseurs). « Il y a deux ans, il y avait 30 logements vacants. Aujourd'hui, il reste une quarantaine d'appartements occupés ». Quelques familles entretiennent petite délinquance et drogue. « Nous ne sommes plus en mesure dans ce bâtiment de garantir la sécurité des habitants. Les installations techniques sont systématiquement vandalisées ». Malgré les réserves de l'administration, le bâtiment va être vidé de ses derniers occupants que le groupe va tenter de loger dans de l'habitat individuel, et remplacé par du petit collectif.

Le président du Groupe 3 F ne cache pas qu'il y a eu revirement : « Jusqu'ici, la démolition était un sujet aussi tabou que l'étaient les surloyers et la vente de il y a cinq ans », reconnaissant qu'en arriver à démolir est un constat d'échec. « Il y a des gens qui laissent tomber dans certains quartiers et font des arbitrages patrimoniaux. En attendant la démolition, on n'entretient pas », résume Jacques Berké, président de la fédération des SA.

Une nécessaire insertion dans un projet urbain

« Ce n'est pas en supprimant les immeubles qu'on supprime les gens », avertit Paul-Louis Marty, directeur général de l'OPAC du Val-de-Marne : « Ce qui doit être déterminant, c'est le projet urbain dans les endroits où plusieurs centaines ou milliers de logements existent ».

Cet avertissement est repris par les associations : « Si c'est pour éliminer un abcès, il va se déplacer sur un autre endroit », analyse Claude Chigot, président de la Fapil, qui plaide pour que ce genre d'opération se fasse « dans le cadre d'une politique globale de l'habitat ». « La démolition n'est pas une fin mais peut-être le départ d'une dynamique différente du quartier », estime Patrick Doutreligne, conseiller technique à l'UNIOPSS qui met une condition aux démolitions : « qu'il y ait un programme de constructions équivalent ».

« La démolition n'est pas la panacée. Il faudrait mieux parler de restructuration de quartiers. La démolition n'est qu'un aspect de la restructuration », selon Alain Lemaire, directeur des fonds d'épargne (jusqu'à la mi-juillet) à la Caisse des dépôts. Et d'expliquer que : « la vacance permet la démolition. Certes il faut reloger ceux qui restent - et ce n'est pas facile lorsque la famille est lourde - mais le relogement se pose en termes plus faisables ». Car, pour lui, « la démolition n'a de sens que si elle s'intègre dans de grandes opérations de restructuration des marchés et de politique globale de l'habitat au niveau de l'agglomération ».

Dernier problème - et non le moindre - le coût. Alain Lemaire ne le cache pas : « restructurer coûte cher » : aux opérations de relogement des locataires, il faut ajouter le coût de la démolition (1) et celui de la reconstruction. Etant entendu que le patrimoine détruit n'est pas toujours amorti, surtout s'il a été réhabilité récemment. Les organismes n'ont pas toujours intérêt à raser les immeubles puisqu'ils doivent contineur de rembourser le prêt selon l'échéancier normal... Economiquement et socialement, le dossier est pourtant plaidable : les opérations de démolition-restructuration permettraient de relancer une industrie du bâtiment qui en a bien besoin (2). Socialement, elles donneraient l'occasion de recréer de la mixité là où il n'en existe plus dans les quartiers. 1) Pour la première fois, le pacte de relance pour la ville a prévu une enveloppe globale de 60 millions l'Etat prenant en charge 35 % des coûts de réhabilitation et de relogement et 30 % du capital dû par les maîtres d'ouvrage. 2) La Fédération nationale du bâtiment l'a compris et s'intéresse au dossier.

GRAPHIQUE : DES DEMOLITIONS QUI RESTENT RARES.

Vue l'ampleur du parc (3,5 millions de logements), les démolitions restent peu fréquentes : un à un et demi pour mille du patrimoine. Mais aujourd'hui, la question rebondit.

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