Durant la période de Covid, les prix des modules photovoltaïques ont augmenté – une première sur un marché par une baisse constante des prix des équipements. Etait-ce conjoncturel ou ce phénomène s’observe-t-il toujours ?
Il s’agissait bien d’un phénomène purement conjoncturel, lié à une série de problèmes rencontrés sur les chaînes d’approvisionnement. Les fermetures d’usines en Chine, le container bloqué dans le canal de Suez, les pénuries touchant certains composants ont entraîné une pression inflationniste. Les modules ont atteint jusqu’à 32 c/Wc. Les prix ont de nouveau chuté, et se situent désormais autour de 20 à 22 c/Wc.
Dans un contexte de crise énergétique, ces coûts en baisse jouent-ils en faveur du photovoltaïque ?
Oui, bien sûr. Les prix de l’électricité s’envolent. Certes, le marché de l’électricité pour les consommateurs est encadré par le tarif régulé, mais celui-ci a aussi connu des hausses. Cela rend le photovoltaïque compétitif partout en France, avec une logique de bon père de famille, puisqu’il préserve des hausses à venir en garantissant un coût constant durant au moins 20 ans.
Au-delà des ménages, les entreprises s’emparent-elles aussi de cette technologie ?
Tout à fait. La tranche de 100 à 500 kW est sortie de la logique d’appel d’offres, pour basculer dans celle du guichet tarifaire. Si les ménages bénéficient d’une petite aide à l’investissement, le cadre réglementaire entre 100 et 500 kW ne prévoit pas d’aide pour l’autoconsommation, mais seulement pour le surplus injecté sur le réseau. Ce cadre est très satisfaisant, et le marché est en plein boom.
L’industrie française, ou a minima européenne, profite-t-elle de cette bonne santé ?
La part de marché des produits fabriqués en Europe est marginale. La Chine fournit 80 à 85 % du marché. Mais il nous reste des capacités industrielles. Le plan RepowerEU, lancé en mai 2022 à la suite de l’invasion de l’Ukraine, entend développer le photovoltaïque, avec une ambition d’atteindre 600 GW installés en 2030 – l’Europe n’en est qu’à 200 aujourd’hui. Le plan prévoit un cadre européen pour accompagner notre industrie, et la France compte en profiter. Deux projets de gigafactories ont été annoncés dans notre pays : celui de Holosolis en Moselle et celui de Carbon à Fos-sur-Mer. Certains acteurs existants ont par ailleurs fait part de leur volonté de croissance, comme Voltec Solar avec l’IPVF à l’automne 2022.
Ces acteurs réussiront-ils à être compétitifs face aux produits chinois ?
Les grandes centrales appellent des équilibres économiques au centime près. En revanche, en résidentiel comme pour les moyennes puissances, il y a de la place pour des produits européens, peut-être un peu plus chers, mais qui répondent à une sensibilité croissante sur la provenance des produits.
Sentez-vous une hésitation dans le soutien public ? Le Gouvernement semble tout entier tourné vers la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires et la construction de nouvelles centrales…
L’Etat doit bien anticiper le moment où les vieilles centrales s’arrêteront, d’autant que les nouveaux réacteurs seront difficilement en service avant 2037. Or, d’ici là, il faut décarboner ! RTE estime d’ailleurs qu’une accélération du photovoltaïque à 7GW/an serait utile pour décarboner.
Même avec la relance du nouveau nucléaire, il nous faut mettre les bouchées doubles sur l’énergie solaire dès à présent. Rappelons que la France est le seul pays européens où la puissance photovoltaïque installée en 2022 est inférieure à celle de 2021 !
La priorité donnée par la France à la pompe à chaleur (PAC) nuit-elle au photovoltaïque ?
Non, au contraire. Des expériences sont en cours pour coupler une pompe à chaleur double service avec des panneaux solaires hybrides PVT, pour améliorer le coefficient de performance de la PAC tout en favorisant l’autoconsommation d’électricité. Ces associations seront de plus en plus utiles pour répondre à l’électrification des usages, avec des productions locales, notamment dans la perspective de l’électromobilité.
Le véhicule électrique, justement, renforce-t-il l’intérêt pour le photovoltaïque ?
Nous entrons dans l’ère du smart charging. Volkswagen vient de généraliser le vehicle-to-grid sur ses derniers modèles, ce qui signifie que la batterie du véhicule peut alimenter le réseau. Renault le fera sur sa prochaine R5 électrique. Mais sans attendre la généralisation du vehicle-to-grid, on sait déjà faire de la charge intelligente avec le solaire. La généralisation des ombrières de parking, obligatoires au-delà de 1500 m², va dans ce sens.
Quel sera le modèle économique de ces ombrières ? Les propriétaires refactureront-ils la recharge aux utilisateurs ?
Chacun sera libre de son modèle. Certains contractualiseront avec des opérateurs de bornes de recharge, qui proposeront une prestation payante aux clients du supermarché, par exemple. D’autres offriront la recharge, en 3 kVA, ce qui permettra de recharger un peu la batterie en une heure et demie, mais il ne s’agira probablement pas de recharge rapide !
Le stockage semblait appelé à se développer massivement, mais il semble toujours à la traîne en France…
Tant que l’électricité est achetée au tarif régulé, le stockage n’a pas encore de rationalité économique. En Allemagne, la crise énergétique consécutive à la guerre en Ukraine a créé un boom spectaculaire du stockage ! Du point de vue de la lutte contre le CO2, le stockage stationnaire est particulièrement intéressant dans les zones non interconnectées au réseau électrique, où l’on subventionne l’électricité carbonée et non le stockage d’électricité solaire.
Un mot sur les centrales photovoltaïques. Elles suscitent de plus en plus de critiques : esthétique, emprise au sol… Y a-t-il un sujet d’acceptabilité ?
Les anti-EnR se crispent sur l’éolien, sur les méthaniseurs, sur le solaire. On ne peut pas dire non à tout ! Les centrales photovoltaïques peuvent offrir une meilleure insertion paysagère que les éoliennes. Par ailleurs, l’ouverture aux collectivités des contrats de gré à gré leur permettra d’acheter l’électricité d’une centrale à bon prix, et ainsi de disposer de ressources nouvelles sans augmenter les impôts. C’est un choix !
Vont aussi arriver les petites installations au sol, les centrales de proximité, d’une puissance de 1 MW. Elles sont particulièrement intéressantes pour les bordures de voire ou de voies ferrées, les délaissés urbains.
Y a-t-il des ruptures technologiques à attendre sur le marché du photovoltaïque ?
J’en vois deux. La première concerne le rendement des modules. Il plafonne aujourd’hui à 22 ou 24 %. Grâce à l’hétérojonction, c’est-à-dire la pose sur un même module de plusieurs couches différentes (silicium classique, couche mince…), on devrait dépasser les 30 % de rendement avant 2030, pour le même prix de revient.
L’autre révolution viendra de l’intégré au bâti. L’Union européenne, dans la directive sur l’efficacité énergétique, a décidé que tous les bâtiments, dès 2026 ou 2028 selon les cas, seront solarisés à la construction. Cela rattrapera l’oubli du solaire dans la RE 2020 française pour le résidentiel ! Mais surtout, le solaire ne se limitera plus au toit. L’industrie va inventer de nouveaux procédés pour les façades, et le noir ne sera plus une fatalité. Des solutions en couleur vont fleurir sur le marché, elles existent déjà.
Le marché du photovoltaïque avait connu beaucoup de fraudes avant 2010. Elles semblent revenir. Que constatez-vous dans ce domaine ?
Effectivement, les fraudeurs reviennent, et ils sont diablement malins. Depuis 2017, les installateurs sont très surveillés, mais les installations en autoconsommation réputée totale passent sous les écrans radar. On assiste sur ce marché à des installations vendues beaucoup trop cher, avec des pratiques commerciales illégales et souvent des problèmes de mise en œuvre. Il faut trouver de nouveaux moyens pour lutter contre ! Les associations de consommateurs doivent avoir connaissance des prix moyens constatés comme tarifs de référence. Il ne s’agit évidemment pas d’encadrer les prix, mais de rappeler qu’au-dessus de 3 € le Wc installé, le client doit demander des explications. Une installation peut s’avérer coûteuse pour des raisons techniques, mais il faut le justifier. Nous avons également rappelé que le délai de rétractation de 14 jours (hors ventes sur foires) commence à courir à réception du matériel chez soi, et non à signature de la commande. Une précision qui change tout !