En 2024, les aides de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) ont participé à la rénovation énergétique de 340 801 logements, ce qui représente une baisse de 40% sur un an. En parallèle, le volume d’aides MaPrimeRénov’ (MPR) distribuées (3,29Mds€) est en hausse de 20%. Comment expliquer cet apparent paradoxe ?
Il convient de comparer ce qui est comparable. L’année 2024 marque une évolution substantielle de la nature des rénovations que nous finançons. Les rénovations d’ampleur, au nombre de 91 374, connaissent en effet une croissance conséquente (+28% sur un an). Cela correspond à un rééquilibrage entre les interventions monogestes, plus nombreuses, qui ont tendance à diminuer, en faveur des travaux d’ampleur dont on attendait le décollage. Or, une rénovation d’ampleur coûte en moyenne 55 000€ pour les ménages dont 37 000€ subventionnés par l’Etat. Parallèlement, les ménages modestes et moyens ont été, en 2024, plus lourdement aidés, ce qui augmente également le soutien moyen à chaque opération.
Cela correspond-il aussi à des travaux plus efficaces en termes de performance énergétique ?
On rénove beaucoup mieux, c’est vrai. Le gain énergétique moyen des rénovations d’ampleur s’établit à 65%, ce qui est conséquent. Et, pour la moitié d’entre elles, l’amélioration des performances conduit à un saut de trois étiquettes énergétiques, voire plus. Cela est notamment permis par la montée en puissance du dispositif MonAccompagnateurRénov’. Ces résultats encourageants permettent d’espérer que nous réussissions à suivre la trajectoire de neutralité carbone.
Alors que le neuf s’écroule, la rénovation constitue une dynamique contra cyclique qui doit alimenter l’activité du bâtiment.
Le volume de travaux générés -7,34Mds€ en 2024- affiche quant à lui une baisse de 13%. Comprenez-vous l’incompréhension des professionnels, déjà confrontés à une conjoncture désastreuse sur le neuf, devant un marché qui ne décolle pas en dépit des annonces ?
L’Anah est parfaitement consciente que, dans un moment où le neuf s’écroule, la rénovation des habitations constitue une dynamique contra cyclique qui doit alimenter l’activité des artisans et des entreprises du bâtiment. Cependant, ce n’est pas l’Anah qui décide du lancement des travaux, mais les propriétaires, les syndics… Il faut cependant rester optimiste : nous avons devant nous 20 millions de logements à rénover d’ici à 2050 et 200 000 à 300 000 emplois à pourvoir dans les métiers de la rénovation. Pour ces entreprises, c’est le chantier du siècle.
Les entreprises se plaignent aussi parfois des délais de versement des aides, qui mettent en péril leur trésorerie. Pouvez-vous allez plus vite ?
La réalité, c’est que, sur les 6 derniers mois de 2025, le délai moyen de traitement des dossiers s’est établi à cinq semaines. Il arrive, que sur les 25 000 dossiers reçus chaque semaine, certains présentent des difficultés, avec des adresses mal renseignées, des travaux débutés trop tôt… et nécessitent donc plus de temps. Nous nous attachons bien évidemment à travailler dans les meilleurs délais, mais nous devons également déjouer les tentatives de fraude, vérifier la réalité des travaux pour in fine protéger les ménages.
Confirmez-vous qu’en 2024 encore, le budget de MPR n’a pas été entièrement consommé ? Cela semble justifier un coup de rabot supplémentaire dans le budget 2025 en cours de discussion…
Toute la trésorerie pas consommée, c‘est une réalité. Cependant, rien ne justifierait le coup de rabot dont on entend parler, sauf à considérer que l’on revoit à la baisse notre ambition sur la rénovation énergétique. Ce serait une erreur. Pour maintenir l’objectif de neutralité carbone en 2050, traiter les 20 millions de logements et soutenir la filière, nous avons besoin que le budget voté confirme une reconduction de nos moyens, sans coup de rabot.
En 2025, le dispositif MPR évolue peu. Une bonne nouvelle pour les projets ?
La clé du succès, c’est la pérennité du dispositif. Les ménages doivent comprendre qu’en 2025, on poursuit ce qui a été communiqué par l’Anah jusqu’ici… On ne change pas quelque chose qui fonctionne. Nous demandons une stabilité réglementaire et budgétaire.
Sans budget de l’Etat, les dossiers déposés en janvier n’ont pas pu recevoir de réponses, mais ils continuent à être instruits.
Malheureusement, depuis le début de l’année 2025, MPR se trouve embourbé dans l’imbroglio issu de l’absence de budget pour 2025. Les entreprises craignent un nouveau trou d’air. Que peut faire l’Anah pendant cette période pour limiter la casse ?
Cette question doit être adressée au Parlement. Sans budget de l’Etat, les dossiers déposés en janvier n’ont pas pu recevoir de réponses, mais ils continuent à être instruits. Les ménages peuvent donc continuer à déposer leur dossier. A contrario, tous ceux qui ont fait l’objet d’un accord peuvent donner lieu au versement des aides.
2024 correspondait aussi à la première année du dispositif MaPrimeAdapt. Ce dispositif est-il en train de trouver sa place auprès des Français ? Quelles sont vos projections pour 2025 ?
Avec 207,5M€ d’aides à destination de 37 059 logements, on peut parler d’un lancement réussi ! MaPrimeAdapt’ bénéficie aux personnes de plus de 70 ans ou à celles de plus 60 ans avec un handicap afin de leur permettre de vivre plus longtemps chez elles, de façon plus sûre. C’est une réponse, moins coûteuse pour la société que les résidences autonomie, à la transition démographique.