S’adresser à l’individu pour susciter la demande

Stratégies industrielles -

Pour développer l’achat par les employeurs, il faut favoriser et valoriser l’usage des EPI par les salariés. Les industriels misent sur un changement radical d’approche de la part des distributeurs et des institutions.

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L'univers des EPI est beaucoup plus vaste que le périmètre de son chiffre d’affaires (730 M€) pourrait le laisser supposer. Déjà le Synamap (Syndicat national des acteurs du marché de la prévention et de la protection) parle d’un poids économique proche du milliard d’euros si on y intègre les activités de formation et les prestations de services, de suivi et de maintenance. La barrière entre équipements de protection et équipements de travail est de plus en plus poreuse. La logique voudrait même que les deux notions se fondent, du moins pour la première des trois catégories de niveau de risque (cf. encadré réglementation). Le marché de la protection individuelle dans le bâtiment et de la construction est difficile à apprécier et à y envisager les marges de progression. En l’absence de statistiques sur l’utilisation des EPI, les fabricants évaluent plus les spécificités qu’ils ne les mesurent. « Pour nous, le bâtiment est un secteur où la culture du risque reste en retard par rapport à d’autres secteurs comme l’industrie », annonce Yoan Morel, chef marché France de MSA-EPI. « Mais la réalité semble très variable selon les situations et les catégories d’entreprises. Dans les activités où les risques sont bien visibles et identifiés, comme dans le TP ou le gros œuvre, le niveau d’équipement semble nettement supérieur à celui des activités de second œuvre où les risques sont plus diffus. »

Les PME à la traîne

« Ce sont surtout les petites entreprises de moins de 10 salariés qui sont à la traîne », estime pour sa part Maxence Roquette, Pdg de la société Laboratoires Esculape. Si la vente de trousses de premiers secours ne lui donne qu’un rang de « petit » acteur (dixit), la grande diversité de sa clientèle lui offre un poste d’observation très appréciable. « La crainte du contrôle est encore fréquemment la première motivation d’achat et témoigne en cela du retard important des petites entreprises », indique-t-il. « Cependant, une fois la démarche enclenchée, les chefs d’entreprise font plutôt correctement les choses. » Bref, c’est moins la bonne volonté et la conscience des dangers qui semblent manquer que la disponibilité d’esprit pour y penser et le temps pour le faire. Reste qu’aujourd’hui personne ne veut se risquer à évaluer le retard pris par les employeurs du secteur pour remplir leurs obligations en matière de mise à disposition d’EPI adaptés. « La production de telles données n’entre pas dans le cadre de nos attributions », indique Guillaume Lecointe, porte-parole de l’OPPBTP…

Dans ce contexte, les industriels apportent quelques indications de benchmark fort précieuses. « A effectifs professionnels comparables, il se vend 50 % de casques de chantier en plus en Grande-Bretagne qu’en France », indique Yoan Morel. Didier Grivaux, directeur commercial France de Capital Safety, constate que « l’Allemagne achète 30 % de harnais antichute de plus qu’en France ».

D’où vient ce retard ? « C’est une question de mentalité et de culture », entend-on communément. Soit. Mais l’explication est un peu courte. D’autant qu’aucune étude ne semble avoir été entreprise au niveau européen pour comparer les risques du travail. Le lien entre les symptômes de la pénibilité (accidents, maladies) et les moyens de s’en protéger (protection collective ou individuelle) est encore moins étudié. Bref, la pénibilité est aujourd’hui perçue comme une fatalité, sans possibilité de la réduire et de la faire évoluer. Les EPI sont encore souvent présentés au travers d’une approche réglementaire.

Les questions : « De combien le port des EPI pourrait faire baisser le nombre de morts et d’accidentés du travail ? », « Dans quelle proportion le port d’EPI adaptés permettrait de réduire les maladies professionnelles et de soulager les travailleurs ? », restent aujourd’hui sans réponse. Pire, elles sont presque considérées comme incongrues.

Certes, parler du « bénéfice client » de l’utilisateur des EPI, n’est pas simple. Surtout si c’est en termes d’années de vie supplémentaires, de qualité de vie à la retraite qu’il faut le faire. Mais éluder la question ne serait-ce pas passer à côté de l’essentiel ? Les professionnels du bâtiment ont tout intérêt à restituer la dimension humaine, sociale et économique des enjeux de l’achat et du port effectif des EPI. Prouver que l’on peut limiter la pénibilité des métiers du bâtiment, n’est-ce pas un moyen de les rendre plus attractif s? Oser parler clairement du sujet nécessiterait plus de courage que de moyens… Heureusement, le pragmatisme et le réalisme poussent. L’OPPBTP a édité un numéro spécial EPI qui, sous forme de fiches métiers, part des besoins et non pas des contraintes réglementaires. De leur côté, les fabricants font tout pour répondre aux besoins individuels des salariés et déclinent leurs produits en gamme de métier. Ils développent aussi la formation des vendeurs-conseils pour que ceux-ci prescrivent des EPI parfaitement adaptés aux spécificités de chaque profession. Mais c’est peut-être au niveau des utilisateurs que les tendances d’avenir sont les plus prometteuses. « Nos jeunes compagnons sont fiers de leur EPI. Pour eux, c’est une marque de professionnalisme. Ils sont conscients des risques et ont bien compris qu’il fallait s’en protéger pour atteindre la retraite dans de meilleures conditions de santé », lance Thomas Souabe, jeune cogérant d’une entreprise de menuiserie d’agencement dans l’Oise. Quelle est la représentativité d’un tel témoignage ? On aimerait que la profession soit en mesure de l’apprécier. En tout cas, ce récit, fusse-t-il exceptionnel, rompt avec bien des idées reçues circulant sur le sujet et c’est encourageant !

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