L’exosquelette de Hilti donne l’impression de porter une charge de 2,5 kg alors que vous en portez 8 kg en réalité. De son côté, l’Exosquelette Percko réduirait de 40 % la fatigue des muscles dorsaux et ErgoSanté affirme que 87 % des utilisateurs de son exosquelette HAPO ressentent une baisse des douleurs.
Bien que les exosquelettes semblent soulager leurs utilisateurs, leur intégration dans le secteur du BTP reste marginale : à ce jour, moins de 2 % des entreprises en sont équipées estime Pascal Girardot, spécialiste de la prévention à l’usure professionnelle auprès de l’Organisme Professionnel de Prévention de Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP).…
Quatre acteurs principaux sur le marché
Le BTP est un des derniers secteurs à adopter les exosquelettes ces cinq dernières années, après l’armée, le médical et l’industrie. Hilti représente sans doute le fabricant qui vend le plus dans la construction. Avec HMT, ErgoSanté et Auxivo, ils trustent à eux quatre la majorité du marché français où les perspectives de croissance se situent entre 10 % et 20 % à court terme. Mais selon l’entreprise où il travaille, un ouvrier du BTP n’aura pas les mêmes chances de se voir proposer un exosquelette.
« Les majors de la construction sont moteurs dans l’intérêt porté aux exosquelettes, explique Loïc Fouvet, le chef de produits Europe chez Hilti. Ce sont des acteurs très sensibles aux sujets de Qualité-Santé-Environnement, mais le cycle de décision est long. Ils veulent des chiffres, des données, le faire essayer avant de le choisir. A contrario, les petites entreprises se montrent beaucoup plus réactives. »
Une technologie difficile à introduire dans les petites entreprises
Chez ces dernières, l’accueil de ces équipements peut néanmoins s’avérer beaucoup plus aléatoire. « Le BTP est l’un des secteurs les moins prêts à l’adoption des exosquelettes, témoigne Antoine Noël, le fondateur de l’entreprise Japet. On retrouve souvent un côté macho, le “ je n’ai pas besoin d’aide”. Par contre, dès que l’on aborde des entreprises avec des salariés plus techniques ou qualifiés comme des Compagnons, l’adoption de l’exosquelette est plus facile. »
Un cas typiquement observé dans ce témoignage : « Nos Compagnons ont fait un excellent accueil des exosquelettes. Mais sur les chantiers, nos gars se sont fait moquer, par électriciens, les plombiers, etc., retrace Hervé Peutot qui a introduit les exosquelettes dans l’entreprise de rénovation Bonglet. Je ne l’avais pas vu venir ! Cela a duré pendant bien neuf mois avant que les autres corps d’état commencent finalement à comprendre qu’il y avait un intérêt pour soulager les fatigues dans les positions bras levés. »
Sur une trentaine d’entreprises du BTP contactées par Le Moniteur dans les grandes villes de France, aucune n’utilisait d’exosquelette, ni ne semblait intéressée, malgré une connaissance de cet équipement. « Il serait plus intéressant de faire du renforcement musculaire, une séance de 10 minutes de gym, pour réduire les accidents du travail comme cela a été fait en Suède », rétorque un artisan lyonnais, en référence à une étude réalisée en 2005 (Holmström & Ahlborg).
Le BTP un secteur aux contraintes particulières
Vendre des exosquelettes ne suffit pas, encore faut-il qu’ils soient réellement utilisés… Car une fois acquis, près de la moitié sont délaissés et dorment au fond du camion. Outre les moqueries des collègues, le manque d’ergonomie constitue probablement le frein principal de son adoption.
« Les exosquelettes ont du mal à pénétrer le BTP plus particulièrement, explique Pascal Girardot. Ils peuvent s’avérer utiles pour transporter des sacs, aider les peintres à lever les bras. Mais les ouvriers ne réalisent jamais la même tâche. Par exemple pour poncer un plafond, il faut bouger pour changer le disque, aspirer la poussière, vérifier la qualité du travail fait… Quel que soit le gain apporté, les exosquelettes seront délaissés si jamais les opérateurs ressentent une gêne dans leurs autres mouvements. »
Conscients de cet impératif d’ergonomie, les fabricants planchent pour améliorer constamment la facilité d’utilisation. « Nous travaillons avec un laboratoire de biomécanique, Cogitobio, pour améliorer la légèreté et la malléabilité. Notre exosquelette peut se porter toute la journée et pèse 700 grammes », précise Alexis Ucko, le cofondateur de Percko. Comptez environ 20 secondes pour enfiler et régler un exosquelette en moyenne.
Chers exosquelettes
Avec une fourchette de prix moyenne située entre 3000 € et 5000 €, les exosquelettes ne sont évidemment pas abordables pour toutes les entreprises, bien que Percko ait réussi à proposer un exosquelette à 499 euros hors taxe, sorti en février dernier. Les prix ont pourtant bien diminué de 40 % en 4 ans (où la moyenne était autour de 7000 €) grâce à une plus grande production et des économies d’échelle. Une tendance qui devrait encore se poursuivre. « Ce marché sera mature dans cinq à sept ans », prévoit Antoine Noël, le fondateur de Japet.
Les exosquelettes actifs (ceux aidés par un moteur), sont bien évidemment plus chers mais leur présence reste marginale. « C’est l’épaisseur du trait », résume Pascal Girardot.
Si l’exosquelette peut être utilisé comme un argument pour ne pas perdre/attirer des salariés, il reste l’investissement à mobiliser en dernier ressort. « Il faut d’abord explorer toutes les autres pistes, les conditions de travail, la posture, des dispositifs techniques pour porter les outils, etc. Ce n’est qu’une fois toutes ces solutions épuisées qu’il faut recourir à l’exosquelette », conclut Pascal Girardot.