L’idée d’un concours de conception de mobilier urbain ouvert aux paysagistes concepteurs a coulé de source, dans l’esprit de la directrice des ventes de Sineu Graff : « Nous souhaitions renouveler l’expression de nos liens étroits avec la profession. L’aide financière annuelle à la fédération française du paysage, dont nous suivons chaque année les assemblées générales, nous paraissait trop mercantile », récapitule Jennifer Frey.
Heureuse surprise
Président de la Fédération française du paysage (FFP), Henri Bava n’a pas hésité, quand l’industriel lui a soumis l’idée fin 2020. Mais le paysagiste s’est gardé de promettre la lune : « Pour une première édition, il s’attendait à une dizaine de candidatures », se souvient la directrice des ventes de Sineu Graff. En à peine plus d’un mois, l’appel à candidatures ouvert du 8 janvier au 11 février a plus que triplé le score attendu, avec 31 candidatures.
Autour du P-DG Vincent Schaller, les quatre jurés réunis le 1er mars – dont Jennifer Frey, un paysagiste concepteur et un représentant de l’Union française des étudiants en paysage - ont désigné les deux lauréats, tous deux formés à l’école nationale supérieure du paysage de Versailles Marseille : Gwendoline Dos Santos, 29 ans, pour la catégorie des jeunes diplômés depuis moins de trois ans, et Ken Novellas, 30 ans, pour la catégorie des professionnels confirmés. Les candidats ont nourri les délibérations avec des dossiers de trois pages : croquis d’intention, explications, expression libre.
Toute petite échelle
Avant de décrocher son diplôme de paysagiste par la voie de l’apprentissage en 2019, Gwendoline Dos Santos a suivi un parcours entre l’art pur et sa mise en œuvre industrielle, jalonné par trois étapes : en 2014 et 2015, les Beaux-Arts de Nîmes (Gard), ville dont elle est originaire, puis de Lyon, suivis l’année suivante par l’école nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles.
Le goût d’inachevé laissé par ses premières expériences en bureau d’études d’ingénierie et de paysage a motivé sa participation au concours : « Le mobilier urbain arrive comme la dernière roue du carrosse. J’ai trouvé l’occasion de me concentrer sur cette toute petite échelle, en me détachant complètement de l’offre existante pour jouer pleinement mon rôle : le paysagiste s’intéresse d’abord à l’humain ».
Grand paysage
"Concevoir le mobilier urbain, c’est un travail de producteur d’usages", répond en écho le marseillais Ken Novellas, cofondateur de l’agence Puya Paysage, née dans sa ville dans la foulée de l’obtention de son diplôme en 2017. Le concours a ravivé des souvenirs de travaux d’étudiants inaboutis qu’il a pris plaisir à formaliser.
Le retour à la petite échelle se révèle d’autant plus riche que l’agence Puya Paysage s’ouvre aux grands espaces, à travers la planification paysagère de la métropole de Marseille. Dans ce même registre, la recherche – action complète la pratique professionnelle de Ken Novellas, qui prépare une thèse sur l’évolution du littoral de l’étang de Berre, encadrée par le laboratoire de recherche de l’école de paysage (Larep) et l’université de Cergy-Pontoise.
Objets écoconçus et inclusifs
Pour les deux lauréats comme pour l’industriel, l’aventure de l’acculturation réciproque commence : « Nous avons choisi les paysagistes pour leur capacité à aborder le sujet sans idée préconçue, alors que les designers raisonnent à partir des contraintes industrielles », insiste Jennifer Frey. Déterminé à aller jusqu’au bout, Sineu Graff assume les frais inhérents aux contrats d’édition et de distribution offerts aux lauréats.
Des convictions bien ancrées sous-tendent l’étape opérationnelle : « La crise sanitaire nous force à nous réinventer ». Sans dévoiler les formes et les fonctions dont il réserve la primeur aux visiteurs du prochain salon des maires, Sineu Graff distille quelques indications de méthode : engagé dans un objectif zéro plastique, l’industriel fabriquera les prototypes dans une démarche d’écoconception, au service d’objets multifonctionnels et inclusifs.