Sobriété foncière (3/5) : les franges urbaines au centre des enjeux

Sous la bannière fédératrice de l'Alliance des territoires, 173 coopérations entre villes et campagnes recensées par France Urbaine apportent un espoir aux promoteurs de la sobriété foncière : ces stratégies fondées sur la réciprocité consolident les ceintures vertes dans leur fonction écologique et nourricière. Mais le manque de recul ne permet pas encore de mesurer les impacts.

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La Chaîne des Puys vue depuis le sommet du Puy de Dôme.

La crainte d’une mise sous cloche perce, quand Sébastien Gouttebel s’exprime au nom des de l’association des maires ruraux de France (AMRF) sur la réduction de l’artificialisation des sols : « Quand le préfet de la région Rhône-Alpes Auvergne souligne le rôle de nos territoires comme réservoirs de biodiversité, nous approuvons à 200 %. Oui, les sols et les paysages constituent notre richesse.

Une pression folle

Mais pour autant, n’oublions pas la pression foncière folle longtemps exercée par la métropole de Clermont-Ferrand jusqu’à 40 km de la ville centre, au détriment des terres de Limagne qui figurent parmi les plus riches d’Europe », réagit le président des maires ruraux du Puy-de-Dôme, co-animateur de la commission urbanisme de l’AMRF.

En bref, il dit oui aux réservoirs de biodiversité en milieu rural, mais pas pour compenser l’étalement urbain des métropoles.

La reconnaissance des torts partagés doit selon lui se prolonger dans un droit à la différenciation, afin de donner la place qu’elle mérite à une culture du projet dans les communes rurales. Le maire de Murol voit dans cette méthode un préalable à la répartition spatiale des efforts de sobriété foncière.

Encourager la culture de projet

Face à des aides d’Etat qu’elle considère comme « symboliques », l’AMRF complète son argumentaire par la revendication de moyens adaptés : une dotation biodiversité plus importante et applicable à un plus grand nombre de communes que les 20 millions d’euros annoncés par le gouvernement, ainsi que des aides plus conséquentes à la résorption de la vacance et à la réhabilitation, pour les cœurs de village.

Actionner ces leviers permettrait de conforter une mutation des mentalités observée par le président des maires du Puy-de-Dôme : « Même s’il n’y a pas encore eu de délibération en ce sens, les 20 maires du massif du Sancy acceptent désormais de parler de plan local d’urbanisme intercommunal, pour éviter la redondance des équipements et coordonner leur stratégie fondée sur le tourisme vert. Ce n’était pas le cas il y a cinq ans », se réjouit Sébastien Gouttebel.

Des alliances ville campagne

Ce changement de culture convergera-t-il avec celui des grandes villes et agglomérations ? « Une métropole seule n’a pas de sens », affirme Emmanuel Heyraud, directeur de la cohésion sociale et du développement urbain à France Urbaine. Avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires et grâce à l’accompagnement du cabinet d’ingénierie Rouge Vif Territoires, l’association a forgé sa stratégie en 2019 dans une étude à laquelle ont participé les agglomérations de Brest, Nantes et Toulouse avec leurs arrière-pays : "Coopération entre métropoles et territoires environnants: quels facteurs de réussite?".

« Les mobilités, l’alimentation, l’économie et le tourisme structurent les projets au bénéfice des deux parties : les villes offrent des emplois aux ruraux et leurs habitants peuvent se nourrir bio à quelques encablures », développe Emmanuel Heyraud. Selon France Urbaine, la crise du Covid a renforcé les besoins d’alliance stratégique illustrés par cette étude née du pacte Etat métropoles du 6 juillet 2016.

Le grand Paris scrute ses franges

Intitulée « Les franges franciliennes, futurs leviers de la coopération interrégionale ? », la « note rapide » publiée en septembre 2021 par l’Institut Paris région illustre l’identification de la périphérie du grand Paris comme un enjeu majeur : comment progresser dans la réduction de l’artificialisation des sols, alors que l’attractivité résidentielle de ces territoires progresse ?

La réponse repose sur une coordination entre la région capitale et ses voisines, encouragée par la révision conjointe du schéma directeur de la région Ile-de-France et des Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires des régions limitrophes.

Des zones commerciales à revisiter

Encouragé par la loi Alimentation du 30 octobre 2018, le développement des projets alimentaires territoriaux consolide l’espoir d’un new deal protecteur des ceintures vertes, entre villes et campagnes. Mais au club Ville & Aménagement qui réunit les sociétés publiques locales, sociétés d’économie mixte et établissements publics fonciers, Alain Garès prévient : « C’est une piste intéressante, mais insuffisante face aux besoins ».

Pour le co-auteur du « manifeste pour le zéro artificialisation nette » publié en 2020 par Ville & Aménagement, la densification des zones commerciales offre le potentiel le plus prometteur, pour contenir l’étalement urbain à la périphérie des villes. L’Eurométropole de Strasbourg a ouvert cette voie sur son flanc nord-ouest à Vendenheim, où l’habitat se développe désormais à côté des grandes surfaces.

Toulouse étudie la réorientation fonctionnelle de ses propres zones commerciales périphériques, pour y accueillir des logements, des équipements publics et des espaces verts. La démarche encore expérimentale pourrait favoriser l’émergence d’un symétrique métropolitain à la « culture de projet » défendue par les maires ruraux, sur la voie d'une sobriété foncière désirable.

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