STRUCTURE Un bâtiment en porte-à-faux contre le risque d’inondation

La maison départementale de l’éducation du Val-de-Marne offre un impressionnant surplomb de béton blanc. Elégant, audacieux et surtout fonctionnel.

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La nef est posée sur ce bord de Marne, qui n’a oublié ni sa guinguette ni son parcours de canoë-kayak, juste en regard. Acrobatiquement balancée entre un imposant bâtiment en verre et acier d’Air Liquide et un petit pavillon du XIXe siècle en déshérence, la maison départementale de l’éducation invite les enseignants au voyage. Embarquement en ce mois de janvier, au 40, quai Victor-Hugo, à Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). L’impressionnante proue de l’édifice, qui accueille en particulier le nouveau centre départemental de documentation pédagogique, est doublée d’une poupe à peine moins monumentale. Le clin d’œil à l’architecture navale se poursuit dans l’immense hublot percé au flanc du bâtiment, dans la passerelle d’accès ou encore dans le bois clair des rampes et du mobilier.

Giovanni Lelli et son épouse Dominique, les deux architectes, se sont fait plaisir. Tout en respectant un cahier des charges des plus sévères. « Compte tenu du PPRI (plan de prévention des risques inondation), nous avons placé au rez-de-chaussée tout ce qui peut être rapidement mis à l’abri de l’eau ou qui présente une moindre valeur. Le reste est en haut, bien protégé et sur une surface nettement plus importante », explique Giovanni Lelli. C’est donc le risque de débordement de la Marne qui a modelé cet étonnant volume évasé. Côté façade principale, un porte-à-faux de 16,50 m (l’un des plus importants en béton réalisé en France) occupé par la médiathèque (300 m2). A l’arrière, reposant lui aussi sur le vide, un auditorium. Conséquence heureuse de cette faible emprise au sol, il a été possible de sauver deux platanes quasi-centenaires qui encadrent la vue que l’on a sur la rivière depuis la baie vitrée de la médiathèque. La crue record de 1910, il est vrai, dévasterait aujourd’hui le rez-de-chaussée jusqu’à hauteur d’homme. Aussi, même le parking en sous-sol est-il conçu pour faire office de réservoir à d’éventuelles inondations.

L’eau est omniprésente, pour s’en défendre comme pour la valoriser. Déversées par des gargouilles sous l’avancée, les eaux pluviales alimentent un bassin que surplombe la passerelle d’accès au bâtiment, avant de rejoindre la nappe phréatique, puis la Marne. « Le PPRI, qui est récent, inspire des démarches plus citoyennes. Auparavant, le principe était d’évacuer l’eau le plus vite possible, par exemple chez les voisins. Aujourd’hui, il s’agit plutôt de la contenir dans un périmètre », souligne Giovanni Lelli.

Dialogue de bétons

Structuré par l’escalier monumental qui prolonge l’entrée, l’ouvrage est composé de deux volumes. D’un côté, un bâtiment de béton blanc, qui contient à gros trait l’espace public. De l’autre, une petite structure à vocation plus administrative, au relief gris et travaillé.

Giovanni Lelli commente : « Ce sont deux types de béton qui dialoguent. La partie blanche offre une surface lisse. C’est un béton autoplaçant avec strates de coulage apparentes. Fruit d’un intéressant travail avec les boiseurs, l’autre partie, grise et rugueuse, appelle le lichen, la mousse… ou la salissure, question de vocabulaire. »

Au sol, le béton étonne également, avec une matière chatoyante et irisée, spécialement étudiée pour le hall. « Un granito avec des inclusions de verre de récupération et un soupçon de nacre », précise l’architecte. Bref, l’ouvrage dénote un travail poussé sur la minéralité. Le mur de l’escalier monumental, par exemple, conjugue une texture « peau de bébé » avec un béton bouchardé. Alternance que souligne la main courante en hêtre semblant reposer sur le vide, œuvre du menuisier ACM. Giovanni Lelli conclut : « C’est avant tout un établissement d’accueil et de travail. A l’inverse d’une architecture très démonstrative, nous avons privilégié une structure simple, mais emplie de raffinements. »

De fait, le lieu inspire la quiétude. Par de magnifiques vues sur la Marne, une très belle luminosité mais aussi par le soin porté à l’acoustique. Ainsi, la salle de conférences de 120 places assises permettrait-elle de se faire entendre de l’auditoire sans amplification. Un astucieux système combinant deux abat-sons et des matières absorbantes fait en sorte que les ondes sonores montent mais ne descendent pas. Même préoccupation dans la médiathèque, où le bruit se répercute très peu entre les différentes tables de hêtre. Dans ce cœur de la maison, au centre du plafond, un panneau blanc sérigraphié immortalise la liste des compagnons ayant participé à l’ouvrage.

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