Construire de nouveaux quartiers avec des logements et des commerces implique de trouver les financements pour construire les équipements publics nécessaires à la vie du quartier. Tel est le but de la fiscalité de l’urbanisme. Celle-ci a été profondément modifiée en 2010, mais les collectivités locales n’ont pas encore vraiment mesuré l’importance de ce changement. « Les élus locaux doivent s’approprier et découvrir les possibilités offertes par cette réforme qui n’est pas purement fiscale, car elle permet aussi de porter de véritables projets urbains », explique Philippe Schmit, responsable des questions d’urbanisme à l’Assemblée des communautés de France (ADCF). Le nouveau dispositif a été adopté via la loi de finances rectificative du 29 décembre 2010. Elle introduit les , qui ont pour premier objectif de remplacer toute une série de différentes taxes par une seule : la taxe d’aménagement (TA). Celle-ci se substitue à la taxe locale d’équipement (TLE), à la taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS), à la taxe départementale pour le financement des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (TDCAUE), à la taxe spéciale d’équipement du département de la Savoie, à la taxe complémentaire à la TLE en région Ile-de-France et, enfin, au programme d’aménagement d’ensemble (PAE).
Taxe perçue sur les bénéficiaires d’autorisations de construire
A l’instar de la taxe locale d’équipement désormais supprimée, la taxe d’aménagement est prélevée sur la construction, la reconstruction, l’agrandissement des bâtiments et les aménagements de toute nature nécessitant une autorisation d’urbanisme. Applicable aux demandes de permis de construire et déclarations déposées depuis le 1 mars 2012, elle est instituée de plein droit dans les communautés urbaines et dans les communes dotées d’un plan local d’urbanisme (PLU) ou d’un plan d’occupation des sols (POS). Les autres communes peuvent délibérer pour la mettre en place.
Une part de la TA est destinée aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ; une part aux départements ; et une autre, enfin, à la région Ile-de-France. Pour la part départementale, la TA est instituée par délibération du conseil général. Elle doit alors financer les politiques de protection des espaces naturels sensibles et le fonctionnement des CAUE en remplacement de la TDENS et de la TDCAUE. Elle s’applique dans toutes les communes du département.
Les communes peuvent déléguer la mise en place de la taxe à l’EPCI compétent en matière de PLU. Dans ce cas, une délibération de l’établissement public prévoit les conditions du reversement aux communes, en tenant compte des charges respectives en matière d’équipements publics.
Une sectorisation possible
Grande nouveauté : il est désormais possible de faire varier le taux de la TA en fonction des besoins existants sur le territoire communal. Auparavant s’appliquait le taux uniforme de 5 %. Sans délibération préalable, le taux est fixé à 1 %, mais celui-ci peut atteindre 20 % dans les zones où le besoin s’en fait sentir. « Dans certains secteurs, la taxe d’aménagement de base peut être insuffisante, par exemple dans le cas d’un nouveau quartier ou d’une rénovation urbaine de grande ampleur, bien sûr hors ZAC ou hors projet urbain partenarial, estime Brigitte Bariol-Mathais, déléguée générale de la Fédération nationale des agences d’urbanisme (Fnau). Encore faut-il que les élus utilisent cette possibilité. Or ils ne le font pas toujours, de peur d’être impopulaires. » La délibération créant la sectorisation doit être prise avant le 30 novembre, et son application intervient au 1 janvier de l’année suivante.
Assiette déterminée par la surface de plancher
L’assiette de la taxe a également été modifiée. Elle est constituée par la valeur déterminée, forfaitairement, par mètre carré de la surface de plancher (ancienne surface hors œuvre nette). Cette dernière est définie comme « la somme des surfaces de plancher closes et couvertes, sous une hauteur de plafond supérieure à 1,80 mètre, calculée à partir du nu intérieur des façades du bâtiment, déduction faite des vides (cages d’escaliers par exemple) ». Pour ne pas pénaliser l’isolation, les surfaces sont calculées à l’intérieur des façades du bâtiment. Une valeur unique est fixée par mètre carré.
Révisée au 1 janvier de chaque année par arrêté du ministre chargé de l’urbanisme, la taxe d’aménagement s’élève, pour 2013, à 724 euros en province et à 821 euros en région Ile-de-France. Des cas d’exonération ou d’abattement sont cependant prévus par le Code de l’urbanisme : constructions destinées au service public ou financées par un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), constructions ou aménagements réalisés dans les ZAC ou les périmètres d’intérêt national…
Certains professionnels ou élus locaux estiment que la réforme renchérit la fiscalité de l’urbanisme. Le groupe Panhard, aménageur, a fait ses calculs : pour la construction d’une plate-forme logistique en Ile-de-France, avant 2011, le total général du mètre carré de terrain s’élevait à 14,27 euros. Après 2011, il passe à 32,63 euros car bien des communes ont augmenté le taux de la taxe. Conséquence : certains projets dont le bilan était pourtant équilibré ne peuvent plus voir le jour.
Limiter l’étalement urbain
Autre facteur de renchérissement : les taxes sur les places de stationnement. En effet, l’un des objectifs de la réforme est de limiter l’étalement urbain. Les emplacements de parkings non compris dans la surface imposable d’une construction (notamment les parkings à ciel ouvert, consommateurs d’espace) sont désormais taxés sur une base imposable de 2 000 euros par place. Et ce montant pourra être porté à 5 000 euros sur délibération de la commune ou de l’EPCI compétent en matière de POS ou de PLU.
Limiter l’étalement passe aussi par la densification des parcelles de terrain constructible. C’est pourquoi a été créé, en parallèle de la taxe d’aménagement, le versement pour sous-densité (VSD). Ce dispositif, dont la mise en place est facultative, ne s’applique que dans les zones U (urbaines) ou AU (à urbaniser) des PLU. Il permet aux communes de fixer un seuil minimal de densité (SMD) par secteur. En deçà de ce seuil, les constructeurs doivent s’acquitter d’une taxe qui peut atteindre au maximum 25 % de la valeur du terrain. Mais cet outil, mal connu, encore peu utilisé, soulève des incertitudes juridiques. La question se pose, par exemple, de savoir si un contribuable pourra faire une demande de rescrit fiscal lorsque des constructions sont rendues particulièrement difficiles pour des raisons physiques ou du fait de servitudes administratives. Autre exemple : si la commune a fixé un coefficient d’occupation des sols (COS), il est possible de déterminer le seuil minimal de densité par secteur. Mais en l’absence de COS, les risques de contentieux sont importants car l’appréciation de la densité se fait par rapport à la densité du reste du quartier. Il reste donc beaucoup d’ajustements à effectuer pour que la réforme de la fiscalité de l’aménagement entre dans les mœurs.