A l’heure où, pour beaucoup, il parait indécent d’être en bonne santé, le monde de la construction hexagonale peut s’avouer plutôt fier. Et la probable réussite de l’OPA de Saint-Gobain sur BPB n’est qu’un exemple de plus.
Notre pays cumule en effet des places de leader mondial dans la plupart des segments de la chaîne du bâtiment : de Lafarge à Vinci, de Saint-Gobain à Bouygues, de Arcelor (pour 1/3 français) à Colas. Ces groupes, et bien d’autres plus modestes, portent haut les couleurs d’un pays dont la tradition de bâtisseur n’a fait que se renforcer au fil des siècles.
Partout dans le monde, la France s’illustre par son savoir-faire, technique et technologique, avec en vitrine sa dernière création qu’est le viaduc de Millau.
Moins quantifiable mais tout aussi valorisant, notre pays regorge d’architectes reconnus et mondialement demandés : Jean Nouvel, Christian de Portzamparc, Claude Vasconi, Rudy Ricciotti, Odile Decq… Autant de noms qui font rayonner une certaine idée de notre « exception culturelle ».
Seul bémol sur cette partition majeure : tous ces talents, qu’ils soient entreprises ou individus, semblent délaisser les grandes problématiques urbanistiques de leur terre natale qu’ils considèrent bien souvent comme autant de symphonies pathétiques. Pourquoi Lafarge développe-t-il une maison à 800 euros dans les townships d’Afrique du Sud mais pas un concept adapté à nos latitudes ? Pourquoi Arcelor et BPB se désolent-ils de l’échec du concept Styltech, ces maisons à ossatures acier, plaque de plâtre et isolation intégrée, et ne le proposent pas aux bailleurs sociaux ? Pourquoi la Cité Manifeste de Mulhouse est-il l’un des seuls exemples où 5 agences d’architectes réfléchissent à l’avenir du logement social ?
A ceux qui répondent « coût du foncier » ou « priorités industrielles », on objectera l’urgence d’une situation en paraphrasant le président sénégalais Abou Diouf : « jamais vous ne construirez de murailles assez hautes pour empêcher la pauvreté de les escalader ».
Ce billet, qui se conclura en supplique, s'adresse donc à toutes les bonnes volontés : donnez à nos banlieues malades un peu de votre talent.
* Thierry Devige-Stewart est chef de la rubrique Industrie, Négoce, Environnement au Moniteur