Rendre la commande publique plus durable : l’objectif est unanimement partagé. Mais encore faut-il en avoir les moyens. Pour les intervenants à la table ronde consacrée au sujet lors du Forum des TP à Paris ce 24 février, la clé est la formation, notamment pour apprendre à pratiquer le sourcing en amont des marchés. « Jusqu’à récemment, acheteurs et entreprises n’osaient pas se rencontrer, dialoguer… Aujourd’hui, le droit des marchés publics a beaucoup changé, la jurisprudence du Conseil d’Etat a évolué, il ne faut pas hésiter à, non pas retourner sa veste, mais en changer ! » lance Alain Bénard, président de l’Association des acheteurs publics (AAP). Mais il pointe le manque de formation, de moyens et de ressources humaines des petites collectivités pour investir dans le sourcing. « Les acheteurs publics sont toujours confrontés à une double tension, entre la performance de l’achat y compris sur le plan de la durabilité, et la sécurité juridique, ajoute Benoît Dupuis, directeur exécutif de la Société du Grand Paris (SGP). Nous avons des services dédiés au sourcing, que nous pratiquons régulièrement et de façon très cadrée, mais nous pourrions aller encore plus loin pour capter davantage l’innovation. »
Rigueur et ressources
De l’autre côté de la commande, les prestataires font le même constat. « Les entreprises sont montées en compétence sur le développement durable, ne pas faire appel à elles en amont serait une erreur ! », ponctue Jean-Christophe Louvet, président de la commission DD de la FNTP. « Nous sommes régulièrement conviés par des acheteurs publics en amont des procédures, explique Lorène Dumeaux, directrice environnement Vinci. L’intérêt du sourcing est réel pour nous, mais cette démarche requiert une grande rigueur pour respecter les règles du Code, et implique donc une ingénierie et du temps dont les collectivités ne disposent pas toujours. » La major compte sur les clauses et critères environnementaux, que la loi Climat et résilience va rendre obligatoire en 2026, pour faire valoir son savoir-faire et ses innovations, en matière d’enrobés bas carbone ou de matériaux recyclés par exemple. « Aujourd’hui selon l’Observatoire économique de la commande publique, seuls 18 % des marchés publics comportent des clauses environnementales », regrette-t-elle.
Bilan carbone
Si Alain Bénard déplore la dimension « écologie punitive » de la mesure législative, il estime que les acheteurs qu’il représente sont déjà engagés dans cette démarche de verdissement des marchés. Qui suppose, là encore, « de la formation », mais aussi « un soutien fort des élus et des directeurs généraux des services qui doivent nous pousser à innover dans les critères de choix des offres ». Comme toujours dans l’univers de la commande publique, le benchmark permettra de progresser sur le sujet. En témoignent les pistes évoquées par Benoît Dupuis. « Les travaux du Grand Paris Express devraient générer autour de 4,4 millions de tonnes équivalent carbone selon nos estimations. Notre objectif est de réduire ce volume de 25%, en utilisant tous les leviers, à tous les stades et pour tous les projets. » A l’étape de la passation des marchés, le maître d’ouvrage utilise par exemple un critère bilan carbone sur les postes les plus générateurs de carbone que sont l’acier, le béton et les transports. Et au stade de l’exécution, « nous testons le reverse carbone execution initiative, qui permet aux entreprises de nous proposer pendant les travaux de nouvelles solutions de réduction des émissions, sur les bétons et les aciers », illustre Benoît Dupuis.