1er arrêt :
ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
13 février 2003(1)
«Manquement d'État - Article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement (CEE) n° 259/93 - Qualification de la finalité d'un transfert de déchets (valorisation ou élimination) - Déchets incinérés - Point R 1 de l'annexe II B de la directive 75/442/CEE - Notion d'utilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie»
Dans l'affaire C-228/00,
Commission des Communautés européennes
partie requérante,
contre
République fédérale d'Allemagne partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que, en soulevant des objections injustifiées contre certains transferts de déchets vers d'autres États membres en vue de leur utilisation principale comme combustible, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO L 30, p. 1),
LA COUR (cinquième chambre),
rend le présent
Arrêt
1.
Par requête déposée au greffe de la Cour le 7 juin 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en soulevant des objections injustifiées contre certains transferts de déchets vers d'autres États membres en vue de leur utilisation principale comme combustible, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO L 30, p. 1, ci-après le «règlement»).
2.
La directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996 (JO L 135, p. 32, ci-après la «directive»), a pour objectif essentiel la protection de la santé de l'homme et de l'environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets. En particulier, le quatrième considérant de la directive indique qu'il importe de favoriser la récupération des déchets et l'utilisation des matériaux de récupération afin de préserver les ressources naturelles.
3.
La directive définit à son article 1er, sous e), l'«élimination» comme «toute opération prévue à l'annexe II A» et à cet article, sous f), la «valorisation» comme «toute opération prévue à l'annexe II B».
4.
Selon l'article 3, paragraphe 1, de la directive:
«Les États membres prennent des mesures appropriées pour promouvoir :
a) en premier lieu, la prévention ou la réduction de la production des déchets et de leur nocivité [.]
b) en deuxième lieu :
- la valorisation des déchets par recyclage, réemploi, récupération ou toute autre action visant à obtenir des matières premières secondaires
ou
- l'utilisation des déchets comme source d'énergie.»
5.
L'annexe II A, intitulée «Opérations d'élimination», de la directive vise au point D 10 l'«[i]ncinération à terre».
6.
L'annexe II B, intitulée «Opérations de valorisation», de la directive vise au point R 1 l'«[u]tilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie».
Le règlement
7.
Le règlement organise notamment la surveillance et le contrôle des transferts de déchets entre États membres.
8.
Le règlement définit à son article 2, sous i), l'«élimination» comme «les opérations définies à l'article 1er point e) de la directive 75/442/CEE» et à cet article, sous k), la «valorisation» comme «les opérations définies à l'article 1er point f) de la directive 75/442/CEE».
9.
Le titre II, intitulé «Transferts de déchets entre États membres», du règlement comporte notamment deux chapitres distincts traitant, pour l'un, composé des articles 3 à 5, de la procédure applicable aux transferts de déchets destinés à être éliminés et, pour l'autre, composé des articles 6 à 11, de la procédure applicable aux transferts de déchets destinés à être valorisés. La procédure prévue pour cette seconde catégorie de déchets est moins contraignante que celle applicable à la première catégorie.
10.
En vertu des dispositions de l'article 6, paragraphe 1, du règlement, lorsque le producteur ou le détenteur de déchets a l'intention de transférer d'un État membre dans un autre et/ou de faire transiter par un ou plusieurs autres États membres des déchets destinés à être valorisés, énumérés à l'annexe III du règlement (liste orange de déchets), il en informe l'autorité compétente de destination et adresse copie de la notification aux autorités compétentes d'expédition et de transit ainsi qu'au destinataire.
11.
L'article 7, paragraphe 2, du règlement fixe le délai ainsi que les conditions et modalités que doivent respecter les autorités compétentes de destination, d'expédition et de transit pour soulever des objections contre un projet notifié de transfert de déchets destinés à être valorisés. Ladite disposition prévoit en particulier que les objections doivent être fondées sur le paragraphe 4 dudit article.
12.
L'article 7, paragraphe 4, sous a), du règlement dispose:
«Les autorités compétentes de destination et d'expédition peuvent soulever des objections motivées contre le transfert envisagé:
- conformément à la directive 75/442/CEE, et notamment à son article 7
ou
- s'il n'est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires nationales en matière de protection de l'environnement, d'ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé
ou
- si le notifiant ou le destinataire s'est, dans le passé, rendu coupable de transferts illicites; dans ce cas, l'autorité compétente d'expédition peut refuser tout transfert impliquant la personne en question, conformément à sa législation nationale
ou
- si le transfert est contraire aux obligations résultant de conventions internationales conclues par l'État membre ou les États membres concerné(s)
ou
- si le rapport entre les déchets valorisables et non valorisables, la valeur estimée des matières qui seront finalement valorisées ou le coût de la valorisation et le coût de l'élimination de la partie non valorisable sont tels que la valorisation ne se justifie pas d'un point de vue économique et écologique.»
La réglementation allemande
13.
Des circulaires ont été adoptées par le ministère de l'Environnement du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, les 19 juin et 8 décembre 1995, ainsi que par le ministère de l'Environnement du Land de Bade-Wurtemberg, le 24 mars 1995, au sujet du transfert vers d'autres États membres de déchets destinés à être incinérés dans des fours de l'industrie du ciment.
14.
Ces circulaires établissent des critères de distinction afin de déterminer si un transfert de déchets relève d'une opération de valorisation ou d'une opération d'élimination.
15.
Ces critères s'inspirent des critères généraux prévus par le Kreislaufwirtschafts- und Abfallgesetz (loi relative au recyclage et aux déchets), du 27 septembre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 2705), pour distinguer, dans les opérations purement nationales, la valorisation énergétique du traitement thermique, c'est-à-dire de l'élimination.
16.
Ainsi, en application des circulaires mentionnées au point 13 du présent arrêt, ne peuvent relever de l'opération visée au point R 1 de l'annexe II B de la directive que les déchets:
destinés à être utilisés principalement comme combustible;
dont la valeur calorifique minimale atteint 11 000 kJ/kg;
dont la combustion atteint un taux de chauffe d'au moins 75 %;
dont les impuretés peuvent se valoriser sans dommage;
qui respectent certains seuils concernant les teneurs en substances nocives, et
qui remplissent les conditions énoncées ci-dessus sans nécessiter un mélange ou un conditionnement avec des déchets hautement inflammables.
17.
Le gouvernement allemand a indiqué par ailleurs que les Länder de Basse-Saxe et de Rhénanie-Palatinat s'inspirent eux aussi du Kreislaufwirtschafts- und Abfallgesetz pour définir des critères de distinction entre valorisation et élimination en cas d'incinération de déchets.
La procédure précontentieuse
18.
À la suite d'une plainte dont elle avait été saisie, la Commission a, par une lettre de mise en demeure adressée le 3 juillet 1997 à la République fédérale d'Allemagne, invité celle-ci à présenter ses observations dans un délai de deux mois au sujet du grief tiré de ce que les autorités allemandes compétentes auraient violé les dispositions de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement en s'opposant à des transferts de déchets vers la Belgique, au motif qu'il s'agissait de déchets destinés à être éliminés et non, comme indiqué par le notifiant, de déchets destinés à être valorisés. Selon la Commission, les déchets en cause devaient être utilisés principalement comme combustible dans des fours de l'industrie du ciment en Belgique et ils étaient donc bien destinés à être valorisés, de sorte que leur transfert ne pouvait faire l'objet d'une objection de la part des autorités allemandes que sur le fondement de l'article 7, paragraphe 4, du règlement.
19.
Dans sa réponse à cette lettre de mise en demeure, transmise le 30 décembre 1997, après une prolongation du délai de réponse, le gouvernement allemand a soutenu que, dans la mesure où l'objectif principal de l'incinération des déchets en cause ne pouvait pas, à la lumière de différents critères, être considéré comme étant la production d'énergie, ces déchets faisaient l'objet non d'une opération de valorisation visée au point R 1 de l'annexe II B de la directive, mais d'une simple opération d'élimination visée au point D 10 de l'annexe II A de ladite directive.
20.
Insatisfaite de cette réponse, la Commission a, par lettre du 19 février 1999, adressé à la République fédérale d'Allemagne un avis motivé dans lequel elle a réitéré, en mentionnant également une autre plainte reçue par elle concernant des transferts de déchets à destination de la Belgique, son point de vue selon lequel, d'une part, les transferts de déchets en cause relevaient bien d'opérations de valorisation et, d'autre part, les critères utilisés par les autorités allemandes compétentes pour qualifier une opération de traitement des déchets n'étaient pas conformes au droit communautaire. En conclusion, la Commission a indiqué qu'elle considérait que la République fédérale d'Allemagne avait violé les dispositions de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlementet elle a invité ledit État membre à se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
21.
Après avoir demandé une prorogation de ce délai, la République fédérale d'Allemagne a transmis, le 23 juillet 1999, sa réponse à la Commission. Dans cette réponse, les autorités allemandes ont pour l'essentiel réitéré les arguments qu'elles avaient invoqués antérieurement, en insistant sur le fait que les autorités nationales doivent pouvoir préciser les critères permettant de distinguer les opérations d'élimination et de valorisation en cas d'incinération de déchets, en l'absence de définition au niveau communautaire de critères précis sur ce point.
22.
C'est dans ces conditions que la Commission a introduit le présent recours.
Sur la recevabilité
23.
La République fédérale d'Allemagne oppose au recours une exception d'irrecevabilité, tirée de ce que, ni lors de la procédure précontentieuse ni dans la requête, la Commission n'aurait indiqué l'objet exact du litige de manière suffisamment claire pour lui permettre de se défendre contre les griefs qui lui sont adressés.
24.
Le gouvernement allemand soutient à ce propos que la Commission n'a pas identifié clairement les décisions administratives individuelles qui étaient en cause. S'agissant des trois circulaires des Länder de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et de Bade-Wurtemberg mentionnées au point 13 du présent arrêt, elles ne constituent pas, selon le gouvernement allemand, des objections à l'encontre de certains transferts de déchets déterminés, puisqu'elles se bornent à définir de manière générale certains critères permettant de distinguer l'élimination thermique de la valorisation énergétique.
25.
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la procédure précontentieuse a pour but de donner à l'État membre concerné l'occasion, d'une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d'autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission (voir, notamment, arrêts du 10 mai 2001, Commission/Pays-Bas, C-152/98, Rec. p. I-3463, point 23, et du 15 janvier 2002, Commission/Italie, C-439/99, Rec. p. I-305, point 10).
26.
Il s'ensuit, premièrement, que l'objet d'un recours intenté en application de l'article 226 CE est circonscrit par la procédure précontentieuse prévue à cette disposition (arrêt Commission/Pays-Bas, précité, point 23). Dès lors, le recours doit être fondé sur les mêmes motifs et moyens que l'avis motivé (voir, notamment, arrêt du 18 juin 1998, Commission/Italie, C-35/96, Rec. p. I-3851, point 28).
27.
Deuxièmement, l'avis motivé doit contenir un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l'État membre intéressé a manqué à l'une des obligations qui lui incombent en vertu du traité CE (voir, notamment, arrêt du 4 décembre 1997, Commission/Italie, C-207/96, Rec. p. I-6869, point 18).
28.
Or, il y a lieu de constater que ces exigences ont été respectées en l'espèce.
29.
En effet, tant lors de la procédure précontentieuse que dans sa requête la Commission a clairement indiqué qu'elle reprochait à la République fédérale d'Allemagne d'avoir manqué aux dispositions de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement en soulevant des objections injustifiées à l'encontre de certains transferts de déchets vers un autre État membre en vue de l'utilisation principale de ceux-ci comme combustible. La Commission a indiqué qu'elle se référait à cet égard aux pratiques administratives de certains Länder et elle a cité les dates de certaines décisions administratives individuelles adoptées par les autorités compétentes allemandes, de même que les dates d'adoption par lesdites autorités de circulaires servant de fondement à ces pratiques administratives.
30.
Lors de la procédure précontentieuse, le gouvernement allemand n'a pas nié l'existence de ces pratiques administratives, mais a développé des arguments tendant à démontrer que celles-ci étaient conformes aux dispositions du règlement.
31.
Dans ces conditions, alors même que la Commission n'a ni produit ni identifié par des références détaillées les décisions administratives individuelles auxquelles elle se référait, il y a lieu de considérer qu'elle a mis la République fédérale d'Allemagne en mesure de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs qu'elle avait formulés.
32.
Il s'ensuit que le recours doit être déclaré recevable.
Sur le fond
33.
Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, dans le système mis en place par le règlement, toutes les autorités compétentes destinataires de la notification d'un projet de transfert de déchets doivent vérifier que la qualification retenue par le notifiant est conforme aux dispositions du règlement et s'opposer au transfert lorsque cette qualification est erronée (arrêt du 27 février 2002, ASA, C-6/00, Rec. p. I-1961, point 40).
34.
Si elle estime que la finalité d'un transfert a été qualifiée de manière erronée dans la notification, l'autorité compétente d'expédition doit fonder son objection au transfert sur le motif tiré de cette erreur de qualification, sans référence à l'une des dispositions particulières du règlement qui définissent les objections que les États membres peuvent opposer aux transferts de déchets (arrêt ASA, précité, point 47).
35.
L'article 7, paragraphe 2, du règlement, dont il résulte que les autorités compétentes des États membres ne peuvent s'opposer à un transfert de déchets destinés à être valorisés que dans les cas limitativement énumérés au paragraphe 4 dudit article, n'empêche donc pas en principe ces autorités de soulever une objection à l'encontre d'un transfert déterminé, au motif qu'il concerne en réalité des déchets destinés à être éliminés, et ne s'oppose pas à ce que les États membres définissent par des actes àportée générale les critères permettant d'effectuer la distinction entre une opération de valorisation et une opération d'élimination.
36.
Toutefois, ces pratiques administratives ne sont conformes aux dispositions de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement qu'à la condition de mettre en .uvre des critères de distinction entre l'élimination et la valorisation des déchets qui soient conformes aux critères fixés par les dispositions de la directive auxquelles l'article 2, sous i) et k), du règlement renvoie pour définir ces notions.
37.
Dès lors, en vue de déterminer si la République fédérale d'Allemagne a, par les pratiques administratives en cause, manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement, il convient d'examiner si les objections que les autorités compétentes allemandes ont soulevées à l'encontre de certains transferts de déchets vers un autre État membre, ainsi que les circulaires qui définissent les critères généraux en application desquels ces objections ont été émises, sont conformes à la distinction entre opérations d'élimination et opérations de valorisation établie par la directive dans ses annexes II A et II B.
38.
La Commission soutient que l'utilisation d'un mélange de déchets comme combustible dans des fours à ciment relève de l'opération de valorisation visée au point R 1 de l'annexe II B de la directive.
39.
Selon le gouvernement allemand, les transferts de déchets en cause portent sur des déchets destinés à faire l'objet d'une incinération à terre, opération mentionnée au point D 10 de l'annexe II A de la directive, et concernent donc des opérations d'élimination au sens de ladite directive.
40.
À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes du point R 1 de l'annexe II B de la directive, constitue une opération de valorisation des déchets leur «[u]tilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie».
41.
Il y a lieu d'interpréter ladite disposition en ce sens qu'elle vise l'utilisation de déchets comme combustible dans des fours à ciment dès lors que, premièrement, l'opération en cause a pour objectif principal de permettre l'emploi des déchets comme moyen de produire de l'énergie. Le terme «utilisation» employé par le point R 1 de l'annexe II B de la directive implique en effet que la finalité essentielle de l'opération visée par cette disposition est de permettre aux déchets de remplir une fonction utile, à savoir la production d'énergie.
42.
Deuxièmement, l'utilisation de déchets comme combustible dans des fours à ciment relève de l'opération visée au point R 1 de l'annexe II B de la directive lorsque les conditions dans lesquelles cette opération doit être réalisée permettent de considérer qu'elle est effectivement un «moyen de produire de l'énergie». Ceci suppose, d'une part, que l'énergie générée par la combustion des déchets et récupérée soit supérieure à celle consommée lors du processus de combustion et, d'autre part, qu'une partie du surplus d'énergie dégagé lors de cette combustion soit effectivement utilisée, que cesoit immédiatement, sous la forme de la chaleur produite par l'incinération, ou après transformation, sous la forme d'électricité.
43.
Troisièmement, il découle du terme «principale» employé par le point R 1 de l'annexe II B de la directive que les déchets doivent être utilisés principalement comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie, ce qui implique que la majeure partie des déchets doit être consumée lors de l'opération et que la majeure partie de l'énergie dégagée doit être récupérée et utilisée.
44.
Une telle interprétation est conforme à la notion même de valorisation qui résulte de la directive.
45.
En effet, il découle de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, ainsi que du quatrième considérant de celle-ci, que la caractéristique essentielle d'une opération de valorisation de déchets réside dans le fait que son objectif principal est que les déchets puissent remplir une fonction utile, en se substituant à l'usage d'autres matériaux qui auraient dû être utilisés pour remplir cette fonction, ce qui permet de préserver les ressources naturelles (arrêt ASA, précité, point 69).
46.
La combustion de déchets constitue donc une opération de valorisation lorsque son objectif principal est que les déchets puissent remplir une fonction utile, en tant que moyen de produire de l'énergie, en se substituant à l'usage d'une source d'énergie primaire qui aurait dû être utilisée pour remplir cette fonction.
47.
Dès lors que l'utilisation de déchets comme combustible satisfait aux conditions mentionnées aux points 41 à 43 du présent arrêt, elle relève de l'opération de valorisation mentionnée au point R 1 de l'annexe II B de la directive, sans que puissent être pris en considération des critères tels que la valeur calorifique des déchets, la teneur en substances nocives des déchets incinérés ou le fait que les déchets aient été mélangés ou non.
48.
Il y a lieu de rappeler à cet égard que, même si une opération déterminée d'utilisation de déchets comme combustible peut être qualifiée d'opération de valorisation, les autorités compétentes de destination et d'expédition peuvent soulever des objections à l'égard d'un transfert de déchets réalisé en vue d'une telle opération dans les cas mentionnés à l'article 7, paragraphe 4, sous a), du règlement.
49.
En particulier, le cinquième tiret de ladite disposition permet aux autorités compétentes concernées de s'opposer à un transfert de déchets destinés à être valorisés lorsque le rapport entre les déchets valorisables et non valorisables, la valeur estimée des matières qui seront finalement valorisées ou le coût de la valorisation et le coût de l'élimination de la partie non valorisable sont tels que la valorisation ne se justifie pas d'un point de vue économique et écologique.
50.
Or, ces autorités pourraient notamment prendre en considération des critères tels que ceux mentionnés au point 47 du présent arrêt en vue de démontrer, au cas par cas, quesont remplies les conditions prévues à l'article 7, paragraphe 4, sous a), cinquième tiret, du règlement pour pouvoir soulever une objection à l'encontre d'un transfert de déchets déterminé.
51.
En l'espèce, force est de constater que les pratiques administratives des autorités compétentes allemandes ne satisfont pas aux exigences du règlement, telles qu'elles ont été exposées ci-dessus.
52.
En effet, dans le cadre de ces pratiques administratives, les autorités compétentes allemandes se sont opposées à des transferts de déchets destinés à être utilisés comme combustible en Belgique dans des fours de l'industrie du ciment, au motif que ces transferts seraient effectués en vue d'une opération d'élimination et non d'une opération de valorisation, sans que cette opposition soit justifiée par le non-respect de l'une des conditions mentionnées aux points 41 à 43 du présent arrêt.
53.
Bien que les déchets concernés aient été destinés à être utilisés comme combustible en Belgique, où ils devaient se substituer à des sources d'énergie primaire pour chauffer des fours à ciment, les autorités compétentes allemandes ont refusé de considérer que les opérations de transfert en cause constituaient l'opération de valorisation mentionnée au point R 1 de l'annexe II B de la directive, en se fondant uniquement sur le fait que les opérations concernées ne respectaient pas certains critères généraux énoncés dans les circulaires qu'elles avaient adoptées, tels que le critère de la valeur calorifique minimale des déchets.
54.
Or, ainsi que cela résulte du point 47 du présent arrêt, ces critères ne sont pas pertinents aux fins de déterminer si l'utilisation de déchets comme combustible dans un four à ciment constitue une opération d'élimination ou une opération de valorisation au sens de la directive et du règlement.
55.
Dans ces conditions, il convient de constater que, en soulevant des objections injustifiées contre certains transferts de déchets vers d'autres États membres en vue de leur utilisation principale comme combustible, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement.
Sur les dépens
56.
Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République fédérale d'Allemagne et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) En soulevant des objections injustifiées contre certains transferts de déchets vers d'autres États membres en vue de leur utilisation principale comme combustible, la République fédérale d'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1 er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne.
La République fédérale d'Allemagne est condamnée aux dépens.
2ème arrêt
ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
13 février 2003(1)
«Manquement d'État - Article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement (CEE) n° 259/93 - Qualification de la finalité d'un transfert de déchets (valorisation ou élimination) - Déchets incinérés - Point R 1 de l'annexe II B de la directive 75/442/CEE - Notion d'utilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie»
Dans l'affaire C-458/00,
Commission des Communautés européennes
partie requérante,
contre
Grand-duché de Luxembourg,
soutenu par
République d'Autriche, représentée par Mme C. Pesendorfer, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie intervenante,
ayant pour objet de faire constater que, en soulevant des objections injustifiées contre certains transferts de déchets vers un autre État membre en vue de leur utilisation principale comme combustible, contraires à l'énoncé de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO L 30, p. 1), ainsi qu'à l'énoncé de l'article 1er, sous f), en liaison avec le point R 1 de l'annexe II B de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996 (JO L 135, p. 32), le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 6 et 7 dudit règlement ainsi que de l'article 1er, sous f), en liaison avec le point R 1 de l'annexe II B de cette directive,
LA COUR (cinquième chambre),
rend le présent
Arrêt
1.
Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 décembre 2000, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en soulevant des objections injustifiées contre certains transferts de déchets vers un autre État membre en vue de leur utilisation principale comme combustible, contraires à l'énoncé de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO L 30, p. 1, ci-après le «règlement»), ainsi qu'à l'énoncé de l'article 1er, sous f), en liaison avec le point R 1 de l'annexe II B de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996 (JO L 135, p. 32, ci-après la «directive»), le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2, 6 et 7 du règlement ainsi que de l'article 1er, sous f), en liaison avec le point R 1 de l'annexe II B de la directive.
2.
Par ordonnance du président de la Cour du 7 juin 2001, la République d'Autriche a été admise à intervenir au soutien des conclusions du grand-duché de Luxembourg.
3.
La directive a pour objectif essentiel la protection de la santé de l'homme et de l'environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets. En particulier, le quatrième considérant de la directive indique qu'il importe de favoriser la récupération des déchets et l'utilisation des matériaux de récupération afin de préserver les ressources naturelles.
4.
Elle définit à son article 1er, sous e), l'«élimination» comme «toute opération prévue à l'annexe II A» et à cet article, sous f), la «valorisation» comme «toute opération prévue à l'annexe II B».
5.
Selon l'article 3, paragraphe 1, de la directive:
«Les États membres prennent des mesures appropriées pour promouvoir:
a) en premier lieu, la prévention ou la réduction de la production des déchets et de leur nocivité [.]
b) en deuxième lieu:
- la valorisation des déchets par recyclage, réemploi, récupération ou toute autre action visant à obtenir des matières premières secondaires
ou
- l'utilisation des déchets comme source d'énergie.»
6.
L'annexe II A, intitulée «Opérations d'élimination», de la directive vise au point D 10 l'«[i]ncinération à terre».
7.
L'annexe II B, intitulée «Opérations de valorisation», de la directive vise au point R 1 l'«[u]tilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie».
Le règlement
8.
Le règlement organise notamment la surveillance et le contrôle des transferts de déchets entre États membres.
9.
Le règlement définit à son article 2, sous i), l'«élimination» comme «les opérations définies à l'article 1er point e) de la directive 75/442/CEE» et à cet article, sous k), la «valorisation» comme «les opérations définies à l'article 1er point f) de la directive 75/442/CEE».
10.
Le titre II, intitulé «Transferts de déchets entre États membres», du règlement comporte notamment deux chapitres distincts traitant, pour l'un, composé des articles 3 à 5, de la procédure applicable aux transferts de déchets destinés à être éliminés et, pour l'autre, composé des articles 6 à 11, de la procédure applicable aux transferts de déchets destinés à être valorisés. La procédure prévue pour cette seconde catégorie de déchets est moins contraignante que celle applicable à la première catégorie.
11.
En vertu des dispositions de l'article 6, paragraphe 1, du règlement, lorsque le producteur ou le détenteur de déchets a l'intention de transférer d'un État membre dans un autre et/ou de faire transiter par un ou plusieurs autres États membres des déchets destinés à être valorisés, énumérés à l'annexe III du règlement (liste orange de déchets), il en informe l'autorité compétente de destination et adresse copie de la notification aux autorités compétentes d'expédition et de transit ainsi qu'au destinataire.
12.
L'article 7, paragraphe 2, du règlement fixe le délai ainsi que les conditions et modalités que doivent respecter les autorités compétentes de destination, d'expédition et de transit pour soulever des objections contre un projet notifié de transfert de déchets destinés à être valorisés. Ladite disposition prévoit en particulier que les objections doivent être fondées sur le paragraphe 4 dudit article.
13.
L'article 7, paragraphe 4, sous a), du règlement dispose:
«Les autorités compétentes de destination et d'expédition peuvent soulever des objections motivées contre le transfert envisagé:
- conformément à la directive 75/442/CEE, et notamment à son article 7
ou
- s'il n'est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires nationales en matière de protection de l'environnement, d'ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé
ou
- si le notifiant ou le destinataire s'est, dans le passé, rendu coupable de transferts illicites; dans ce cas, l'autorité compétente d'expédition peut refuser tout transfert impliquant la personne en question, conformément à sa législation nationale
ou
- si le transfert est contraire aux obligations résultant de conventions internationales conclues par l'État membre ou les États membres concerné(s)
ou
- si le rapport entre les déchets valorisables et non valorisables, la valeur estimée des matières qui seront finalement valorisées ou le coût de la valorisation et le coût de l'élimination de la partie non valorisable sont tels que la valorisation ne se justifie pas d'un point de vue économique et écologique.»
Les mesures nationales
14.
Au début de l'année 1998, la société J. Lamesch Exploitation SA, établie à Bettembourg (Luxembourg), a introduit deux dossiers de notification auprès de l'autorité compétente luxembourgeoise en vue d'être autorisée à transférer en France des déchets d'origine ménagère et assimilée relevant de l'annexe III du règlement. Ces déchets, provenant de deux producteurs de déchets établis au Luxembourg, devaient, selon les dossiers de notification, être valorisés par incinération avec récupération d'énergie dans l'incinérateur de la Communauté urbaine de Strasbourg. Une entreprise agissant sous la dénomination Négoce de tous matériaux réutilisables (ci-après «NTMR»), établie à Metz (France), devait remplir le rôle d'affréteur dans le transport des déchets en cause.
15.
Par deux décisions du 1er octobre 1998 (ci-après les «décisions litigieuses»), l'autorité compétente luxembourgeoise a requalifié d'office les transferts notifiés en transferts de déchets destinés à être éliminés. Elle a ajouté que de tels transferts ne peuvent être effectués que «sous réserve de la présentation d'une preuve que les déchets à acheminer ne peuvent pas être remis à une installation d'élimination luxembourgeoise, soit pour des raisons techniques, soit pour des manques de capacité».
16.
L'autorité compétente luxembourgeoise a justifié la requalification à laquelle elle a procédé d'office en indiquant que «[l]'incinération des déchets dans une installation dont la finalité primaire est le traitement thermique en vue de la minéralisation de ces déchets, indépendamment du fait qu'il y ait récupération ou non de la chaleur produite, est considérée au Luxembourg comme une opération d'élimination D 10 conformément à l'annexe II A de la directive 75/442/CEE telle que modifiée».
La procédure précontentieuse
17.
À la suite d'une plainte dont elle avait été saisie par NTMR, la Commission, par une lettre de mise en demeure du 22 octobre 1999 adressée au grand-duché de Luxembourg, a invité cet État membre à présenter ses observations dans un délai de deux mois au sujet du grief tiré de ce que les autorités luxembourgeoises compétentes auraient violé les dispositions du règlement et de la directive en refusant de qualifier d'opération de valorisation une incinération de déchets dans une installation d'incinération non industrielle lorsque l'énergie produite lors de l'incinération est récupérée en tout ou partie.
18.
Le grand-duché de Luxembourg n'ayant pas répondu à cette mise en demeure, la Commission a, par lettre du 4 avril 2000, adressé à celui-ci un avis motivé dans lequel elle a considéré que cet État membre avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu des articles 6 et 7 du règlement, de l'article 1er, sous f), et du point R 1 de l'annexe II B de la directive ainsi que, pour autant que de besoin, de l'article 34 du traité CE (devenu, après modification, article 29 CE). Dans cette même lettre, la Commission invitait le grand-duché de Luxembourg à prendre les mesures requises pour se conformer à l'avis motivé dans un délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci.
19.
Par lettre du 28 avril 2000, le grand-duché de Luxembourg a soutenu qu'une opération de traitement de déchets pouvait être qualifiée d'opération visée au point D 10 de l'annexe II A de la directive même lorsqu'elle permet de récupérer de l'énergie et que, en outre, la requalification des opérations en cause avait été effectuée par les autorités luxembourgeoises en accord avec les autorités de destination françaises.
20.
C'est dans ces conditions que la Commission a introduit le présent recours.
Sur le fond
21.
Il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, dans le système mis en place par le règlement, toutes les autorités compétentes destinataires de la notification d'un projet de transfert de déchets doivent vérifier que la qualification retenue par le notifiant est conforme aux dispositions du règlement et s'opposer au transfert lorsque cette qualification est erronée (arrêt du 27 février 2002, ASA, C-6/00, Rec. p. I-1961, point 40).
22.
Si elle estime que la finalité d'un transfert a été qualifiée de manière erronée dans la notification, l'autorité compétente d'expédition doit fonder son objection au transfert sur le motif tiré de cette erreur de qualification, sans référence à l'une des dispositions particulières du règlement qui définissent les objections que les États membres peuvent opposer aux transferts de déchets (arrêt ASA, précité, point 47). En revanche, il n'appartient pas à une autorité compétente de procéder d'office à la requalification de la finalité d'un transfert de déchets (arrêt ASA, précité, point 48).
23.
L'article 7, paragraphe 2, du règlement, dont il résulte que les autorités compétentes des États membres ne peuvent s'opposer à un transfert de déchets destinés à être valorisés que dans les cas limitativement énumérés au paragraphe 4 dudit article, nempêche donc pas en principe ces autorités de soulever une objection à l'encontre d'un transfert déterminé, au motif qu'il concerne en réalité des déchets destinés à être éliminés.
24.
Toutefois, une telle objection n'est conforme aux dispositions de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement qu'à la condition de mettre en .uvre des critères de distinction entre l'élimination et la valorisation des déchets qui soient conformes aux critères fixés par les dispositions de la directive auxquelles l'article 2, sous i) et k), du règlement renvoie pour définir ces notions.
25.
Par les décisions litigieuses, les autorités luxembourgeoises ont requalifié d'office les transferts notifiés en transferts de déchets destinés à être éliminés et elles se sont opposées à leur réalisation. Ces décisions doivent être regardées comme ayant entendu soulever l'objection tirée du caractère erroné de la qualification mentionnée dans les notifications des transferts en cause.
26.
Dès lors, en vue de déterminer si le grand-duché de Luxembourg a, par les décisions litigieuses, manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 7, paragraphes 2 et 4, du règlement, il convient d'examiner si l'objection soulevée par ces décisions est conforme à la distinction entre opérations d'élimination et opérations de valorisation établie par la directive dans ses annexes II A et II B.
27.
La Commission soutient que les transferts auxquels se sont opposées les décisions litigieuses concernaient des déchets destinés à être utilisés comme un moyen deproduire de l'énergie, une telle utilisation relevant de l'opération de valorisation visée au point R 1 de l'annexe II B de la directive.
28.
Selon la Commission, il y a lieu de considérer que les déchets sont utilisés comme un moyen de produire de l'énergie lorsque l'opération produit un surplus d'énergie et qu'une proportion substantielle de l'énergie contenue dans les déchets incinérés est récupérée en vue d'être utilisée.
29.
Le gouvernement luxembourgeois fait valoir que l'incinération des déchets en cause, avec récupération d'énergie, dans l'incinérateur de la Communauté urbaine de Strasbourg ne constituait pas une opération de valorisation relevant du point R 1 de l'annexe II B de la directive. En effet, seules seraient visées par cette disposition les opérations qui non seulement permettent de produire et d'utiliser un surplus d'énergie, mais encore, eu égard à la finalité de l'installation de traitement des déchets, ont pour objectif d'utiliser les déchets comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie. Selon le gouvernement luxembourgeois, cette conclusion résulte de l'emploi des termes «utilisation principale» à ladite disposition.
30.
Dès lors, le gouvernement luxembourgeois soutient que c'est à juste titre que les décisions litigieuses ont considéré que les transferts de déchets en cause portaient sur des déchets destinés en réalité à faire l'objet de l'opération d'élimination visée au point D 10 de l'annexe II A de la directive.
31.
À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes du point R 1 de l'annexe II B de la directive, constitue une opération de valorisation des déchets leur «[u]tilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie».
32.
Il y a lieu d'interpréter ladite disposition en ce sens qu'elle vise la combustion de déchets ménagers dès lors que, premièrement, l'opération en cause a pour objectif principal de permettre l'emploi des déchets comme moyen de produire de l'énergie. Le terme «utilisation» employé par le point R 1 de l'annexe II B de la directive implique en effet que la finalité essentielle de l'opération visée par cette disposition est de permettre aux déchets de remplir une fonction utile, à savoir la production d'énergie.
33.
Deuxièmement, la combustion de déchets ménagers relève de l'opération visée au point R 1 de l'annexe II B de la directive lorsque les conditions dans lesquelles cette opération doit être réalisée permettent de considérer qu'elle est effectivement un «moyen de produire de l'énergie». Ceci suppose, d'une part, que l'énergie générée par la combustion des déchets et récupérée soit supérieure à celle consommée lors du processus de combustion et, d'autre part, qu'une partie du surplus d'énergie dégagé lors de cette combustion soit effectivement utilisée, que ce soit immédiatement, sous la forme de la chaleur produite par l'incinération, ou après transformation, sous la forme d'électricité.
34.
Troisièmement, il découle du terme «principale» employé par le point R 1 de l'annexe II B de la directive que les déchets doivent être utilisés principalement comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie, ce qui implique que la majeure partie des déchets doit être consumée lors de l'opération et que la majeure partie de l'énergie dégagée doit être récupérée et utilisée.
35.
Une telle interprétation est conforme à la notion même de valorisation qui résulte de la directive.
36.
En effet, il découle de l'article 3, paragraphe 1, sous b), de la directive, ainsi que du quatrième considérant de celle-ci, que la caractéristique essentielle d'une opération de valorisation de déchets réside dans le fait que son objectif principal est que les déchets puissent remplir une fonction utile, en se substituant à l'usage d'autres matériaux qui auraient dû être utilisés pour remplir cette fonction, ce qui permet de préserver les ressources naturelles (arrêt ASA, précité, point 69).
37.
La combustion de déchets constitue donc une opération de valorisation lorsque son objectif principal est que les déchets puissent remplir une fonction utile, en tant que moyen de produire de l'énergie, en se substituant à l'usage d'une source d'énergie primaire qui aurait dû être utilisée pour remplir cette fonction.
38.
À la lumière de ces critères, il convient de constater en l'espèce que la Commission n'a pas établi que l'objection soulevée par les décisions litigieuses n'est pas conforme à la distinction entre opérations d'élimination et opérations de valorisation établie par la directive dans ses annexes II A et II B.
39.
En effet, les autorités compétentes luxembourgeoises ont refusé dans les décisions litigieuses de considérer comme une valorisation le transfert des déchets en cause vers un incinérateur situé en France, au motif que la finalité primaire de cette installation était le traitement thermique en vue de la minéralisation des déchets.
40.
L'objection ainsi opposée par ces autorités repose donc sur la considération selon laquelle l'objectif principal de l'opération en cause est l'élimination des déchets, considération qui constitue un motif approprié pour s'opposer à ce que le transfert de déchets vers cette installation soit qualifié d'opération de valorisation.
41.
En effet, le transfert de déchets en vue de leur incinération dans une installation de traitement conçue en vue de l'élimination des déchets ne peut être considéré comme ayant pour objectif principal la valorisation des déchets, même si, lors de l'incinération de ceux-ci, il est procédé à la récupération de tout ou partie de la chaleur produite par la combustion.
42.
Certes, une telle récupération d'énergie est conforme à l'objectif poursuivi par la directive de préserver les ressources naturelles.
43.
Toutefois, lorsque la récupération de la chaleur produite par la combustion ne constitue qu'un effet secondaire d'une opération dont la finalité principale est l'élimination des déchets, elle ne saurait remettre en cause la qualification de cette opération comme opération d'élimination.
44.
Or, la Commission n'a apporté dans le cadre de son recours aucun élément de nature à démontrer que, contrairement à ce que les autorités compétentes luxembourgeoises ont considéré dans les décisions litigieuses, l'opération en cause avait pour objectif principal la valorisation des déchets. Elle n'a fourni aucun indice en ce sens, tel que le fait que les déchets en cause auraient été destinés à une installation qui, faute d'être approvisionnée en déchets, aurait dû poursuivre son activité en utilisant une source d'énergie primaire ou que ces déchets auraient dû être livrés à l'installation de traitement contre un paiement de la part de l'exploitant de cette installation au profit du producteur ou du détenteur des déchets.
45.
La Commission a seulement fait valoir à cet égard que les transferts concernaient des déchets destinés à être utilisés comme moyen de produire de l'énergie et que la finalité de l'installation de traitement vers laquelle ces déchets devaient être transférés ne constituait pas un critère pertinent aux fins de qualifier une opération de transfert de déchets.
46.
Il s'ensuit que le recours de la Commission n'est pas fondé et doit, dès lors, être rejeté.
Sur les dépens
47.
Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le grand-duché de Luxembourg ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l'article 69, paragraphe 4, premier alinéa, de ce règlement, la république d'Autriche, qui est intervenue au litige, supporte ses propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.
3) La république d'Autriche supporte ses propres dépens.
3 ème arrêt
ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
3 avril 2003(1)
«Environnement - Déchets - Règlement (CEE) n° 259/93 - Directive 75/442/CEE - Traitement de déchets en plusieurs étapes - Utilisation de déchets dans l'industrie du ciment comme combustible et utilisation des résidus de l'incinération comme matière première dans la fabrication de ciment - Qualification comme opération de valorisation ou comme opération d'élimination - Notion d'utilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l'énergie»
Dans l'affaire C-116/01,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Raad van State (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
SITA EcoService Nederland BV, anciennement Verol Recycling Limburg BV
et
Minister van Volkshuisvesting, Ruimtelijke Ordening en Milieubeheer,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32), et par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996 (JO L 135, p. 32),
LA COUR (cinquième chambre),
rend le présent
Arrêt
1.
Par arrêt du 13 mars 2001, parvenu à la Cour le 15 mars suivant, le Raad van State a posé, en application de l’article 234 CE, quatre questions préjudicielles sur l’interprétation de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32), et par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996 (JO L 135, p. 32, ci-après la «directive»).
2.
Ces questions ont été soulevées dans le cadre dun litige opposant SITA EcoService Nederland BV (ci-après «SITA») au Minister van Volkshuisvesting, Ruimtelijke Ordening en Milieubeheer (ministre du Logement, de lAménagement du territoire et de l’Environnement, ci-après le «ministre») au sujet de la légalité de deux décisions par lesquelles ce dernier a subordonné à certaines conditions des transferts de déchets qui lui avaient été notifiés par SITA.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
La directive
3.
La directive a pour objectif essentiel la protection de la santé de l’homme et de l’environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets. En particulier, le quatrième considérant de la directive indique qu’il importe de favoriser la récupération des déchets et l’utilisation des matériaux de récupération afin de préserver les ressources naturelles.
4.
La directive définit à son article 1er, sous e), l«élimination» comme «toute opération prévue à l’annexe II A» et, à ce même article, sous f), la «valorisation» comme «toute opération prévue à l’annexe II B».
5.
Aux termes de l’annexe II A de la directive, intitulée «Opérations d’élimination»:
«NB: La présente annexe vise à récapituler les opérations d’élimination telles quelles sont effectuées en pratique. [...]
[...]
D 10: Incinération à terre.
[...]»
6.
Aux termes de l’annexe II B de la directive, intitulée «Opérations de valorisation»:
«NB: La présente annexe vise à récapituler les opérations de valorisation telles quelles sont effectuées en pratique. [...]
R 1 Utilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l’énergie
[...]
R 3 Recyclage ou récupération des substances organiques qui ne sont pas utilisées comme solvants (y compris les opérations de compostage et autres transformations biologiques)
[...]
R 5 Recyclage ou récupération d’autres matières inorganiques
[...]
R 11 Utilisation de déchets résiduels obtenus à partir de lune des opérations numérotées R 1 à R 10
[...]»
7.
L’article 3, paragraphe 1, de la directive dispose:
«Les États membres prennent des mesures appropriées pour promouvoir:
a) en premier lieu, la prévention ou la réduction de la production des déchets et de leur nocivité [.]
b) en deuxième lieu:
la valorisation des déchets par recyclage, réemploi, récupération ou toute autre action visant à obtenir des matières premières secondaires
ou
l’utilisation des déchets comme source d’énergie.»
8.
Aux termes de l’article 7 de la directive:
«1. Pour réaliser les objectifs visés aux articles 3, 4 et 5, les autorités compétentes visées à larticle 6 sont tenues d’établir dès que possible un ou plusieurs plans de gestion des déchets. Ces plans portent notamment sur:
les types, les quantités et les origines des déchets à valoriser ou à éliminer,
les prescriptions techniques générales,
toutes les dispositions spéciales concernant des déchets particuliers,
les sites et installations appropriés pour l’élimination.
Ces plans peuvent, par exemple, inclure:
les personnes physiques ou morales habilitées à gérer les déchets,
l’estimation des coûts des opérations de valorisation et d’élimination,
les mesures appropriées pour encourager la rationalisation de la collecte, du tri et du traitement des déchets.
2. Les États membres collaborent, le cas échéant, avec les autres États membres et la Commission, à l’établissement de ces plans. Ils les communiquent à la Commission.
3. Les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour empêcher des mouvements de déchets qui ne sont pas conformes à leurs plans de gestion. Ils informent la Commission et les États membres de ces mesures.»
Le règlement (CEE) n° 259/93
9.
Le règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’entrée et à la sortie de la Communauté européenne (JO L 30, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 120/97 du Conseil, du 20 janvier 1997 (JO L 22, p. 14, ci-après le «règlement»), organise notamment la surveillance et le contrôle des transferts de déchets entre États membres.
10.
Le règlement définit, à son article 2, sous i), l«élimination» comme «les opérations définies à l’article 1er point e) de la directive 75/442/CEE» et, à ce même article, sous k), la «valorisation» comme «les opérations définies à l’article 1er point f) de la directive 75/442/CEE».
11.
Intitulé «Transferts de déchets entre États membres», le titre II du règlement comporte notamment deux chapitres distincts traitant, pour l’un, composé des articles 3 à 5, de la procédure applicable aux transferts de déchets destinés à être éliminés et, pour l’autre, composé des articles 6 à 11, de la procédure applicable aux transferts de déchets destinés à être valorisés.
12.
En vertu des dispositions de l’article 6, paragraphe 1, du règlement, lorsque le producteur ou le détenteur de déchets a l’intention de transférer d’un État membre dans un autre et/ou de faire transiter par un ou plusieurs autres États membres des déchets destinés à être valorisés, énumérés à l’annexe III du règlement (liste orange de déchets), il en informe l’autorité compétente de destination et adresse copie de la notification aux autorités compétentes d’expédition et de transit ainsi qu’au destinataire.
13.
Selon l’article 6, paragraphe 3, du règlement, la notification est effectuée au moyen du document de suivi qui est délivré par l’autorité compétente d’expédition. Le paragraphe 5 de ladite disposition précise les informations qui doivent être fournies par le notifiant dans le document de suivi, parmi lesquelles figurent les informations concernant les opérations de valorisation visées à l’annexe II B de la directive (article 6, paragraphe 5, cinquième tiret) et la méthode envisagée pour l’élimination des résidus après recyclage (article 6, paragraphe 5, sixième tiret).
14.
L’article 7, paragraphe 2, du règlement fixe le délai ainsi que les conditions et modalités que doivent respecter les autorités compétentes de destination, d’expédition et de transit pour soulever des objections contre un projet notifié de transfert de déchets destinés à être valorisés. Ladite disposition prévoit en particulier, à son premier alinéa, que les objections doivent être fondées sur le paragraphe 4 dudit article.
15.
L’article 7, paragraphe 4, sous a), du règlement dispose:
«Les autorités compétentes de destination et d’expédition peuvent soulever des objections motivées contre le transfert envisagé:
conformément à la directive 75/442/CEE, et notamment à son article 7
ou
sil n’est pas conforme aux dispositions législatives et réglementaires nationales en matière de protection de l’environnement, d’ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé
ou
si le notifiant ou le destinataire s’est, dans le passé, rendu coupable de transferts illicites; dans ce cas, l’autorité compétente d’expédition peut refuser tout transfert impliquant la personne en question, conformément à sa législation nationale
ou
si le transfert est contraire aux obligations résultant de conventions internationales conclues par lÉtat membre ou les États membres concerné(s)
ou
si le rapport entre les déchets valorisables et non valorisables, la valeur estimée des matières qui seront finalement valorisées ou le coût de la valorisation et le coût de l’élimination de la partie non valorisable sont tels que la valorisation ne se justifie pas d’un point de vue économique et écologique.»
La réglementation nationale
16.
Le Meerjarenplan Gevaarlijke Afvalstoffen II (deuxième plan pluriannuel relatif aux déchets dangereux, ci-après le «MJP GA II») est un plan de gestion desdéchets au sens de larticle 7 de la directive, adopté en juin 1997 par les autorités néerlandaises pour la période 1997-2007.
17.
Le MJP GA II indique, dans son plan partiel, section 18, intitulée «Incinération de déchets dangereux», quune distinction peut être opérée entre la valorisation par recyclage, la valorisation par utilisation principale comme combustible et l’élimination définitive par incinération.
18.
S’agissant de la valorisation par recyclage, elle peut consister en la transformation de déchets ou en l’utilisation de ceux-ci dans un processus de production, comme l’utilisation de déchets inflammables comportant une haute teneur en éléments inorganiques dans la fabrication de clinkers de ciment.
19.
Selon le MJP GA II, comme il n’est pas possible de développer des critères généraux fiables concernant la distinction entre la valorisation par recyclage et l’élimination définitive pour des déchets dangereux à incinérer, il convient de procéder à une appréciation au cas par cas, selon les éléments relatifs au lot concerné et le mode de transformation envisagé.
20.
S’agissant de la valorisation avec utilisation principale comme combustible, le MJP GA II retient comme critère la valeur calorifique combinée à la teneur en chlore. Pour qu’il y ait valorisation, le MJP GA II exige, s’agissant de déchets dangereux ayant une teneur en chlore de 1 % ou moins, une valeur calorifique minimale de 11 500 kJ/kg et, s’agissant de déchets dangereux ayant une teneur en chlore supérieure à 1 %, une valeur calorifique minimale de 15 000 kJ/kg.
21.
La section 18 du MJP GA II indique en outre que, aux fins de l’appréciation dune notification de transfert de déchets, on examinera d’emblée si la valorisation des déchets est possible. Dès lors qu’il existe, aux Pays-Bas, des possibilités suffisantes d’élimination, il est possible, selon ce plan, de soulever des objections motivées contre les transferts envisagés de déchets destinés à être éliminés, conformément à l’article 4, paragraphe 3, sous b), du règlement. En effet, eu égard au principe d’autosuffisance, le maintien dans cet État membre de capacités d’élimination est considéré comme très important.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
22.
SITA est une société de droit néerlandais établie à Maastricht (Pays-Bas), dont l’activité consiste en la collecte et la transformation des déchets (dangereux et non dangereux).
23.
Les 23 décembre 1997 et 6 janvier 1998, SITA a notifié au ministre, en tant qu’autorité compétente d’expédition au sens du règlement, deux projets de transfert de déchets.
24.
La première notification (NL 90201) concernait un projet de transfert à l’entreprise STPI, établie à Engis (Belgique), entre le 1er février 1998 et le 31 janvier 1999, de 2 000 t d’un magma compact de déchets de laque, de mastic, de résine et de peinture, ainsi que de déchets contenant du silicium mélangés à de la sciure de bois.
25.
La seconde notification (NL 90204) concernait un projet de transfert à la même entreprise, au cours de la même période, de 1 000 t de sédiments organiques et inorganiques à faible teneur en halogènes, mélangés à de la sciure de bois.
26.
Après leur transfert, les déchets en cause devaient être utilisés par l’industrie belge du ciment, comme combustible pour des fours à ciment et comme matière première dans le processus de production de clinkers par les fabriques de ciment. Dans le cadre de ce processus de traitement, appelé «procédé combiné», l’énergie provenant des déchets se substitue à l’énergie produite par des matières premières, puis les cendres des déchets incinérés se substituent à des matières premières.
27.
Par deux décisions prises les 28 janvier et 13 février 1998 (ci-après les «décisions litigieuses»), le ministre a, en application de l’article 7, paragraphe 2, du règlement, donné son consentement par écrit aux transferts de déchets envisagés par SITA. Le ministre a toutefois subordonné l’autorisation de ces transferts à certaines conditions.
28.
En effet, il a considéré que, eu égard aux modalités de transformation envisagées, à savoir l’utilisation en vue de la fabrication de clinkers de ciment, la proportion des déchets réutilisés comme matériaux pour la production du ciment, soit des pourcentages respectifs de 25 à 40 % et de 30 %, ne pouvait en l’espèce être constitutive dune valorisation par recyclage au sens du MJP GA II.
29.
Le ministre a cependant admis que les transferts puissent être considérés comme ayant pour objet une valorisation par utilisation principale comme combustible, mais à la condition que, pour tout transport de déchets ayant une teneur en chlore inférieure ou égale à 1 %, la valeur calorifique des déchets à exporter soit supérieure à 11 500 kJ/kg et que, pour tout transport de déchets ayant une teneur en chlore supérieure à 1 %, la valeur calorifique de ceux-ci soit supérieure à 15 000 kJ/kg. Le ministre a fondé cette condition sur le MJP GA II.
30.
SITA a contesté les décisions litigieuses en tant quelles subordonnent aux’dites conditions l’autorisation de transférer les déchets concernés, par la voie, dune part, dune demande de mesures provisoires adressée au président de la section du contentieux du Raad van State et, d’autre part, dune réclamation adressée au ministre.
31.
Par ordonnance du 18 juin 1998, le président de la section du contentieux du Raad van State a rejeté cette demande de mesures provisoires.
32.
Par deux décisions du 2 décembre 1998, le ministre a rejeté les réclamations qui lui avaient été soumises par SITA à l’encontre des décisions litigieuses. Le 11 janvier 1999, cette dernière a introduit un recours contre chacune de ces décisions devant la juridiction de renvoi.
33.
Cest dans ces circonstances que le Raad van State, estimant que la solution du litige dont il est saisi dépend dune interprétation du droit communautaire, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Convient-il d’interpréter la directive [.] en ce sens quelle permet de considérer comme un tout, aux fins de sa qualification, un processus de traitement des déchets tel que celui décrit en l’espèce, impliquant plus dune opération?
2) Dans l’affirmative, y a-t-il valorisation au sens des points R 1, R 3 et R 5 de l’annexe [II] B de la [directive] lorsque le processus de traitement conduit à la valorisation intégrale des déchets utilisés dans le cadre de ce traitement?
3) a) Pour le cas où la première question appelle une réponse négative, la mesure (exprimée en valeur calorifique) dans laquelle les déchets contribuent au processus d’incinération ou la mesure (exprimée en étendue du recyclage) dans laquelle les résidus de cendres de ces déchets contribuent au processus de production, sont-elles pertinentes pour qualifier comme opération de valorisation ou comme opération d’élimination (R 1, R 3 et R 5 ou D 10) chacune des opérations, prise séparément?
b) Dans l’affirmative, quels critères convient-il d’utiliser pour déterminer si la contribution est suffisante pour permettre une qualification en qualité de valorisation? En l’absence de critères communautaires, des critères nationaux peuvent-ils être appliqués à cet effet?
4) Sil convient de qualifier une opération de valorisation et une autre d’élimination, quelle qualification convient-il de donner au processus de traitement dans son ensemble?»
Sur la première question
34.
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si, dans le cas d’un processus de traitement des déchets comportant plusieurs phases distinctes, la qualification comme opération d’élimination ou comme opération de valorisation, au sens de la directive, doit, aux fins de l’application du règlement, être effectuée en considérant ce processus de manière globale, comme constituant une seule opération, ou en examinant séparément chacune de ses phases comme des opérations distinctes.
Argumentation des parties
35.
SITA soutient qu’il convient d’interpréter la directive en ce sens quelle permet de considérer comme un tout, aux fins de sa qualification, un processus de traitement des déchets impliquant plus dune opération. Elle fait valoir à cet égard que le processus de traitement en cause dans le litige au principal constitue un seul procédé technique et doit donc faire l’objet dune appréciation globale, conduisant à la conclusion qu’il s’agit dune unique opération de valorisation.
36.
Le gouvernement néerlandais estime qu’il convient de répondre à la première question que la directive permet de considérer un processus de transformation de déchets, tel que celui en cause au principal, consistant en plus dune opération matérielle (à savoir l’incinération des déchets et l’utilisation des cendres dans la production de clinkers de ciment), comme une seule opération au sens des annexes II A et II B de ladite directive.
37.
Le gouvernement du Royaume-Uni considère que, dès lors qu’il est allégué que les déchets concernés seront utilisés dans un four à ciment à la fois comme combustible et comme matière première servant à la fabrication de clinkers de ciment, chacun de ces éléments doit être pris en compte et il convient d’en tirer une conclusion fondée sur la contribution globale des déchets au procédé dans son ensemble.
38.
Selon la Commission, la directive doit être interprétée en ce sens que, au cas où les déchets sont soumis à un processus de traitement comportant plusieurs opérations successives, il y a lieu de déterminer, pour chacune de ces dernières, si le traitement en question est une opération de valorisation ou d’élimination au sens des annexes II A et II B de ladite directive.
39.
La Commission relève que, dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi a constaté que, dans une première phase, les déchets serviront de combustible dans les fours à ciment, où l’énergie fournie par ces déchets remplace celle normalement produite par des matières premières. Dans une seconde phase, après que les déchets auront ainsi servi de source d’énergie, les cendres de ceux-ci remplaceront partiellement les matières premières nécessaires au processus de production de clinkers dans les cimenteries. Or, le fait que l’utilisation des cendres des déchets est elle-même qualifiée d’élimination ou de valorisation n’aurait aucune incidence sur la manière de qualifier le premier traitement subi par les déchets, qui serait seul pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer la finalité dun transfert de déchets aux fins de l’application du règlement.
Appréciation de la Cour
40.
À cet égard, il y a lieu de rappeler à titre liminaire que, aux fins de l’application de la directive et du règlement, toute opération de traitement des déchets doit pouvoir être qualifiée d’élimination ou de valorisation et une même opération ne peut être qualifiée simultanément d’élimination et de valorisation (arrêt du 27 février 2002, ASA, C-6/00, Rec. p. I-1961, point 63).
41.
Il y a lieu de relever toutefois que, si une même opération doit recevoir une seule qualification au regard de la distinction entre opération de valorisation et opération d’élimination, en pratique, un processus de traitement des déchets peut comporter successivement plusieurs phases de valorisation ou d’élimination.
42.
Il résulte de la directive et du règlement que, dans un tel cas, ce processus de traitement ne doit pas être considéré globalement comme une seule opération, mais que chaque phase doit faire lobjet dune qualification aux fins de l’application dudit règlement lorsqu’elle constitue elle-même une opération distincte.
43.
En effet, dune part, il ressort des articles 6, paragraphe 5, sixième tiret, et 7, paragraphe 4, sous a), cinquième tiret, du règlement qu’une opération qualifiée de valorisation des déchets peut être suivie dune opération d’élimination de la partie non valorisable de ceux-ci. Dans un tel cas, la qualification de la première opération comme opération de valorisation n’est pas affectée par le fait quelle est suivie par une opération d’élimination des déchets résiduels.
44.
D’autre part, il ressort du point R 11 de l’annexe II B de la directive que l’utilisation de déchets résiduels obtenus à partir de lune des opérations figurant à la même annexe, aux points R 1 à R 10, constitue elle-même une opération de valorisation, distincte de l’opération de valorisation qui la précédée. Conformément à la distinction ainsi effectuée par ladite annexe, il convient donc de déterminer de manière indépendante si une opération relève des opérations R 1 à R 10 mentionnées par cette annexe, sans qu’il y ait lieu de prendre en considération l’éventuelle utilisation ultérieure des déchets résiduels obtenus à partir de lune de ces opérations, utilisation qui fait elle-même l’objet dune opération distincte.
45.
Ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission et comme la relevé M. l’avocat général au point 51 de ses conclusions, lorsque la question de la qualification dune opération de traitement des déchets se pose aux fins de l’application du règlement, seule la qualification de la première opération que ceux-ci doivent subir postérieurement à leur transfert est pertinente aux fins de déterminer la finalité de ce transfert.
46.
En effet, lorsque le règlement se réfère au transfert des déchets et opère une distinction entre les transferts portant sur des déchets destinés à être éliminés et ceux portant sur des déchets destinés à être valorisés, il vise le traitement dont ces déchets doivent faire l’objet une fois arrivés à leur lieu de destination et non pas les traitements qui pourraient être éventuellement appliqués ultérieurement aux déchets ainsi traités ou à leurs résidus, traitements qui pourraient d’ailleurs avoir lieu dans une autre installation de traitement et après un nouveau transfert.
47.
Dans l’affaire au principal, il ressort de l’arrêt de renvoi que la juridiction nationale considère que le processus de traitement que doivent subir les déchets en cause comporte deux opérations distinctes, consistant, lune, en la combustion de ces déchets et, l’autre, en l’utilisation des cendres des déchets comme matière première pour la fabrication de clinkers de ciment.
48.
Au vu des considérations qui précèdent, seule la première des deux opérations susmentionnées devrait faire l’objet dune qualification en vue de déterminer la finalité du transfert des déchets en cause.
49.
Il convient donc de répondre à la première question que, dans le cas d’un processus de traitement des déchets comportant plusieurs phases distinctes, la qualification comme opération d’élimination ou comme opération de valorisation, au sens de la directive, doit être effectuée, aux fins de l’application du règlement, en considérant seulement la première opération que doivent subir les déchets postérieurement à leur transfert.
Sur la deuxième question
50.
Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.
Sur la troisième question
51.
À la lumière de la réponse apportée à la première question, il y a lieu de comprendre la troisième question en ce sens que la juridiction de renvoi demande en substance, dune part, si la valeur calorifique des déchets qui font l’objet dune combustion est un critère pertinent aux fins de déterminer si cette opération constitue l’opération d’élimination visée au point D 10 de l’annexe II A de la directive ou l’opération de valorisation mentionnée au point R 1 de l’annexe II B de ladite directive et, d’autre part, si les États membres peuvent définir des critères de distinction à cet effet.
52.
À cet égard, il y a lieu de rappeler d’emblée, en ce qui concerne la première branche de cette question, que la Cour a déjà jugé dans son arrêt du 13 février 2003, Commission/Allemagne (C-228/00, non encore publié au Recueil, point 47), que le critère de la valeur calorifique des déchets n’est pas pertinent en vue de déterminer si une opération de combustion de déchets relève de l’opération de valorisation mentionnée au point R 1 de l’annexe II B de la directive.
53.
En effet, il ressort du point 47 de ce dernier arrêt que, pour être considérée comme une utilisation principale comme combustible ou autre moyen de produire de l’énergie, au sens du point R 1 de l’annexe II B de la directive, il faut et il suffit que la combustion des déchets remplisse les trois conditions mentionnées aux points 41 à 43 dudit arrêt. Premièrement, l’opération en cause doit avoir pour objectif principal de permettre l’emploi des déchets comme moyen de produire de l’énergie. Deuxièmement, les conditions dans lesquelles cette opération doit être réalisée doivent permettre de considérer quelle est effectivement un «moyen de produire de l’énergie». Troisièmement, les déchets doivent être utilisés principalement comme combustible ou autre moyen de produire de l’énergie.
54.
Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans l’affaire au principal, ces conditions sont remplies, en vue de qualifier d’opération d’élimination ou d’opération de valorisation la combustion dans des fours à ciment des déchets en cause.
55.
S’agissant de la seconde branche de la troisième question, il y a lieu de rappeler également que le règlement ne s’oppose pas à ce que les États membres définissent par des actes à portée générale les critères permettant d’effectuer la distinction entre une opération de valorisation et une opération d’élimination, à la condition que ces critères soient conformes à ceux fixés par la directive (voir, en ce sens, arrêt Commission/Allemagne, précité, points 35 et 36).
56.
Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que la valeur calorifique des déchets qui font l’objet dune combustion n’est pas un critère pertinent aux fins de déterminer si cette opération constitue l’opération d’élimination visée au point D 10 de l’annexe II A de la directive ou l’opération de valorisation visée au point R 1 de l’annexe II B de celle-ci. Les États membres peuvent définir des critères de distinction à cet effet, à la condition que ces critères soient conformes à ceux fixés par ladite directive.
Sur la quatrième question
57.
Compte tenu de la réponse apportée à la première question, dont il résulte qu’un processus de traitement des déchets ne doit pas être qualifié dans son ensemble aux fins de l’application du règlement, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.
Sur les dépens
58.
Les frais exposés par les gouvernements néerlandais, allemand et du Royaume-Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire lobjet dun remboursement. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère dun incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Raad van State, par arrêt du 13 mars 2001, dit pour droit:
1) Dans le cas d’un processus de traitement des déchets comportant plusieurs phases distinctes, la qualification comme opération d’élimination ou comme opération de valorisation, au sens de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets, telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 , et par la décision 96/350/CE de la Commission, du 24 mai 1996, doit être effectuée, aux fins de l’application du règlement (CEE) n° 259/93 du Conseil, du 1 er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l’entrée et à la sortie de la Communauté européenne, tel que modifié par le règlement (CE) n° 120/97 du Conseil , du 20 janvier 1997, en considérant seulement la première opération que doivent subir les déchets postérieurement à leur transfert.
2) La valeur calorifique des déchets qui font l’objet dune combustion n’est pas un critère pertinent aux fins de déterminer si cette opération constitue l’opération d’élimination visée au point D 10 de l’annexe II A de la directive 75/442, telle que modifiée par la directive 91/156 et par la décision 96/350, ou l’opération de valorisation visée au point R 1 de l’annexe II B de celle-ci. Les États membres peuvent définir des critères de distinction à cet effet, à la condition que ces critères soient conformes à ceux fixés par ladite directive.