C’est la base la plus secrète de la Défense nationale. Depuis 1970, ce bout de terre relié à la presqu’île de Crozon (Finistère) abrite les quatre sous-marins lanceurs d’engins de la Force océanique stratégique, principale composante de la dissuasion nucléaire française. Lancé en août 1967, le chantier sera le plus important d’Europe avec toutes les techniques possibles (terrassements, dragage, travaux souterrains), 1 500 ouvriers, 300 000 m de béton coulés et 6 000 t d’acier pour la construction des charpentes bassins, soit l’équivalent du poids de la tour Eiffel.
Plus de quarante ans après, l’île Longue est à nouveau un immense chantier. « Nous avons des installations à renouveler ; les exigences de sécurité ont évolué après l’accident AZF de 2001, le 11-Septembre et Fukushima. Et nous sommes en train d’intégrer de nouveaux systèmes d’armes, comme les missiles M51, qui préfigurent l’arrivée de sous-marins de nouvelle génération », explique Stéphane de Saint-Exupéry, capitaine de vaisseau commandant de la base opérationnelle de l’île Longue. Pour réceptionner en toute sécurité les éléments nécessaires à l’assemblage de véritables petites fusées de 12 m de haut, la construction d’un équipement de transfert roulier, appelé le « port tertiaire » a été nécessaire.
150 millions d’euros d’investissement par an
La réalisation de ce port a été placée sous la maîtrise d’ouvrage de l’établissement du Service d’infrastructure de la défense (Esid) de Brest. Plus de 400 personnes travaillent dans cette structure pour un investissement annuel de près de 150 millions d’euros, soit environ un tiers de la commande publique du BTP du Finistère. Sur le site de l’île Longue, l’Esid est représenté par une unité (Usid.S) d’une centaine de personnes. « Notre mission est un peu comme l’entretien d’un stand de Formule 1 pendant une course qui ne s’arrête jamais ! » décrit Roland Boutin, ingénieur en chef des travaux maritimes, et responsable de l’Usid.S de l’île Longue.
Un ouvrage de 310 m de long
La construction du port tertiaire a été confiée à un groupement composé notamment d’EMCC (Vinci), leader français du dragage et des travaux nautiques et subaquatiques, et Joseph Paris (Fayat Métal), entreprise de construction métallique nantaise, spécialisée dans les ouvrages d’art et les équipements portuaires ou offshore de haute technicité. L’équipement se décompose en trois grosses divisions fonctionnelles : un ouvrage d’approche de 110 m (appontement de type pont-route), une passerelle roulière (de type roll on, roll off - RoRo) de 65 m avec son portique de manœuvre, et un ensemble de pieux sur 130 m, reliés par une passerelle, pour l’accostage et l’amarrage du bateau.
La taille des convois pyrotechniques (110 t et 26 m de long), leur contrainte de garde au sol, un marnage pouvant dépasser les 8 m… « Tous ces éléments nous ont conduits à réaliser un ouvrage assez long afin, notamment, de ne pas avoir à draguer », explique Roland Boutin.
Un des enjeux du chantier a été de minimiser les interventions à terre afin de perturber le moins possible l’activité opérationnelle. « A l’exception des enracinements, tout a été réalisé avec des moyens nautiques », affirme Jean-Luc Lazenec, ingénieur divisionnaire du Service d’infrastructure de la défense. L’autre contrainte pour les entreprises est bien évidemment de se plier aux conditions extrêmes de sécurité auxquelles sont soumis tous les acteurs du chantier (enquêtes sur le personnel, contrôles d’accès, badges…).











