Une appli pour "pister" ses ouvriers

La gestion des salariés mobiles constitue un enjeu majeur pour les entreprises, notamment dans le BTP. Un dirigeant d’un constructeur britannique vient de développer une nouvelle application pour s’assurer de leur présence sur les chantiers. En France, la Cnil se montre prudente quant à l’utilisation de ces outils de géolocalisation.

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Lancée en janvier, l'appli anglaise ClockedIn a été conçue spécialement pour le BTP.

Plusieurs applications pour smartphones ont été développées au cours de ces dernières années pour faciliter le pointage et le suivi des salariés mobiles. La dernière en date, ClockedIn, a été lancée en janvier 2014 par Mark Shaw, un bâtisseur britannique à la tête d’une entreprise de sept salariés, AMS Building Services. « La gestion des fiches de présence des ouvriers représente une perte de temps considérable, sans compter que les heures travaillées sont souvent surestimées. Je me suis dit qu’il y avait forcément une solution électronique pour remédier à ce problème », explique l’entrepreneur.

L’appli "Timecard GPS", un suivi permanent

Développée par une start’up qu’il a créée en parallèle à son activité, ClockedIn est, selon Mark Shaw, « particulièrement adaptée au secteur de la construction, et simple d’utilisation ». Les salariés doivent installer l’application sur leur smartphone et pointer à leur arrivée sur le chantier et à leur départ. Les coordonnées GPS de l’ouvrier sont enregistrées sur un serveur et permettent à l’employeur de s’assurer, grâce à une visualisation sur une carte Google, qu’il est bien sur son lieu de travail.

Après plusieurs mois de tests dans sa propre entreprise, Mark Shaw estime que l’application lui a permis d’économiser entre 400 et 550 euros par mois. Le prix d’utilisation de ClockedIn varie en fonction du nombre de salariés. À titre indicatif, une entreprise qui compte entre 15 et 20 employés devra débourser 110 euros HT par mois. L’application de Mark Shaw n’est pour l’instant utilisée que par trois entrepreneurs britanniques qui emploient une vingtaine de salariés. « Mais plusieurs sociétés de plus de cent employés ont déjà fait part de leur intérêt pour Clockedin », assure l’entrepreneur.

D’autres applications similaires sont disponibles depuis plusieurs années. Timecard GPS, développée par l’entreprise californienne Econz Wireless, va encore plus loin que ClockedIn dans la surveillance des ouvriers. Elle permet à l’employeur de les géolocaliser à tout moment, ou encore de calculer les temps de pause et la durée qu’un salarié met à accomplir une tâche donnée.

« Une question de proportionnalité » pour la Cnil

Un tel "pistage" est-il possible en France ?  La Commission nationale de l’Informatique et des libertés (Cnil) a déjà été confrontée à cette question de la géolocalisation dans un cadre professionnel, rédigeant même des fiches pratiques sur le sujet.

« Lorsqu’un employeur décide d’utiliser la géolocalisation, il doit en préciser la finalité », estime Paul Hébert, chef du service des affaires juridiques de l’Autorité administrative indépendante. La Commission effectue ensuite une « analyse de proportionnalité » pour vérifier si l’usage de la géolocalisation est justifié par cette finalité. Les salariés doivent être avertis que des données sont collectées à leur sujet par leur employeur et ont un droit d’accès à ces informations. Un ouvrier dont les heures de pointage sont enregistrées sur un serveur doit pouvoir les consulter.

« En ce qui concerne ClockedIn, cette application semble avoir le même usage qu’un badge, donc la finalité paraît parfaitement proportionnée », estime Paul Hébert. En revanche, la seconde application, TimecardGPS, lui semble « plus sensible ». « On admet la géolocalisation des véhicules de livraisons quand il s’agit d’assurer la sécurité de la marchandise ou d’optimiser les trajets. Mais TimeCardGPS localise en permanence des personnes. S’il s’agit de calculer le temps de travail, la durée que met un ouvrier à accomplir une tâche, ou de faire des économies, cela me paraît assez critiquable. Ce n’est plus proportionné, surtout qu’il existe d’autres moyens moins intrusifs », juge Paul Hébert.

Le chef du service des affaires juridiques de la Cnil considère toutefois que « l’utilisation d’une application de ce type serait justifiable si un chantier présentait des risques particuliers, et si elle permettait d’assurer leur sécurité, sur une plateforme pétrolière par exemple ».

Plus d'informations avec le BEM, la lettre de la construction à l'international

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