Comme si le grand méchant loup avait soufflé tellement fort sur la maison en paille des trois petits cochons que celle-ci, totalement déchiquetée, était allée se plaquer sur la maison voisine en bois. C'est très schématiquement la technique utilisée pour isoler la crèche de 32 berceaux et 880 m2 SP qui a vu le jour à Moreuil (Somme).
Sauf que la paille hachée est ici injectée grâce à une machine toute neuve, à travers un trou réalisé dans les murs en bois. « Il nous a fallu seulement 2 min 30 pour remplir une cavité de 3 m de haut par 56 cm de large et 30 cm d'épaisseur avec une densité de 80 kg/m³. Commencée le 18 février, l'insufflation a duré trois semaines. Au total, nous avons utilisé 7,5 t de paille hachée à 500 euros/t », relate Frédéric Cousin, assistant technique matériaux biosourcés pour la communauté de communes Avre Luce Noye (CCALN), maître d'ouvrage du programme. Il précise que ce matériau fluide résiste très bien au feu mais qu'il doit être posé avec moins de 20 % d'humidité.
Technique courante
« C'est le premier chantier en France qui recourt à la paille hachée sur mur porteur avec une technique courante. Nous avons eu de la chance car l'Atex présentée par Ielo [la coopérative qui commercialise la paille hachée, NDLR], a été validée juste après la phase de consultation des entreprises. Ce qui nous permet d'avoir toutes les garanties décennales », se félicite Mathilde Heren, en charge du projet pour l'agence Murmur Architecture (1). L'Atex ne concernant pour l'heure que les murs, la toiture sera, elle, isolée avec 40 cm de ouate de cellulose.
Si le procédé de l'insufflation de paille hachée est aujourd'hui considéré comme usuel, il impose néanmoins que les applicateurs soient familiarisés avec la technique. « Il existe une formation pour les poseurs et une autre pour les prescripteurs », ajoute Rémy Knibbe, gérant de l'entreprise 2C2B qui réalise le lot charpente ossature bois et isolation paille.
Pour commander la matière première via la SCIC Ielo, 2C2B en est devenue sociétaire. « La paille vient de Bonneuil-Matours (Vienne) mais une coopérative se monte actuellement en Hauts-de-France, à proximité de Soissons (Aisne) », se félicite le dirigeant qui croit fortement dans ce matériau qui assure à la fois confort d'hiver et d'été grâce à un déphasage thermique de 15 heures.
La CCALN a aussi été séduite par ses propriétés d'usage. « Nous bénéficierons d'un bâtiment sain qui sera passif, voire quasi autonome en énergie grâce aux panneaux photovoltaïques posés en toiture. De plus, avec un coût de revient de 2 490 euros HT du m², cela ne coûte pas beaucoup plus cher que de travailler de façon traditionnelle. Avec les économies d'énergie réalisées, nous serons vite gagnants », se félicite Anne-Marie Prévost, vice-présidente de la communauté de communes en charge de la petite enfance. L'élue ajoute que la collectivité a bénéficié de 80 % de subventions sur ce projet de 3,4 M€ HT qui doit être livré au dernier trimestre 2025.
(1) La maîtrise d'œuvre comprend également les bureaux d'études EBB, Energelio, Delta FI, Leslie Acoustique et Evia.
