L'enquête publique sur le projet de plan local d'urbanisme bioclimatique (PLU-B) de la Ville de Paris, arrêté en juin 2023, a commencé le 8 janvier et se terminera le 29 février 2024. Cette étape clé de la procédure de révision du document d'urbanisme doit permettre à tous les habitants, associations, acteurs de l'immobilier - des promoteurs aux propriétaires fonciers - de faire entendre leur voix.
Rappelons que, par délibération des 15-17 décembre 2020, le Conseil de Paris a prescrit la révision de son document d'urbanisme, en lui assignant cinq objectifs : une « ville inclusive et solidaire », une « ville aux patrimoines et paysages préservés », une « ville durable, vertueuse, résiliente et décarbonée », une « ville attractive et productive », une « ville actrice de la métropole ». L'année suivante, il a délibéré sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), mises à la concertation publique, en application de l' (C. urb.).
Enfin, lors de la séance des 5-8 juin 2023, les élus ont adopté le projet de PLU-B, qui a été soumis - pour avis - aux personnes publiques associées (région Ile-de-France, métropole du Grand Paris, Ile-de-France Mobilités, SNCF Réseau…). Celui-ci doit maintenant faire l'objet d'une procédure d'enquête publique qui durera 53 jours consécutifs, avant d'être soumis au vote du Conseil de Paris pour approbation fin 2024. L'entrée en vigueur est prévue début 2025.
Commission d'enquête publique
L'enquête publique se tient sous l'égide d'une commission d'enquête dont les membres ont été désignés par le tribunal administratif (TA) de Paris. Présidée par un ancien ingénieur général honoraire des Ponts et Chaussées, elle réunit huit membres titulaires aux profils variés : une consultante en droit des affaires et fiscalité ; un ancien ingénieur de l'Ecole supérieure des géomètres et topographes ; un hydrogéologue ; une enseignante en droit public ; un ancien consultant en énergie, environnement et déchets ; un chef d'entreprise de construction ; et un ancien ingénieur informatique et télécoms.
Déroulement de l'enquête publique
Conformément à l' (C. env.), le dossier soumis à enquête publique comprend notamment le projet de PLU, les avis émis par les différentes entités consultées, l'évaluation environnementale du document, l'avis de l'Autorité environnementale, le mémoire en réponse de la Ville de Paris et le bilan de la concertation préalable. Il est déposé en version papier dans 17 mairies d'arrondissement et de secteur de Paris et mis à la disposition du public. Il est également disponible sur le site internet dédié : https://www.enquete-publique-plu-paris.fr.
Il ne s'agit pas, à travers l'enquête publique, de contester les grands objectifs du PLU-B.
Registre dématérialisé, mail ou voie postale. Les observations et propositions peuvent être déposées par voie électronique sur le registre dématérialisé ouvert à cet effet ou adressées par écrit ou par courriel. La commission d'enquête n'est pas tenue de répondre à toutes les observations. Néanmoins, il est intéressant de relever que, lors de la modification générale du PLU en 2016, la commission d'enquête ainsi que la Ville de Paris avaient répondu à chacune des 977 observations formulées lors de l'enquête publique. Par conséquent, et alors que l' impose à la commission d'enquête de remettre son rapport et ses conclusions motivées un mois après la clôture de l'enquête, celle-ci n'avait rendu son rapport qu'en mars 2016, soit huit mois après la clôture de l'enquête, et le PLU modifié n'avait été approuvé qu'en juillet 2016. La Ville de Paris pourrait vraisemblablement proposer à la commission d'enquête de procéder de la même façon, ce qui explique le calendrier long annoncé, même si on sait la capitale par ailleurs occupée par l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques.
Des évolutions du projet toujours possibles
La Ville de Paris n'est pas juridiquement liée par les conclusions et l'avis de la commission d'enquête qui seront rendus. Mais le projet de PLU peut encore être modifié précisément « pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport de la commission d'enquête » () et sous réserve que les modifications « ne remettent pas en cause l'économie générale » du projet de plan (, mentionné aux tables du recueil Lebon).
Il ne s'agit donc pas, à travers l'enquête publique, de contester les grands objectifs du PLU-B, tels que le renforcement des normes environnementales, la volonté de rééquilibrer la répartition logements/activités entre l'Est et l'Ouest parisien - qui passe par un moratoire sur les bureaux -, ou encore la production de logements aidés (40 % à l'horizon 2035).
Dispositions à corriger. En revanche, il est indispensable que les acteurs de l'immobilier interviennent sur des sujets structurants et des points techniques du document d'urbanisme. De nombreuses dispositions pourraient en effet être précisées, voire corrigées. On pense, par exemple, à l'assiette de la nouvelle règle de « mixité fonctionnelle », à la définition de la « restructuration lourde », au champ d'application de la servitude de mixité sociale qui, en l'état, vise tout programme d'habitation - incluant donc l'hébergement - alors qu'elle ne peut concerner que les programmes de « logements » (), aux nouvelles dispositions relatives à la conception bioclimatique et aux performances des bâtiments…
De même, tous les propriétaires dont les biens sont grevés d'un emplacement réservé pour la réalisation de logements - les fameuses 611 nouvelles pastilles - ont la possibilité de se manifester. En effet, un argumentaire convaincant alliant des considérations juridiques et techniques pourrait permettre de dépastiller certains immeubles, d'autant plus que la Ville de Paris précise elle-même qu'un quart « seulement » des emplacements réservés seront nécessaires pour atteindre l'objectif de 40 % de logements publics à l'horizon 2035.
Contentieux. Plus globalement, des précisions sont à obtenir pour accroître la sécurité juridique et la prévisibilité des opérations immobilières. Il est donc indispensable que les acteurs se saisissent de cette opportunité dans le cadre de l'enquête publique, sans attendre d'éventuels contentieux contre le futur PLU-B. La délibération qui approuvera le document pourra en effet être contestée devant le TA de Paris dans un délai de deux mois à compter du premier jour de son affichage en mairie. L'on rappellera que le PLU approuvé en 2006 avait été attaqué par plusieurs associations et par le préfet de la région Ile-de-France.
Il n'est d'ailleurs pas exclu que le juge administratif se prononce avant l'entrée en vigueur du document, ou peu de temps après, sur la légalité de certaines mesures. En effet, de nombreux contentieux ont été introduits à l'encontre des sursis à statuer qui ont été opposés par la capitale (368 au total en 2023 selon opendata.paris.fr). Or, dans le cadre de ces recours, les requérants ont la possibilité de soulever l'exception d'illégalité d'un PLU en cours d'élaboration (, publié au Recueil).
Ce qu'il faut retenir
- L'enquête publique concernant le futur plan local d'urbanisme bioclimatique (PLU-B) de Paris est ouverte jusqu'au 29 février 2024.
- Le dossier est déposé dans 17 mairies d'arrondissement et de secteur de la capitale et mis à la disposition du public. Il est également disponible en consultation sur le site internet dédié.
- Même si la Ville de Paris n'est pas juridiquement liée par les conclusions et l'avis de la commission d'enquête, le projet peut encore être modifié pour tenir compte des observations du public notamment.
- Il est donc indispensable que les acteurs de l'immobilier se manifestent sur des sujets structurants et des points techniques du document. De nombreuses dispositions mériteraient en effet d'être corrigées en vue d'accroître la sécurité juridique des opérations.