André Le Nôtre en resterait sans doute sans voix ! Car c’est bien le tracé de « son » allée des Mortemets, majestueuse promenade rectiligne entre la pièce d’eau des Suisses et l’étoile de Choisy, que ressuscite la communauté d’agglomération Versailles Grand Parc. Cette allée qu’il fit réaliser voilà trois siècles et demi sur environ 2 km. Un chantier bat aujourd’hui son plein dans un ballet de bulldozers, de pelles, de camions et de tombereaux dont il n’aurait jamais imaginé l’existence, même dans ses rêves les plus fous.
Poches d’eau imprévues.
Avant de planter l’impressionnant double alignement de Quercus robur bordant les deux côtés de la voie de circulation douce de 6 m de large et qui sera traitée en stabilisé pour accueillir piétons et cyclistes, il a fallu défricher et même déboiser, puis niveler sur une emprise de 50 m, creuser les fossés latéraux et drainer le tout. Un vrai chantier routier et de VRD qui a été confié à Eurovia. Des ouvrages en pierres meulières camouflent les entrées de buse, le réseau hydraulique revêtant une importance capitale sur ce terrain en pente où les godets des pelles ont vite fait de tomber sur des poches d’eau imprévues. « Ce terrain retient énormément l’eau, confirme Laurent Eon, conducteur de travaux de l’entreprise de paysage Pinson. Si bien qu’avec les nombreuses précipitations de l’hiver et du printemps nous n’avons pas pu travailler pendant plusieurs semaines. » Le chantier de restauration comprend également une partie du périmètre de la pièce d’eau des Suisses. La promenade, bordée de doubles alignements de platanes immenses encadrant le bassin, est utilisée pour réaliser la jonction entre les pistes cyclables de Versailles et cette fameuse allée des Mortemets.
Retrouver les perspectives.
« Ici, nous intervenons uniquement sur la voie de cheminement, précise Francis Houvet, chargé de mission circulations douces à la direction de l’aménagement de la communauté. Les équipes d’Eurovia décaissent la voie centrale, posent un drain enterré en tranchée, complètent avec un granulat et recouvrent de stabilisé. » L’opération témoigne d’un travail de reconquête des terrains entrepris depuis plusieurs années pour redonner toute leur amplitude aux perspectives qui ont été tracées, aménagées et plantées par Le Nôtre, aux confins du parc actuel et au-delà de ses limites. C’est ainsi que les allées de l’Étoile royale à l’extrémité ouest du grand canal ont été réhabilitées, de même que les 700 m du tronçon central de l’allée en 1997. Située en terrain militaire, cette partie sera isolée du domaine de l’armée par des clôtures pour être ouverte au public. Toutes ces interventions sont supervisées par Pierre-André Lablaude, architecte en chef des Monuments historiques qui s’est fait une spécialité des grands jardins classiques à la française, et en particulier du travail de Le Nôtre.
Quinze jours de plantation.
Les quatre équipes de l’entreprise Pinson réalisent sur le tracé de cette allée 200 m3 de mouvements de terre végétale et mettent chaque jour en fosse une cinquantaine de Quercus robur. La phase de plantation des 582 chênes n’aura duré qu’une quinzaine de jours. Pour tenir la cadence, le chantier est alimenté deux fois par semaine. Les sujets 16/18, en provenance du pépiniériste allemand Ley, près de Cologne, sont stockés et leurs mottes sont protégées de sacs de jute arrosés deux fois par semaine par un camion-citerne. Après plantation, viennent l’engazonnement des bandes latérales au pied des alignements, puis le revêtement de la voie de circulation douce. L’inauguration aura lieu le 27 juin pour les célébrations du 400e anniversaire de la naissance du Grand Jardinier de Louis XIV.
