Vitrage électrochrome : SageGlass et Saint-Gobain partent à la conquête de l’Europe

La start-up du Minnesota, rachetée en totalité par le géant français des produits de construction en 2012, veut réaliser une percée sur le Vieux continent en tablant sur ses qualités de confort, mais aussi de performance énergétique.

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Le Centre du Gouvernement d’Utrecht (Pays-Bas) et sa verrière équipée du vitrage SageGlass.

Dans la famille des vitrages actifs, celui utilisant la technologie électrochrome – qui consiste en la variation de la transmission lumineuse sous l’effet d’un courant électrique provoquant le changement de teinte du vitrage – est sans doute l’un des plus révolutionnaires. Et parmi les rares applications industrielles présentées à la vente, la gamme SageGlass de Saint-Gobain pour les façades et les verrières est l’une des plus innovantes.

Les propriétés du produit sont en tout cas séduisantes : ce vitrage multicouches varie au cours de la journée sous l’effet d’un faible courant électrique associé au principe d’oxydation, de manière à maximiser la quantité de lumière entrante, tout en contrôlant l’apport de chaleur et l’éblouissement sans jamais cacher la vue vers l’extérieur. Il intègre une, deux ou trois zones modulables selon la taille des panneaux vitrés, fenêtres ou baies, qui évoluent d’une teinte claire à sombre en fonction de quatre niveaux de réglages gérés sur un PC central. Automatique dans les bureaux pour s’adapter aux conditions météorologiques, il peut être commandé manuellement dans les salles de réunion grâce à un interrupteur. Cette installation limite les besoins en éclairage artificiel, réduit les coûts de chauffage et de climatisation et par conséquent, les frais de maintenance et d’exploitation du bâtiment. Bref, un petit bijou de technologie qui a fait l’objet du dépôt de plus de 500 brevets.

"Silicon Valley de la fenêtre"

Au départ, SageGlass, c’est une histoire américaine. Créée en 1989 à New York, cette start-up installée dans la région de Minneapolis (Minnesota), la "Silicon Valley de la fenêtre", va effectuer un important travail de R&D pour rendre utilisable cette technologie électrochrome sur des bâtiments. La première installation de produits SageGlass intervient en 2003, pour le Centre médical régional de Palm Springs. Suivent une série d’autres projets-pilotes, tous aux États-Unis : le Laboratoire national américain sur les énergies renouvelables, le Southface Eco Office certifié Leed Platine à Atlanta, le Kimmel Center à Philadelphie, la LumenHAUS de l’université Virginia Tech à Blacksburg (Virginie) et l’usine d’éoliennes de Siemens à Hutchinson (Kansas). La technologie s’exporte aussi, avec le Winter Garden de Moscou en 2008.

Parallèlement, la R&D de Saint-Gobain travaille depuis 25 ans sur la technologie de l’électrochrome, mais l’industrialisation est bloquée en raison d’un coût trop important. « Le produit sous la marque Securit a servi pour le toit ouvrant d’une Ferrari, mais il n’y avait pas d’application commerciale dans le bâtiment », se souvient  Olivier Gareil, directeur de la division Europe et Moyen-Orient de SageGlass. Conscient qu’il faut un partenaire extérieur pour transformer l’essai, l’industriel français prend dès 2010 une participation dans cette start-up américaine couverte de prix (la Technology Innovation Award du "Wall Street Journal", la New Energy Pioneer Award de Bloomberg, la Innovation Award du magazine "Architectural Products"…) et qui est devenue le premier fournisseur de vitrages dynamiques mondial.

En 2011, Glass Solutions, la filiale dédiée de Saint-Gobain commercialise le produit en Europe pour un prix au m² estimé entre 600 à 1 200 euros. Mais la distribution du produit reste cantonnée à des projets expérimentaux. Saint-Gobain, conscient de son potentiel, rachète alors la totalité de SageGlass en 2012 et fait construire pour sa nouvelle filiale une usine à Faribault, toujours dans le Minnesota. D’une superficie de 30 100 m², « le site offre la possibilité de fabriquer SageGlass de façon économique, dans des dimensions importantes et en grand volume », indique le site de l’entreprise. « La deuxième génération de SageGlass a été lancée en 2013. Aujourd’hui la capacité de production s’élève à 400 000 m² par an, avec des produits de toute taille », indique Olivier Gareil.

John Van Dine, fondateur et vice-président de Sage jusqu’en janvier dernier, se montre alors enthousiaste : « Notre parcours a été remarquable jusqu’à présent, mais ce n’est que le début. Mon regard se porte désormais sur ce que nous allons faire au cours des dix prochaines années. Nous avons rassemblé les meilleurs employés, les meilleurs partenaires et une nouvelle capacité de fabrication ultramoderne qui nous permettra de généraliser l’adoption du vitrage dynamique dans le monde entier. Le marché est prêt, et nous aussi. »

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John Van Dine, fondateur de SageGlass. John Van Dine, fondateur de SageGlass.

Nouvelle usine en 2020 ?

Avant même sa qualité de durabilité (performance énergétique), Olivier Gareil identifie dans SageGlass une qualité première qui est le confort : « La demande en confort visuel et thermique est importante pour les immeubles de bureaux, ainsi que pour les bâtiments éducatifs ou les hôpitaux, et SageGlass permet d’y répondre. Le produit sera aussi recherché dans les lieux jouissant d’une vue intéressante, comme un restaurant panoramique. SageGlass garantit en effet une excellente protection solaire, sans avoir recours à un système mécanique, par exemple des stores, ce qui préserve la vue. »

Lors des deux premières années de commercialisation de sa nouvelle gamme, SageGlass privilégie le marché US, avant d’élargir sa cible au reste du monde : « L’usine a d’abord livré des projets aux États-Unis, puis Saint-Gobain a lancé la solution en Europe et au Moyen-Orient par l’intermédiaire de sa filiale Vetrotech. La réglementation énergétique des bâtiments, très exigeante en Europe, soutient la demande. » Là encore, les premiers projets européens sont expérimentaux, mais en ce début d’année 2017, Saint-Gobain a décidé à accélérer sur cette zone. Preuve en est, l’inauguration en grande pompe du siège de l’Inpi (Institut national de la propriété industrielle)  à Courbevoie, le 12 janvier dernier. Pierre-André de Chalendar, le PDG du n°1 de l’industrie européenne des matériaux de construction, est venu en personne voir  le nouveau vitrage de ce bâtiment qui, avec 1 400 m² de panneaux, est le plus important de France à utiliser la technologie SageGlass. Habillé de larges baies vitrées enveloppant les cinq niveaux hors sol, il était à l’origine pourvu de stores extérieurs automatiques. Le système fonctionnant mal, l’Inpi a réfléchi à une nouvelle solution de protection solaire durable pour améliorer les conditions de travail de ses collaborateurs. SageGlass est « le fleuron de nos produits de demain », a déclaré le PDG de Saint-Gobain à cette occasion. SageGlass « pourrait être le début d’une nouvelle génération de vitrage, contrôlable et pilotable en fonction des besoins », a expliqué à l’AFP Didier Roux, directeur de la R&D et de l’innovation de Saint-Gobain. Les réalisations de grande dimension « commencées il y a juste deux ans aux États-Unis » vont entraîner un effet « boule de neige », prévoit M. de Chalendar, qui relève que  la prise de commandes s’accélère beaucoup : « En Europe, on avait aussi peu de grands chantiers jusqu’à il y a un an, donc ça va s’accélérer. La prochaine usine qu’on fera sera en Europe ». Cette nouvelle unité sera construite lorsque l’usine américaine qui fabrique actuellement SageGlass atteindra sa pleine capacité de production, ce qui est envisagé d’ici 3 à 4 ans.

Pour Olivier Gareil, c’est toute l’Europe qui peut être conquise : « Les qualités de SageGlass sont appréciées sous tous les climats. Dans les pays chauds, comme l’Europe du Sud et le Moyen-Orient, c’est d’abord la protection solaire qui est recherchée. En Europe du Nord, il est essentiel de faire rentrer le maximum de lumière dans les bâtiments et de se protéger du soleil rasant, ce que SageGlass permet très bien. Dans les régions au climat plus continental, en Pologne par exemple, SageGlass permet des gains solaires en hiver, et une excellente protection en été. Au total, l’attractivité de SageGlass est assez universelle en raison justement de son caractère dynamique, qui offre confort et durabilité. » En plus de l’Europe et l’Amérique du Nord, Saint-Gobain vise aussi le Moyen-Orient où il est distribué, tout comme sur le Vieux continent, par Vetrotech Saint-Gobain, société suisse spécialisée dans les vitrages de haute performance. Dès 2012, SageGlass avait également commencé ses activités en Chine et avait étendu sa présence en Amérique du Nord avec des représentants au Canada et au Mexique.

Et maintenant le logement ?

Le panel de la typologie des bâtiments visés s’est également élargi. « Les immeubles de bureaux de grande hauteur sont des projets cibles, mais aussi les immeubles de taille intermédiaire occupés par les investisseurs eux-mêmes, notamment les sièges d’entreprise à la recherche des meilleures conditions de travail. Les centres commerciaux, qui sont souvent des espaces aveugles, à l’exception de grandes verrières, très chaudes l’été, sont aussi un marché important », note Olivier Gareil. La question est maintenant de savoir si le produit SageGlass, entreprise qui emploie actuellement 231 personnes et affiche 700 références depuis sa création (dont récemment la bibliothèque universitaire de La Rochelle, le Centre du Gouvernement d’Utrecht aux Pays-Bas ou encore l’IATA Executive Office de l’Aéroport de Genève en Suisse), va vraiment prendre son envol en terme commercial. « Sageglass est un produit révolutionnaire qui prend donc du temps pour décoller. Mais il a déjà beaucoup de références sur le marché européen. La fourchette de prix très large est en capacité de s’adapter à des projets toujours sur mesure », indique un spécialiste de la filière. Saint-Gobain donne une fourchette de 600 à 1200 euros, comme en 2011, même si le prix peut être inférieur ou supérieur selon la nature du projet. L’industriel français a aussi l’avantage d’avoir peu de concurrents : l’entreprise allemande E-Control, l’Américain View Dynamic Glass ou le suédois ChromoGenics proposent des produits similaires. Saint-Gobain compte aussi beaucoup sur le partenariat noué récemment avec Velux pour attaquer le marché du résidentiel, pour l’instant cantonné aux logements haut de gamme. Les industriels français et danois réalisent et commercialisent des  fenêtres de toits standardisés depuis mars pour l’Allemagne et depuis juin pour la France. La "fenêtre Velux électrochrome" est disponible en trois dimensions, avec un cadre en bois et aluminium ou plastique et aluminium.

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