ZAN : France Stratégie décortique les casse-tête régionaux

L’heure de vérité approche, pour la territorialisation de la réduction de l’artificialisation des sols. Les « dilemmes cornéliens » imposés aux régions inspirent deux notes publiées fin novembre par France Stratégie. Les experts rattachés à Matignon scannent le pays et les stratégies en cours d’élaboration dans les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).

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Patchwork Zan
L'efficacité et l'intensité des consommations foncières induites par l'habitat et l'activité distinguent les six types d'intercommunalités définies par France Stratégie.

Côté verre à moitié plein, la marge de progrès entretient l’optimisme : « Si les communes les moins sobres avaient artificialisé avec une efficacité médiane (…), l’artificialisation aurait été réduite de 26 % sur la décennie passée », écrivent les trois autrices des deux notes publiées fin novembre par France Stratégie.

Les faux bons élèves des Alpes

A l’inverse, le plancher de consommation foncière observé depuis 2015 prouve l’ampleur de la marche à franchir : de 29 840 hectares en 2009, l’artificialisation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) est descendue à 20 000 au milieu de la décennie écoulée, pour stagner à cette hauteur depuis lors. Ce constat justifie le titre de la première note publiée par l’institution d’expertise placée sous l’autorité de la Première ministre : « Un phénomène difficile à maîtriser ».

Une lecture rapide distinguerait les bons élèves dans les montagnes, et au premier chef les Alpes. Avec 3 % de la population, ces cracs de la sobriété concentrent les 8 % d’Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) les moins gourmands en foncier et les plus efficaces en nombre de logements et d’emplois par hectare consommé.

Les cancres en vacance

Mais France Stratégie relativise la performance largement contrainte « du fait de la topographie et des réglementations existantes », dans des vallées suréquipées en résidences secondaires et peu affectées par la vacance des logements.

A l’opposé, 6 % des EPCI représentant 6 % de la population se distinguent par une consommation forte et peu efficace, tant dans l’habitat que dans les locaux d’activités. Répartis dans toutes les régions sauf la Corse et l’Ile-de-France, ces territoires périurbains ou ruraux perdent des emplois, gagnent peu d’habitants et enregistrent une augmentation spectaculaire de la vacance, soit plus 34 % en 10 ans. L’efficacité et l’ampleur des consommations, dans l’activité et le logement, répartissent le reste du pays selon quatre autre profils.

Le trompe-l’œil de l’urbanité

L’analyse des six types d’EPCI amène France Stratégie à repérer le degré d’urbanité comme un paramètre majeur de l’artificialisation par l’habitat, lequel pèse pour 70 % du phénomène, devant les activités économiques et les infrastructures. « L’efficacité de la consommation d’espaces en termes de nouveaux ménages diminue à mesure que l’on s’éloigne des grands centres urbains », constatent Hélène Arambourou, Coline Bouvart et Sarah Tessé.

Certes, mais la littoralisation laisse apparaître un autre paramètre, « les territoires de la façade ouest et du pourtour méditerranéen construisant beaucoup de logements, indépendamment de leur degré d’urbanité », poursuivent les autrices. La note pointe l’accélération de la progression du parc de résidences secondaires.

Le boom des entrepôts

Second contributeur de l’artificialisation, l’activité économique trace d’autres enjeux lourds : depuis 2018, les surfaces commerciales reprennent leur envol, malgré une vacance chiffrée à 10 %, pour atteindre 4,3 millions de m2 de planchers autorisés en 2022. La contribution majeure provient des entrepôts : concentrées autour des métropoles et des grands axes, les autorisations sont passées de 4,7 à 9,1 millions de m2 entre 2011 et 2022.

Premières concernées par la planification en cascade qui préside à la territorialisation du ZAN, depuis l’échelle nationale jusqu’à celle des communes, les régions tâtonnent. Ni le choix des critères, ni leur pondération ne font consensus, pour répartir les 99 500 hectares artificialisables entre 2021 et 2031, après déduction des 10 000 hectares de projets d’envergure nationale.

Un an pour choisir et pondérer les critères

La loi les contraint d’arbitrer d’ici à novembre prochain, à l’issue de la révision de leur schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet). Les premières tendances observées par France Stratégie dessinent la planification territorialisée du ZAN comme un patchwork.

Le Grand Est et la région Auvergne Rhône-Alpes (Aura) se distinguent par leur volontarisme industriel, tandis que l’Aquitaine et l’Occitanie se démarquent par leur quête d’équilibre, au profit des territoires et pôles de centralités ruraux. Champions de la vacance, Grand Est, Centre-Val-de-Loire et Bourgogne Franche-Comté la prennent logiquement en compte.

Avantage aux villes

En retenant le critère de l’efficacité passée, la plupart des régions privilégient de fait les territoires urbains, à une exception près : l’Aura refuse toute différenciation issue du profil des consommations foncières antérieures à l’adoption de la loi Climat & Résilience d’août 2021.

L’impact très inégal de la réserve rurale, introduite par la loi ZAN du 20 juillet 2023, a encore rajouté une couche de complexité. La Bourgogne Franche-Comté et le Grand Est en payent le tribut le plus lourd : le transfert de surfaces artificialisables, au profit des petites communes bénéficiaires, ampute ces deux régions de 18 et 20 % de l’enveloppe à répartir, soit plus du double de la soustraction subie par la moyenne de leurs homologues.

La biodiversité, abonnée absente

Parmi les grands absents des révisions de Sraddet en instance, France Stratégie relève la biodiversité. Les seules apparitions de ce thème concernent des territoires déjà protégés par d’autres dispositifs comme l’appartenance au cœur de parcs naturels régionaux, à des zones Natura 2000 ou autres zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique...

Attention à l’effet boomerang, préviennent les autrices des deux notes publiées le lendemain de l’annonce de la stratégie nationale pour la biodiversité : la transcription du règlement européen de juillet 2023 sur la protection de la nature pourrait bientôt s’imposer aux planificateurs régionaux et locaux.

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