La répartition des charges dans les copropriétés d’immeubles de grande hauteur (IGH) soulève des enjeux spécifiques, notamment pour les étages supérieurs, en raison des contraintes techniques, des équipements particuliers et des exigences de sécurité propres à ce type d’immeuble. La différenciation de la répartition des charges à l’occasion de travaux de rénovation énergétique repose sur une articulation entre les principes de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, la nature des travaux réalisés et le bénéfice objectif retiré par chaque lot.
L’article 10 de la loi distingue deux grandes catégories de charges : celles afférentes aux services collectifs (fourniture d’énergie, eau) et éléments d’équipement commun (chaufferie), réparties selon l’utilité objective pour chaque lot, et celles relatives à la conservation, l’entretien et l’administration des parties communes, réparties proportionnellement à la valeur relative des parties privatives. Cette distinction est essentielle pour comprendre la logique de répartition applicable aux travaux de rénovation énergétique, qui peuvent relever de l’une ou l’autre catégorie selon leur nature et leur impact sur l’immeuble.
Utilité réelle
La jurisprudence a précisé les conditions dans lesquelles la répartition des charges peut être adaptée pour tenir compte de l’utilité réelle des services ou équipements collectifs, y compris en fonction des spécificités thermiques propres à certains étages ou bâtiments.
Dans une affaire concernant la répartition des charges de sécurité incendie dans un ensemble comprenant un IGH, le tribunal judiciaire de Marseille a rappelé que le critère d’utilité doit être strictement respecté (TJ Marseille, 27 mars 2025, n° 22/08992). Dans cette copropriété composée de sept bâtiments dont quatre IGH, le tribunal a annulé des résolutions qui imposaient à l’ensemble des copropriétaires des charges de sécurité incendie ne concernant en réalité qu’un seul bâtiment IGH dont les trois derniers niveaux dépassent les 50 m, au motif que le critère d’utilité objective n’était pas respecté. Cette solution est transposable à la répartition des charges thermiques.
Dans une affaire similaire, la cour d’appel d’Orléans a également jugé que les charges spécifiques à l’IGH, telles que l’entretien des dispositifs anti-incendie, doivent être supportées uniquement par les lots concernés, et non par l’ensemble des copropriétaires (CA Orléans, 13 octobre 2008, n° 07/01813 ; voir également CA Versailles, 10 juin 2013, n° 11/07449).
Majorité des voix
Par ailleurs, selon l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965, la répartition des charges ne peut être modifiée qu’à l’unanimité des copropriétaires. Toutefois, lorsque des travaux ou des actes d’acquisition ou de disposition sont décidés par l’assemblée générale statuant à la majorité prévue par la loi, la modification de la répartition des charges ainsi rendue nécessaire peut être décidée par l’assemblée générale statuant à la même majorité.
Ainsi, les travaux d’économies d’énergie, qui peuvent comprendre des travaux d’intérêt collectif réalisés sur les parties privatives et aux frais du copropriétaire du lot concerné, relèvent de la majorité absolue (art. 25, f), avec possibilité de recours à la majorité simple (art. 25-1). L’article 25-2-1 de la loi autorise par ailleurs un ou plusieurs copropriétaires à effectuer, à leurs frais, des travaux d’isolation thermique de la toiture et du plancher affectant les parties communes, sous réserve de l’autorisation de l’assemblée générale à la majorité requise. Cette disposition ouvre la voie à des travaux ciblés sur certains étages ou parties de l’immeuble, ce qui peut conduire à une adaptation de la répartition des charges en fonction des bénéfices thermiques.
Par ailleurs, l’article 30 consacre la possibilité de répartir à la majorité des voix de tous les copropriétaires le coût des travaux d’amélioration, tels que la rénovation énergétique, « en proportion des avantages qui résulteront des travaux envisagés pour chacun des copropriétaires ».
Récemment, la Cour de cassation a considéré que lorsque les travaux votés impliquent à la fois la conservation et l’entretien des parties communes (majorité simple [art. 24]) et des travaux d’économies d’énergie (majorité absolue [art. 25]), il est nécessaire de déterminer leur finalité première pour connaître la majorité applicable (Cass. 3e civ., 3 juillet 2025, n° 23-21.429).