La réforme des autorisations d’urbanisme répond-elle à votre attente ?
En partie : d’un côté, elle simplifie le nombre d’autorisations en les ramenant à trois types – permis de construire, de démolir, d’aménager – mais sur le fond, ceci change peu de chose. Nous attendions une vraie prise en compte des questions de qualité environnementale, d’insertion urbaine et de logement social, que nous avons d’ailleurs impulsées à Grenoble. On assiste aujourd’hui à un phénomène assez normal : ce sont les collectivités qui font avancer, dans le bon sens, le Code de l’urbanisme. C’est finalement la conséquence logique de la décentralisation !
Que pensez-vous de l’encadrement plus strict des délais ?
La réforme donne davantage de clarté entre le demandeur et les services instructeurs puisque l’on devra, dans le mois qui suivra le dépôt de la demande, s’engager sur un délai qui ne pourra pas être prorogé. La règle du jeu est donc plus claire que les éternels reports de délais successifs pour arriver à constituer un dossier complet. Mais la conséquence sera peut-être l’augmentation des refus.
Dans quels cas ?
Lorsque la qualité souhaitée par la Ville sur la base de son PLU n’est pas obtenue. Jusqu’à présent, pour un immeuble de plus de dix logements, nous mettions entre six et neuf mois pour délivrer un permis après avoir effectué un gros travail avec le promoteur et l’architecte. Avec la réforme, on aura peut-être besoin d’un délai identique… en étant passé par un ou deux refus successifs !
L’allongement excessif des délais fut une des causes essentielles de la réforme...
Oui. Mais à Grenoble nous possédons un tissu très hétérogène avec des bâtiments très hauts côtoyant de petites maisons. Nous avons des difficultés à faire en sorte que les projets s’intègrent au mieux à l’environnement, au niveau de la volumétrie et de l’architecture. Cela nécessite des allers-retours très importants entre l’architecte, le maître d’ouvrage et les services. Cela prend du temps. Nous faisons même de la préinstruction. Avant que le promoteur ne dépose son permis, nous échangeons durant deux à trois mois, parfois six, de façon à caler la volumétrie en maquette. Bien sûr, cela fait « râler » certains et je les comprends. Mais nous avons aussi un PLU très exigeant sur la qualité. Les élus sont par ailleurs sensibles à ce que les projets soient davantage expliqués aux citoyens.
De quelle manière ?
Il existe encore un décalage entre les pays d’Europe et le droit français où perdure le secret de l’instruction du permis. Celui-ci n’est consultable qu’une fois délivré. Et la seule possibilité des citoyens est le recours gracieux ou contentieux. C’est un droit qui génère de la confrontation, alors que chez nos voisins, il y a échange. Grenoble a donc un peu innové : n’ayant pas le droit de montrer le projet aux riverains et aux associations de quartier, nous parvenons à ce travail d’information en demandant au promoteur d’organiser, avant délivrance du permis, une réunion avec les riverains dans un rayon de 200 mètres.
Et les promoteurs jouent le jeu ?
En général, oui. Lors de cette rencontre, le promoteur est accompagné de son architecte, maquette à l’appui. Il y a des réactions, assez vives d’ailleurs, mais au moins elles sont entendues ! La Ville est présente pour répondre aux questions réglementaires relatives au PLU. Cela présente un énorme avantage : l’expression des riverains avant le permis. Le promoteur écoute ; l’architecte également, il corrige et adapte le projet, qui s’améliore. Notre but n’est pas de freiner la production. La Ville conduit une politique de relance de la construction. Elle est en pointe sur la qualité, l’intégration du logement social et les exigences environnementales.
Concrètement, comment vous organisez-vous pour être prêt au 1er octobre ?
Avec de la formation, essentiellement auprès des agents. Au sein de la direction de l’urbanisme, le responsable du service en charge de l’urbanisme réglementaire est lui-même formateur et participe avec la DDE au programme auprès des différents services instructeurs sur le département de l’Isère. Cela demande quelques changements mais ce ne sera pas une révolution ! Nous avons eu beaucoup plus de changements il y a un an et demi avec le passage du POS au PLU.
Dans quels domaines allez-vous renforcer votre vigilance ?
La réforme pointe un aspect important : la conformité. Aujourd’hui, un constructeur ayant réalisé son bâtiment peut demander à la Ville de lui délivrer un certificat de conformité mais il n’en a pas l’obligation. Avec la réforme, la conformité devient tacite au bout de trois mois après l’envoi de la déclaration d’achèvement de travaux par le constructeur. Passé ce délai, si nos services n’ont pas constaté d’aspects non conformes, la conformité est acquise. Cela, d’une part, nous amène à être plus vigilants et d’autre part, introduit une notion de conformité automatique. Cela va inciter les constructeurs à envoyer systématiquement leur déclaration. Point positif : il s’agit de la seule pièce qui nous permette d’avoir des statistiques fiables sur les réalisations… compte tenu du décalage entre permis autorisés et réalisés.
Craignez-vous des effets pervers comme l’augmentation des permis de construire tacites ?
Nous veillerons à ce que chaque dossier qui arrive à échéance ait bénéficié du maximum d’instruction. S’il n’est pas complet ou s’il ne respecte pas l’ensemble des règles applicables, la seule solution sera le refus. Le demandeur du permis redéposera ensuite sa demande, qui sera peut-être plus travaillée. Aujourd’hui, seulement 5 % des permis de construire sont refusés à Grenoble. Car nous réalisons ce travail d’instruction jusqu’au bout, en confiance avec les demandeurs. Toutefois, nous observons une augmentation du nombre des recours. Cela nous impose de renforcer la solidité juridique des dossiers de permis. C’est une sécurité vis-à-vis du demandeur et une garantie de bonne réalisation de notre travail.
Vos méthodes de travail vont-elles changer ?
Non, pas vraiment. Les dossiers devront être examinés à fond dès le début puisqu’une décision sur le délai devra intervenir sous un mois. Malheureusement on ne peut pas tout anticiper ! Pour autant, il ne faudra pas céder sur la qualité. C’est pour cela qu’il y aura davantage de travail de préinstruction. Mais nous en faisons déjà, avec l’appui du service de prospectives urbaines, chargé de la totalité du travail amont : demande de production de maquette au 1/500e au promoteur et à l’architecte, volume du projet, etc. C’est une maquette du projet dans son contexte. A partir de quoi, nous arrêtons, d’un commun accord, la volumétrie du projet. Ensuite, l’architecte étudie plans et façades, puis dépose son permis de construire. C’est l’instruction idéale. Si toutes ces étapes se passent bien, nous pouvons tout à fait respecter les trois mois de délai maximum.
Mais cela signifie que l’instruction doit être plus rapide…
Je ne crois pas que le travail d’instruction d’un dossier de permis soit compressible ou extensible à volonté. Ce n’est pas une loi sur le délai qui change le travail, la nature de l’instruction. C’est une question de qualité du dossier. Si l’on demande aux architectes de sortir des projets dans des délais de plus en plus courts, les dossiers sont forcément bâclés et au stade de l’instruction, cela se voit, on perd du temps.
Allez-vous devoir modifier votre système informatique ?
Avec la mise en place du PLU, nous avons vécu il y a un an et demi l’intégration d’un nouveau logiciel d’instruction des demandes. Cela a été assez complexe pour les services instructeurs qui ont dû à la fois absorber le nouveau PLU et cet outil, ainsi que l’augmentation forte du nombre de permis et de demandes. Nous disposons aujourd’hui d’un logiciel qui permet de suivre l’ensemble des étapes d’instruction de façon très approfondie et d’enregistrer tous les paramètres du dossier. Ceci est relié à notre système d’information géographique. Aujourd’hui, l’éditeur nous prépare une nouvelle version qui intègre la réforme. Il faudra de nouveau former nos collaborateurs… et attendre que la version marche !
Le pouvoir de contrôle des services instructeurs sera-t-il amoindri ?
Non. L’instruction d’un permis de construire est la seule étape de contrôle de la construction par les pouvoirs publics, en l’occurrence la commune. Dans le même temps, c’est un lieu où l’on filtre les règles et les codes qui existent. Même si le permis de construire ne sanctionne que le Code de l’urbanisme, c’est le moment où l’on vérifie que sont respectées toutes les normes d’accessibilité handicapés, sécurité incendie, etc.
Les nouveaux Cerfa vont-ils vous faciliter la vie ?
Non. Sur le fond, le travail reste le même. Le formulaire est une infime partie dans le dossier du permis. C’est un résumé des caractéristiques du projet.
Depuis quelques années, le droit de l’urbanisme a été profondément modifié. Avant l’entrée en vigueur de la réforme, une « pause » aurait-elle, selon vous, été nécessaire ?
Ce qu’il aurait fallu faire, c’est une évaluation des effets de la loi SRU. Elle a été faite en partie. Pour nous il manque un « rayon » : l’intégration du développement durable au Code de l’urbanisme. Mais cela devrait arriver ! A Grenoble, 80 % des immeubles en projet sont isolés par l’extérieur et 50 % sont dotés de capteurs solaires !





