Au pied d'un terril où la nature a repris ses droits, l'ancienne fosse n° 9 de Harnes-Fouquières, dans le Pas-de-Calais, a laissé la place à un parc d'eau naturel dédié aux loisirs et à la promenade. Ce nouveau milieu, inhabituel dans ce paysage de friches, est le fruit d'un aménagement bien spécifique : un lagunage. Récemment récompensé du prix Rosa Barba à la 4e Biennale européenne du paysage, ce lagunage, conçu par l'agence lilloise Paysages, tire intelligemment parti d'un problème majeur et récurrent sur ces sites industriels : la pollution de l'eau provoquée par les rejets de l'ancienne activité. Non seulement il assure naturellement son épuration, mais aussi, clou de ce dispositif, la qualité de l'eau obtenue in fine permettra d'alimenter un futur bassin de baignade. « Par cette action écologique, nous avons fait évoluer ce paysage complètement artificiel en un milieu naturel que les habitants s'approprieront de manière simple. Cet aménagement est aussi une reconquête sociale », observe le paysagiste François-Xavier Mousquet.
Calculs précis. Le lagunage a été rendu possible grâce à la station d'épuration voisine. « Il aurait fallu sinon disposer d'une surface 4 à 5 fois plus grande pour le réaliser. Or, sur cette friche de 17 ha, seulement 5,5 ha étaient disponibles », précise le paysagiste.
Contrairement aux apparences, ce projet a requis des calculs précis de surfaces d'eau, de débits et de techniques végétales d'épuration. « C'est une agriculture à l'envers, explique l'écologue Alain Villain. Les taillis et les plantes aquatiques sélectionnés ont pour caractéristique majeure d'être gourmands en nitrates et phosphates, très présents dans l'eau polluée. Au cours de son cheminement, l'eau est purifiée progressivement. »
Depuis la station, elle traverse une série de bassins étanchés par de l'argile et séparés par des diguettes qui contraignent son parcours. Les essences plantées dans ces bassins respectent un ordre défini. L'eau est d'abord filtrée par des saules, dont les racines ont la vertu d'absorber beaucoup de nitrates. Ils sont taillés tous les trois ans pour être actifs dans leur dépollution. Puis succèdent les roseaux à massette, les iris, les scirpes, les pieds de typha, tous régulièrement fauchés également - une fois par an - pour la même raison.
Quatre éoliennes pompent ensuite l'eau et la rejettent à plus de deux mètres de hauteur, assurant ainsi son oxygénation. Elle s'écoule en une très fine épaisseur sur des marches de béton afin d'être stérilisée par l'exposition aux ultra-violets. « Ce procédé très ancien était utilisé dans les pays arabes sous le nom de chadar », ajoute l'écologue Alain Villain.
L'eau achève son parcours au bout d'un mois. Elle repart directement dans le canal de Lens, en attendant la réalisation du bassin de baignade. « Les outils de purification sont en place. Mais ils seraient bien mieux entretenus si le bassin de baignade était réalisé », remarque François-Xavier Mousquet.
Aujourd'hui, ce jardin d'eau forme, avec le bois de Florimond, une aire de pique-niques, de promenades, et des courses à pied et à vélo y sont régulièrement organisées. Il est aussi un cœur de nature riche pour la faune et la flore. Orties, sureaux et renouées du Japon, également nitrophiles, s'y développent spontanément.
« Ces friches sont la nouvelle virginité du Nord », estime Alain Villain. Le réaménagement de celle-ci montre en tout cas que ces territoires de rejet, voués à disparaître il y a peu, pourraient connaître une belle mutation.
