Evénement

A l’aube d’un retour en grâce de la préfabrication béton ?

Bâtiment -

Le prémur ouvre un nouvel horizon à la préfabrication lourde en béton armé. Il séduit par sa capacité à respecter la réglementation thermique et va jusqu’à intégrer les réseaux, voire les finitions.

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La préfabrication béton a eu ses heures de gloire. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, la France était à reconstruire et ce procédé constructif bon marché et rapide coulait alors des jours heureux, notamment pour des opérations de logements de très grande taille. Préfabrication s’accordait alors bien avec quantité, productivité et maîtrise des coûts. A la fin des années 1970, la production architecturale s’est progressivement tournée vers des programmes à taille humaine, délaissant peu à peu la préfabrication lourde d’éléments de façade. La filière du béton coffré s’est alors imposée. « Aujourd’hui, le marché du béton est dominé par de grands acteurs et seules quelques PME font de la préfabrication », indique Frédérik Dain, de l’agence Hobo Architecture. Pourtant, de l’avis de tous, la fabrication des produits béton en usine permet de rationaliser la production, de garantir sa qualité et sa régularité dans le temps, et aussi de limiter la main-d’œuvre et les aléas climatiques sur les chantiers. Mais son utilisation reste limitée… pour l’instant. « Les exigences de la RT 2012 ont conduit les acteurs de l’industrie du béton à développer des solutions, des produits ou des systèmes performants techniquement et thermiquement », note Christian Herreria, président de la commission « marché bâtiment » de la Fédération de l’industrie du béton (FIB). « La RT 2012 a changé notre vie », confirme Maurice Ramstein. Le directeur marketing de Rector assure ainsi que les ventes de sa thermoprédalle - une prédalle avec rupteur de ponts thermiques - « explosent ! ».

Mur à coffrage et isolation intégrée

Mais le produit qui a le vent en poupe actuellement est vertical. « La préfabrication pourrait connaître un regain de notoriété, notamment grâce aux prémurs isolés qui apportent l’une des meilleures réponses aux exigences de performance énergétique », prévoit Jean-Philippe Thellier, architecte à Angers. Bien décidés à regagner des parts de marchés, les industriels de la préfabrication ont donc innové. « Si, en soi, les réglementations thermiques n’avantagent pas la préfabrication, elles ont quand même poussé les industriels à optimiser les liens entre corps d’état », analyse Wilfried Pillard, directeur technique de l’Union des métiers du gros œuvre de la Fédération française du bâtiment. En effet, la RT 2012 impose, pour certains bâtiments, la réalisation d’un test d’étanchéité à l’air. Ce qui suppose des interfaces très soignées et coordonnées entre corps d’état. Pour y répondre, les maîtres d’ouvrage plébiscitent les macros-lots (enveloppe globale…) et pourraient se tourner vers des produits « tout en un ». C’est le cas du mur à coffrage et isolation intégrés (MC2I), qui combine performances techniques et thermiques (suppression des ponts thermiques) à l’instar de l’isolation par l’extérieur. « La préfabrication offre une garantie de résultats parce que la qualité de réalisation est intrinsèquement liée au produit », explique Maurice Ramstein.

Autre avantage, selon l’architecte Jean-Philippe Thellier, le gain de temps. Dans son mode le plus avancé, le prémur intègre l’isolation mais aussi le précâblage électrique, les réservations pour les portes et fenêtres, ainsi que les finitions intérieures et extérieures. « Cela laisse la possibilité à l’architecte de s’exprimer et de s’investir dans la composition architecturale, en particulier dans la réalisation des façades, s’enthousiasme Jean-Philippe Thellier. Sans compter que de nombreux aspects de finition sont disponibles avec des parements lissés, matricés, texturés… Le grain et la qualité de finition sont bien supérieurs. » A Angers, un bâtiment de 99 logements sociaux est actuellement en construction. Sur les conseils de Pierre De Coquereaumont, l’architecte, le maître d’ouvrage a exigé, dès l’appel d’offres, l’utilisation du MC2I. « Il ne fallait pas se tromper sur l’aspect extérieur car l’opération est située en centre-ville, explique Nicolas Vigier, directeur du patrimoine d’Angers Loire Habitat. Il fallait aussi réduire au maximum le temps de chantier et éviter de stocker les banches pour limiter l’impact sur la voirie. »

Malgré tous ces avantages, le succès com- mercial de la préfabrication lourde en général et du prémur en particulier n’est pas encore au rendez-vous. Comment l’expliquer ?

D’une part le procédé ne fait pas encore l’objet d’un document technique unifié/DTU (voir p. 27), ce qui peut refroidir les assureurs. « Le recours à la préfabrication peut être simplement lié à la proximité et à la disponibilité d’un industriel », avance aussi Michel Guerinet, directeur scientifique chez Eiffage.

Intégrer l’industriel en amont

Autre raison invoquée, un coût « plus élevé d’environ 8 % », estime Nicolas Vigier. Un surcoût favorisé par le manque d’acteurs et donc de concurrence dans le secteur. L’architecte Frédérik Dain (lire ci-contre) n’est pas d’accord : « A qualité égale, les coûts sont inférieurs même si cela nécessite un certain volume. » Il est certain que la crise n’incite pas à la prise de risques. « Les entreprises se replient sur ce qu’elles savent faire, c’est-à-dire du béton banché, ce qui permet de faire travailler les collaborateurs, explique Wilfried Pillard. Si la RT 2012 était apparue dans un contexte de forte croissance, la préfabrication lourde se serait peut-être imposée grâce aux procédés industrialisés qui permettent de tenir les délais. » La préfabrication, au sens d’industrialisation du chantier, est déjà la norme en Europe du Nord. Les industriels vont plus loin en développant des systèmes constructifs intégrant davantage de fonctions et les corps d’état secondaires. « Cela exige d’intégrer l’industriel à l’équipe de maîtrise d’œuvre dès la conception de l’ouvrage et beaucoup de préparation avec l’entreprise », explique Christian Herreria de la FIB. « Le promoteur est en train de prendre le pouvoir sur le système constructif, explique Jean-Marc Paris, directeur marketing chez KP1. Nous allons vers un système à l’anglo-saxonne où l’ingénierie va guider le chantier en amont. Mais ce changement de culture, qui devrait favoriser la préfabrication, va prendre du temps. » La préfabrication béton ne fait donc pas son grand retour. Elle opère sa mue.

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PHOTO - 716520.BR.jpg PHOTO - 716520.BR.jpg (Nicolas Claris claris@claris.fr)
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