A Montreuil (Seine-Saint-Denis), l'école des Cuistots migrateurs transmet le goût du vivre-ensemble à travers la pratique du « faire cuisine ensemble ».
Gratuite et certifiante, elle forme des personnes réfugiées aux métiers de la restauration tels que commis et serveurs, mais pas uniquement. Elle leur apprend aussi la langue française, dont le copieux vocabulaire culinaire n'est pas si facile à ingurgiter en seulement quelques mois d'apprentissage. D'où la présence de post-it multicolores sur les murs blancs des salles de classe pour les aider à mémoriser ustensiles (fouet, louche, spatule, éplucheur, etc.) et modes de cuisson (frire, mijoter, gratiner, pocher, etc.).
L'établissement a été fondé en 2019 par Sébastien Prunier et Louis Jacquot, deux entrepreneurs sociaux qui avaient lancé, trois ans plus tôt, un service de traiteur solidaire, du même nom que l'école. Leur but : favoriser l'insertion d'hommes et de femmes venant de Syrie, d'Afghanistan, du Bangladesh, du Népal et d'ailleurs, en valorisant leurs savoir-faire, leurs cultures et… leurs recettes.
Un lieu convivial
En janvier 2024, les Cuistots migrateurs ont franchi un cap avec l'ouverture de leur propre lieu d'enseignement, de 806 m², aménagé dans un ancien garage de taxis situé rue de Romainville.
Pour transformer ce hangar industriel en un lieu convivial, les dirigeants ont fait appel à Freaks Architecture. « Ce type de programme est une première pour notre agence, savoure l'architecte Yves Pasquet. Nous aimerions concevoir d'autres écoles de cuisine, tant pour l'aspect technique que pour les valeurs véhiculées, notamment l'esprit de corps. On ressent un profond attachement à l'établissement de la part des élèves et des professeurs. » Le midi, ils s'attablent tous en cercle dans le réfectoire et partagent le repas préparé ensemble, juste à côté, dans les deux cuisines d'apprentissage.
« Les cuisines se trouvent souvent au fond des restaurants ou bien en sous-sol, dans des espaces microscopiques et sombres, constate amèrement Maïté Merlot, directrice générale de l'école des Cuistots migrateurs. Ici, elles sont positionnées à l'entrée du bâtiment et largement vitrées, car nous avions à cœur de donner à voir ces lieux, beaux et vivants, où fourmillent les élèves. Cette vue dégagée symbolise aussi l'horizon professionnel qui se profile pour eux à l'issue de leur formation. »
La chambre froide, logée à l'autre extrémité de l'édifice, est aveugle. Néanmoins, les produits alimentaires qu'elle préserve invitent les papilles à un voyage gustatif : piment de Cayenne, polenta d'Italie, curry d'Inde ou encore oyster sauce, cette sauce d'huîtres appréciée en Asie. « L'école enseigne principalement la cuisine française, mais elle forme aussi à celle du monde, note Maïté Merlot. Le secteur de la restauration apprécie les influences étrangères et, régulièrement, d'anciens élèves voient leurs recettes inscrites à la carte des établissements dans lesquels ils travaillent. »
Espace de détente et de réunion
Pour répondre aux besoins du programme, un étage a été ajouté sous la charpente métallique d'origine et son toit en sheds. Réalisé en structure mixte acier/bois, il accueille des salles de classe, un bureau partagé et une mezzanine. Cette dernière sert aussi bien d'espace de détente pour les élèves que de réunion pour la direction et ses partenaires. « Nous souhaitons, espère Maïté Merlot, que l'école soit à la fois lieu d'apprentissage, de reconstruction, d'échange et d'ouverture, un peu comme un laboratoire de la société. »


Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : association Ecole des Cuistots migrateurs.
Maîtrise d'œuvre : Freaks Architecture (architecte mandataire), Maya Construction durable (CVC, plomberie, SSI), BE-T (structure), Link Acoustique (acoustique).
Entreprise générale : Bat'Inov Concept.
Surface : 806 m² SP.
Coût des travaux : 1,9 M€ HT.
Cet article fait partie du dossier "Les palais du palais" de notre série de l'été "Miam".