A Paris, la Concorde en équilibre entre passé et futur

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Le projet lauréat transformera le site en « place-jardin », largement réservée à l'usage des piétons. Mais sa composition symétrique sera rigoureusement reconstituée.

Par sa position centrale, dans le VIIIe arrondissement, son importance historique, son architecture magistrale ou encore ses 7 ha qui en font la plus grande place publique de la capitale, la Concorde est un tel symbole de Paris que sa transformation future aurait pu susciter bien des polémiques. Bien que composé de personnalités d'obédiences diverses, comme des historiens, des architectes, des spécialistes du climat ainsi que de représentants du ministère de la Culture, le jury réuni le 26 mars par la maire, Anne Hidalgo, a pourtant été quasi unanime dans le choix du projet de réaménagement du site.

L'équipe de maîtrise d'œuvre formée par Philippe Prost, Grand prix national d'architecture 2022, et l'Atelier de paysages Bruel-Delmar, l'a emporté sur ses quatre concurrentes grâce à une proposition jugée « d'une grande justesse, simple, équilibrée ». Pour le jury, ce dessin d'une grande évidence représente la réponse adéquate aux ambitions, a priori antagonistes, du futur chantier qu'a rappelées l'architecte et urbaniste, également architecte du patrimoine, Philippe Prost : « Il fallait restaurer la Concorde et lui redonner ses qualités urbaines que le XXe siècle, notamment, a beaucoup écornées, mais également réussir à la faire évoluer », en particulier pour l'adapter aux effets du changement climatique.

Une « place-jardin ». Le projet qui sera mis en œuvre résulte d'allers-retours perpétuels entre héritage et enjeux d'avenir. Si la future « place-jardin », ainsi que la définit la paysagiste Anne-Sylvie Bruel, cofondatrice de l'atelier Bruel-Delmar, repose sur la création de 2,8 ha d'espaces verts, ses grandes pelouses feront écho aux parterres d'autrefois. Le retour à une composition spatiale plus conforme à l'histoire fera également renaître les anciens fossés qui entouraient la place, mais là encore, ce choix répond à des exigences actuelles.

Alors que le nivellement de la place sera entièrement repris pour assurer la gestion des eaux de ruissellement, ces excavations larges de 22 m serviront de collecteurs. « Leur capacité de stockage sera équivalente à cinq jours de pluies intenses », détaille Anne-Sylvie Bruel. Ces fossés inaccessibles, réceptacles d'une végétation assez naturelle, feront aussi office d'îlots de fraîcheur.

Le verdissement de la place contribuera à faire chuter la température.

Alors que son hyperminéralité fait aujourd'hui de la Concorde une grande plaque chauffante, ce verdissement contribuera à faire chuter la température. Une baisse qui pourrait atteindre environ 8 °C, selon les concepteurs lauréats.

Des arbres nouveaux prendront place dans ces fossés ou compléteront les alignements existants de part et d'autre du site, côté Seine. En revanche, il était inenvisageable d'en couvrir toute la place. La Concorde a toujours été nue afin de ménager des vues sur ses éléments architecturaux, dégager la grande perspective qui, depuis le Louvre, s'ouvre vers l'avenue des Champs-Elysées et au-delà, et révéler sa symétrie parfaite.

Un plateau dallé pour l'obélisque. Cette régularité sera maintenue : fossés et pelouses encadreront le grand ovale central où l'obélisque de Louxor, flanqué de ses deux fontaines monumentales, trônera sur un large plateau dallé de pierre calcaire. Toujours au nom du respect de la composition, l'anneau de voirie pavée demeurera autour de cette esplanade. Toutefois, la circulation automobile restera, comme aujourd'hui, interdite à l'est, côté Tuileries. Enfin, il est prévu de supprimer les deux tunnels qui permettent aux véhicules arrivant de l'ouest d'éviter la place.

Alors que les travaux d'un coût de 36 M€ HT devraient démarrer à la fin 2025 ou au début de 2026 et être réalisés par phases, ce réaménagement marque une nouvelle étape dans la stratégie municipale de réduction de la place de la voiture. D'ailleurs, à terme, les deux tiers de la surface de la Concorde seront dédiés aux piétons.

Les grandes heures d'une grande place

La place est d'abord aménagée, entre 1758 et 1772, par l'architecte Ange-Jacques Gabriel en l'honneur de Louis XV. Des gravures d'époque figurent une composition symétrique de parterres autour de la statue centrale. Les fossés-jardins larges de 20 m qui les bordent sont entourés de balustrades. Deux hôtels jumeaux à colonnades se dressent en fond de décor, au nord, tandis qu'au sud, l'espace s'ouvre sur la Seine.

Lieu d'exécutions, et notamment de celle de Louis XVI, la place devient par la suite celle de la Concorde. Elle est remaniée par Jacques-Ignace Hittorff de 1836 à 1848. Pour encadrer l'obélisque de Louxor, offert par l'Egypte, l'architecte fait réaliser les deux fontaines monumentales des Mers et des Fleuves, mais aussi huit statues qui, à la périphérie du site, symbolisent des villes de France. Parce qu'ils ont été la cause de plusieurs accidents, les fossés sont, eux, comblés et seules des balustrades sont conservées.

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