Question. - M. Michel Tertot demande à Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement de lui confirmer son intention de modifier le décret relatif aux agences financières de bassin, en instaurant une nouvelle redevance au titre de la modification du régime des eaux, susceptible de pénaliser lourdement les industries des activités extractives et du BTP. (QE du 29 juin 1998).
Réponse. - Mme la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant l'instauration d'une redevance prélevée au titre de la modification du régime des eaux (MRE) et la crainte exprimée par les exploitants de carrières et de matériaux à ce sujet. Le principe d'une redevance de ce type résulte de l'application de fa loi sur l'eau de 1964 (article 14) et du décret d'application du 14 septembre 1966 (article 18). En vertu des dispositions de ces textes les agences de l'eau sont autorisées à percevoir des redevances sur les personnes publiques ou privées : soit qu'elles contribuent à la détérioration de la qualité de l'eau, soit qu'elles effectuent des prélèvements dans la ressource en eau, soit qu'elles modifient le régime des eaux dans tout ou partie du bassin.
L'objet du projet de décret auquel vous faites référence est donc de définir l'assiette de la troisième redevances seules celles des deux premières ayant été définies par le décret de 1966. Ce projet résulte de la décision prise lors de la communication en conseil des ministres du 20 mai 1998 d'appliquer le principe «pollueur-payeur» aux activités susceptibles de perturber le régime des eaux. Ces activités sont celles qui peuvent aggraver les inondations, mais aussi déstabiliser les berges et le fond des cours d'eau, abaisser le niveau des nappes phréatiques ou en accroître la vulnérabilité aux pollutions et contribuer à la dégradation irréversible des écosystèmes aquatiques.
A ce titre, les extractions de matériaux en lit majeur qui fragilisent et peuvent déstabiliser la structure de la rivière (tant au niveau du lit majeur que du lit mineur), sont apparues comme un fait générateur incontestable d'une modification du régime des eaux et dans un certain nombre de cas de risques d'inondation. Cette activité, même conduite avec précaution et suivie d'une remise en état des lieux, crée des excavations plus ou moins importantes dans la vallée, au voisinage des cours d'eau. En cas de crue importante, ces excavations peuvent créer un risque de modification de l'écoulement général de la crue et de déplacement brutal du chenal principal, la succession de plans d'eau auprès de la rivière pouvant constituer, de fait, un prédécoupage pour un nouveau lit. Quand elles existent, les digues de protection de ces plans d'eau peuvent également constituer un obstacle à l'écoulement des crues et contribuer à une réduction du champ d'expansion des crues. En outre, si la crue les franchit, des travaux très importants doivent alors être engagés pour ramener la rivière dans son lit initial en cas d'inondation. D'autres effets peuvent également être craints tels que : la destruction de la végétation alluviale, la sape des berges en lit mineur, l'abaissement des nappes et des étiages, l'exposition des nappes aux pollutions accidentelles, notamment en période d'inondation, la suppression de la couche de filtrage des eaux de ruissellement.
Des actions correctives correspondantes peuvent s'imposer pour restaurer les lits et les berges, reconstituer la ligne d'eau ou pour améliorer la protection des nappes contre les pollutions. Comme l'a indiqué le Conseil d'Etat en 1994, ces actions, comme plus généralement celles qui concernent la prévention des inondations, ne peuvent être financées par les agences de l'eau que grâce à la création d'une redevance spécifique, assise sur les activités que vous évoquez mais également sur toutes celles qui génèrent, d'une façon significative, une imperméabilisation des sols, des modifications hydrauliques, ou une réduction du champ d'expansion des crues. Une telle solution, conforme aux principes du système de gestion de l'eau en France, paraît plus équitable que l'utilisation du produit des redevances recouvrées au titre de la pollution ou du prélèvement sur la ressource auprès des consommateurs d'eau ou des activités industrielles.
La mise en oeuvre de cette nouvelle mesure sera précédée d'une large concertation avec les représentants des élus et des organisations professionnelles, avec les administrations concernées et au sein des comités de bassin. Elle devra se faire avec progressivité pour atteindre dès le début du VIIIe programme des agences de l'eau (2002), le niveau d'environ du montant actuel des redevances perçues par les agences de l'eau. Les modalités d'intégration de cette mesure dans la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), dont la création a été annoncée par le Gouvernement le 22 juillet, seront également examinées. Sur le rendement total de cette mesure, estimé à environ 290 millions de francs en valeur actuelle, un peu moins de 12 % concerneraient l'activité d'extraction de granulats et, pour l'essentiel, les trois bassins de Loire-Atlantique, Rhin-Meuse, et Rhône-Méditerranée-Corse. En conséquence, il convient de souligner la très faible incidence financière de cette mesure sur les entreprises d'extraction de granulats, de même que l'absence de distorsion de concurrence qu'elle provoquera dans une profession dont le marché intérieur est captif.