Ombrière, climatiseur, lieu d’échanges et de confort, réservoir potentiel de biodiversité… L’arbre en ville remplit de multiples fonctions. Mais sa survie, dans ce milieu contraint en sous-sol, en surface et dans le ciel, relève du miracle ! Affaiblis par les maladies, la pollution, les sels de déneigement, le faible volume de prospection racinaire ou les dommages liés aux travaux, ces arbres montrent des signes de déclin et voient leur durée de vie diminuer, augmentant les coûts d’entretien et de plantation. « L’arbre en ville est un thème porteur du point de vue politique, mais on plante à tort et à travers, sans utiliser les savoir-faire garantissant de bonnes conditions de vie et de longévité aux arbres », estime Caroline Mollie, spécialiste de l’arboriculture urbaine. (Voir ses dix propositions p. 23). Ce savoir-faire serait celui du forestier : miser sur les sujets résistants en n’hésitant pas à planter moins, suivre la santé de chaque arbre, accroître leur résistance par des soins adaptés… Les services de villes pionnières se sont engagés dans cette voie. A Lille, l’introduction de bois mort amène de la biodiversité dans les jardins. A Orléans, des lâchers d’insectes protègent les espèces de manière plus naturelle. A Lyon, on ose ne plus arroser grâce à des espèces adaptées. De nombreuses villes redonnent de la place aux racines par de larges fosses de plantations. Dans une veine plus dissuasive, des méthodes comme Beva (barème d’évaluation de la valeur d’un arbre) sanctionnent les dommages infligés aux arbres. « Ce n’est pas très efficace au regard des montants des marchés de travaux », estime Corinne Bourgery, de l’agence Citare. Les experts préconisent surtout une palette d’outils et un suivi au quotidien, impliquant une bonne coordination entre services. La communauté urbaine de Lille, gestionnaire des sols, contacte ainsi la Ville lorsque les travaux risquent d’affecter les arbres. A Lyon, l’unité Arbres et paysages est intégrée à la Voirie, pour plus d’efficacité.
Lutter contre les automatismes
« Le manque de formation est criant, surtout dans les petites villes », confie Corinne Bourgery, qui regrette que des « idées datant de Mathusalem » (alignements monospécifiques, élagages sévères…) continuent de circuler. Un défi majeur, selon elle, est de résister à la pression des élus et des riverains, qui comprennent mal les initiatives des spécialistes. En témoigne la problématique du « gros sujet », planté « pour faire joli » mais peu résistant à l’épreuve du temps. « A l’agence, nous plantons gros (diamètres : 30/35 cm). Nous sommes payés au résultat et les élus ne se satisferaient pas de petits sujets », confie un paysagiste.
Afin de favoriser les retours d’expériences, l’association Plante et Cité, créée à l’initiative de collectivités locales, d’entreprises du paysage et de centres de recherche en 2005, mène plusieurs projets. « Notre rôle de diffusion, constate Olivier Damas, chargé de mission, est essentiel, comme en témoigne le mélange terre pierre (mélange de terre végétale et de matériaux minéraux, qui forme un sol stable et poreux). Utilisé depuis dix ans, il fait encore l’objet d’erreurs dans la mise en œuvre. » Dans la lignée du projet Sciencil initié il y a quinze ans, l’association se penche sur la création de substrats à partir de matériaux de déconstruction (limitant l’importation de terre et de pouzzolane, utilisées dans le mélange terre pierre). Comme le reconnaît Frédéric Ségur, responsable de l’unité Arbres et paysages du Grand Lyon : « Un grand chemin reste à faire. La place du végétal dans le développement urbain est encore à réévaluer. »
