Il faut lire « Le Moniteur », en tenue de chantier, casqué, les bottes de sécurité aux pieds, et si possible en plein vent, pour en apprécier toute la rugosité : c'est un hebdo « tout bâtiment »... Architecture ? connaît pas ! Donc pas un mot sur l'étonnant congrès des architectes en colère, à la Mutualité le 26 Avril ; ils ne demandent, en effet, qu'à pouvoir continuer à faire de l'architecture, ce qui est inconcevable, incongru même, pour le fidèle lecteur, qui n'y verrait que vaine philosophie, et atteinte potentielle à son petit business.
Un journal et ses lecteurs forment un tout : on peut seulement y évoquer les tribulations des « porteurs de récépissés » (protégés au détriment des usagers), qui partis 2 000 en 78 sont aujourd'hui 12 000 à se « débrouiller », avec la complicité des services techniques, qui se « débrouillent » aussi ; le rafistolage des textes, les vicissitudes des collectivités locales ; les turpitudes de l'Etat, empêtré dans un discours convenu, démagogique, phagocyté par son administration ringarde, énarchisé jusqu'à la garde ! Et comment en serait-il autrement puisque l'on confond la bruit et la musique : le ministère de l'Equipement, graveleux, est encore en charge (pour partie) du cadre de vie. Impéritie, droits (de manipuler) acquis. Dans ce contexte, le clientélisme du Moniteur est bien excusable.
Si l'on s'en tient à l'aspect strictement économique, il n'y a que maîtres d'oeuvre ou bureaux d'études en bâtiment, décorateurs, urbanistes ou constructeurs ; de ce point de vue, la catégorie socio-professionnelle spécifique aux architectes (qui peuvent prendre tous ces rôles), n'existe pas. Il s'agit de simples prestations de services, et la compétition (à compétence égale) y est légitime ; l'ensemble des intervenants ne peut se plaindre que de la concurrence déloyale que leur fait l'administration ! C'est clair ! Mais de là à succomber au charme de l'excellente Mme Bersani et de ses coquecigrues préférées, non : ces activités ne sont pas « les métiers de l'architecture » ! L'Architecture, c'est autre chose. N'en déplaise aux technocrates égarés dans une réflexion qui les dépasse, il s'agit tout à la fois de la caractéristique d'un édifice qui le différencie d'une simple « construction », et du savoir-faire qui s'y rattache, objet d'une prestation d'une nature bien spécifique. Placée au premier plan des sociétés avancées, l'architecture serait un raffinement désormais sans intérêt pour nous ? ... Non : les intellectuels, artistes et autres humanistes s'opposent à ce minimalisme et réclament la présence de professionnels d'un autre niveau, spécialement formés à cet art, capables d'assumer cette fonction sociale essentielle, pour chaque bâtiment ; capables de garantir la qualité de l'environnement bâti des générations futures. Ils proposent de leur donner le nom d'architectes !