Comment expliquez vous l'engouement actuel pour la terre crue ?
Les évolutions règlementaires, avec l'expérimentation E+C- puis l'entrée en vigueur de la RE 2020, poussent la prescription des matériaux bio et géosourcés, dont la terre crue. Une conscience plus aiguë de la question écologique de tout un chacun y contribue aussi.
Au-delà de ses qualités environnementales, la terre est donc un matériau fédérateur. La maçonnerie terre crue passe par la transmission de savoir-faire. Aussi, elle attire des professionnels du bâtiment voire d'autres secteurs, en quête de sens dans le travail. Pour répondre à cet attrait, des formations reconnues et certifiantes se développent aujourd'hui dans différentes régions en France. A l'instar de la formation MTC sur neuf mois permet d'atteindre le niveau de qualification 3 (CAP, BEP).
La production des briques de terre crue (BTC) tient-elle essentiellement sur ces modèles participatif d'insertion et formation ?
Il existe aujourd'hui des entreprises qui fabriquent des briques de manière quasi industrielle pour répondre à la croissance de la demande. Alors que les chantiers école et d'insertion répondent avant tout à une demande de formation. La main d'oeuvre bénévole n'est donc pas gratuite ! Un chantier de formation exige un encadrement important, les stagiaires non expérimentés ne sont pas autonomes. Sur un même volume, le coût de revient d'un chantier école s'avère souvent équivalent voire supérieur à une production de briques industrielles.
La filière est-elle en capacité de répondre à la demande accrue ? Alors que les grands industriels comme Saint-Gobain annoncent déjà leurs propres solutions...
La filière s'emploie à répondre à cette demande. Cependant la production doit être anticipée par toute la chaine des acteurs du projet. Une brique exige un temps de préparation et six mois de séchage. L'idée d'un changement de modèle dans la prescription très en amont, doit encore faire du chemin.
Par ailleurs, la filière terre reste alignée à un modèle apaisé de la construction, conforme aux objectifs du ZAN. Il est fondamental de travailler in situ des terres de qualité, selon des procédés excluant les liants hydrauliques, comme la chaux, le ciment ou les laitiers de haut fourneau.Un produit ainsi standardisé perd ses qualités mécaniques et sa réversibilité. Proche du béton, il crée des gravats. Le matière n'est plus réemployable indéfiniment comme l'est la terre crue.
Or, à l'heure de la transition écologique, ces procédés industriels hors sol ne réinterrogent aucunement les métiers de la construction et le modèle de production des bâtiments. Il les reproduisent.
Le réseau national envisage t-il comme la filière paille l'a fait, la rédaction de règles professionnelles ?
La filière travaille à produire et rassembler de la connaissance qui pourrait être la base de règles professionnelles. Elle travaille aussi sur les freins d'ordre réglementaires, assuranciels, culturels, techniques...
La méconnaissance des techniques et du matériau de la part des donneurs d'ordre, des BE, des architectes en fait partie... Le dialogue avec les bureaux de contrôle, les assureurs doit être également renforcé. Pour cela, plusieurs projets de recherches ont été lancées en lien avec le monde universitaire et les acteurs de la filière. Comme par exemple, le Projet National Terre, projet de recherche appliquée en lien avec l'université Gustave Eiffel qui vise le déploiement, à grande échelle, de la construction en terre crue.
L'étude Terre de Métiers, propose un diagnostic sur la formation et la transmission de savoir-faire pour la construction en terre crue. Elle est porté par la Confédération de la construction en terre crue et financée par l'AMI "Compétences et Métiers d'Avenir" de France 2030.