Entretien

« L’innovation seule ne suffit pas, elle doit être pensée dans une vision globale à long terme », Cédric Moscatelli, président d’Infra 2050

Lancé officiellement en mars 2024, le pôle de compétitivité Infra2050 a accompagné une trentaine de projets dont 12 ont obtenu leur labellisation. Son président, Cédric Moscatelli, compte bien élargir encore son champ d’action et appelle à faire évoluer le cadre de l’innovation pour accélérer.

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Cédric Moscatelli, président d'Infra2050, veut élargir la portée du pôle de compétitivité au niveau national et européen.
Cédric Moscatelli, président d'Infra2050, veut élargir la portée du pôle de compétitivité au niveau national et européen.

Infra2050 a 18 mois. Quel bilan tirez-vous de cette première période ?

Notre pôle de compétitivité a réuni Indura, le cluster d’infrastructures durables en Auvergne-Rhône-Alpes, Ecorse-TP, son équivalent en Bourgogne-Franche-Comté et l’Irex, Institut pour la recherche appliquée et l’expérimentation en génie civil, avec l’idée d’accompagner les filières des travaux publics, du génie civil et de l’aménagement du territoire dans la mise en œuvre de l’innovation en vue de décarboner les infrastructures à l’horizon 2050. Nous constituer en pôle de compétitivité bénéficiant d’un label reconnu par l’Etat nous offrait une meilleure visibilité que les clusters régionaux et un accès à plus de moyens financiers. Sur la période 2023-2024, nous avons accompagné 33 projets dont 12 ont été labellisés. Du fait de leur caractère innovant, la nature de ces projets reste confidentielle mais ils s’insèrent dans les quatre axes de travail de notre stratégie : infrastructures bas carbone, résilience des territoires face au changement climatique, usages décarbonés et transition numérique. Autre bénéfice de cette évolution : nous sommes en capacité de discuter d’égal à égal avec d’autres pôles de compétitivité et nous avons pu intégrer des instances nationales comme le comité stratégique de filière Industries pour la construction.

De quelle réalisation êtes-vous particulièrement fier ?

Nous avons monté une académie des réseaux qui réunit 15 entreprises autour de la digitalisation de la gestion des réseaux souterrains avec un accent sur formation par la réalité virtuelle via le jumeau numérique. Nous regroupons ainsi des acteurs de l’enseignement depuis le bac pro jusqu’à l’école d’ingénieurs afin de former l’ensemble de la chaîne des intervenants pour améliorer la sécurité dans la réalisation de ces travaux. Le jumeau numérique permet de mettre les gens en situation sans aller sur le terrain. Il supprime le risque réel mais autorise à l’appréhender en amont et lorsque les intervenants rencontrent cette situation sur le terrain, ils l’ont déjà vécue, et pas uniquement en salle de cours. L’académie sert aussi à fédérer davantage les acteurs qui interviennent sur les différents réseaux. L’objectif est d’arriver à mettre tout le monde autour de la table pour avoir une approche concertée et de pouvoir former le personnel sur les risques liés aux réseaux sur lesquels ils n’interviennent pas.

La résilience face au changement climatique est l’un de vos axes de travail. Comment accélérer le déploiement des innovations dans ce domaine ?

Il faut compter cinq à dix ans entre le moment où une idée germe et celui où elle est mise en œuvre. Donc les projets qui apparaissent aujourd’hui ne pourront être déployés qu’entre 2030 et 2035. Il faut accélérer et pour cela, nous devons pouvoir accompagner plus rapidement nos projets, qu’il s’agisse de leur trouver des financements ou un terrain d’expérimentation. Le cadre normatif et réglementaire de ces expérimentations devrait également pouvoir accompagner le changement. Aujourd’hui, le béton bas carbone ne peut pas être mis en œuvre dans toutes les constructions, par exemple. Et quand le matériau change, les méthodes changent aussi donc la formation, initiale et continue, doit suivre. Autre exemple : remplacer des engins de chantier thermiques par des modèles électriques, c’est bien mais il reste la question de la recharge. Ces changements doivent faire l’objet d’une réflexion beaucoup plus systémique. L’innovation seule ne suffit pas, elle doit être pensée en lien avec sa mise en œuvre dans une vision globale avec une projection à long terme.

Quelles sont les perspectives d’évolution d’Infra2050 ?

Nous avons aujourd’hui 290 adhérents dans nos régions mais nous comptons bien passer d’un rayonnement régional à un niveau national. Nous échangeons actuellement avec d’autres acteurs dans le Grand Est, en Ile-de-France et en Nouvelle-Aquitaine pour voir comment nous implanter sur certains projets pour travailler avec les particularités de chacune de ces régions, comme le recul du trait de côte en Nouvelle-Aquitaine. C’est un sujet que nous ne pouvons pas traiter depuis la Bourgogne-Franche-Comté car nous avons besoin de sites pour tester les innovations et donc d’être accompagné par des maîtres d’ouvrage sur place. Mais nous souhaitons également aller au-delà des frontières françaises. Ainsi, les projets de jumeau numérique des routes et des réseaux, éminemment stratégiques, sont un vrai sujet au niveau européen. C’est l’un des objectifs du pôle que de pouvoir les accompagner au-delà du territoire national.

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