Ampoules, fours, climatiseurs, lave-linge, réfrigérateurs... Tous ces produits ont désormais une étiquette indiquant le niveau de performance énergétique du produit. Après six années de discussion, un accord avait été trouvé pour que les chaudières et les chauffe-eaux, équipements les plus énergivores d'un logement, aient également leur étiquette énergie. Il devait être définitivement adopté début septembre mais il n’en a rien été. Voilà comment les choses devaient se dérouler.
Début septembre, le texte de compromis établissant la mise en place d'une étiquette énergie pour les chaudières et les chauffe-eaux, déjà ratifié cet été par l'Organisation Mondiale du Commerce, et consulté par l'ensemble des directions de la Commission européenne, aurait dû être adopté. Dans ce cas, les Etats membres se seraient réunis pour adopter un règlement sur l'éco-conception de ces produits. Corollaire de l'étiquette énergie, ce règlement aurait fixé le niveau d'exigence minimale pour qu'une chaudière ou un chauffe-eau puisse être mis sur le marché européen. Mais, l'accord mis en place laborieusement entre Etats membres, industriels, associations de défense des consommateurs et de l'environnement, issu des six années de discussion, s'est effondré. Deux des 25 parties prenantes sont revenues sur l'arbitrage des services de la Direction générale de l'énergie : l'«Association of the European Heating Industry » (EHI), défendant les intérêts des fabricants d'équipements de chauffage et Eurofuel, association européenne de promotion du chauffage au fuel.
Bataille pour la couleur verte
« Même Marcogaz, voix à Bruxelles des fabricants des équipements fonctionnant au gaz naturel, avait accepté le texte », souligne Stéphane Arditi, représentant le à la table des négociations. « Ce qui embête EHI et Eurofuel, explique-t-il, c'est que le règlement prévoit, qu'à partir de 2017, figurent sur l'étiquette énergie les niveaux A +++, A++ et A+, seuls à être de couleur verte et auxquels les chaudières au fuel et au gaz ne pourront pas prétendre. En effet, ces niveaux d'exigence seront réservés aux équipements innovants, offrant les meilleures performances énergétiques et ayant recours aux énergies renouvelables ». Les chaudières au fuel et au gaz ne pourront atteindre que, dans le meilleur des cas (sans couplage avec une source renouvelable), le niveau A de couleur jaune. Et c'est bien sur cette couleur que réside le problème, EHI et Eurofuel estimant qu'elle perturbera la perception du niveau A par les consommateurs. Ils demandent donc que coexistent deux étiquettes, l'une où figurent en vert les niveaux A +++, A++ et A+ et l'autre, pour les chaudières à énergie fossile, s'arrêtant à A+ et faisant apparaître en vert les niveaux A+, A et B.

« Ce double étiquetage pose un problème de comparabilité pour le consommateur», explique Emilien Gasc, chargé des dossiers « Etiquette énergie » à l'Anec, organisme représentant les consommateurs dans les processus de normalisation technique et au Bureau européen des unions de consommateurs (fédération dont fait partie UFC-Que-Choisir). Il considère que la coexistence de deux étiquettes (dispositif temporairement autorisé pour les téléviseurs) est « réellement inappropriée à ce type de produits ». « Les chaudières et les chauffe-eaux sont des équipements qui ne s'achètent pas en magasin, mais par l'intermédiaire d'installateurs ayant souvent un accord exclusif avec seulement un ou deux industriels. Alors, si l'installateur ne travaille qu'avec des fabricants de chaudières à énergie fossile ayant opté pour une étiquette ne montant pas plus haut que A+, le particulier ignorera l'existence sur le marché de produits A++ ou A+++, bien plus performants».
Résistance acharnée
Trouver un accord ne semble pas gagné d'avance. Emilien Gasc, qui a l'habitude de suivre, pour divers types de produits, l'établissement de règlements encadrant l'écoconception et l'étiquettes énergie, explique que « pour les chaudières et les chauffe-eaux, six réunions à la Commission européenne se sont déjà tenues, alors qu'en général une seule suffit ». Il rappelle également que « la directive européenne faisant référence aux chaudières et aux chauffe-eaux date de 2005 et que, sept ans plus tard, ces produits ne sont toujours pas soumis à une obligation d'écoconception, ni ne disposent d'étiquette énergie ». Mais les chauffe-eaux et les chaudières ne sont pas les seuls équipements à poser problème.
Jeudi 20 septembre, s'est tenue la première réunion portant sur l'établissement d'une étiquette énergie pour les produits de « Local room heating », appellation recouvrant les poêles à bois et les convecteurs électriques. «Les choses ont pris dès le départ une mauvaise tournure, constate Emilien Gasc. Une majorité d'Etats membres a refusé de suivre la proposition de texte de la Commission et la France s'est abstenue ».
Particuliers privés de repères
Les Etats membres peuvent être tentés de suivre la position de certains industriels qui, selon les défenseurs de l'environnement et des consommateurs, évoquent la crise et la défense des emplois pour justifier leur défiance vis-à-vis de l'obligation de soumettre leurs produits à une étiquette énergie. Voix du Bureau européen de l'Environnement, Stéphane Arditi dit comprendre les contraintes des industriels, mais il considère que les temps d'élaboration des règlements sont assez longs pour que les fabricants les intègrent à leurs business plans. Il souligne également que l'étiquette énergie peut se révéler être un catalyseur d'innovations et donc stimuler l'économie.
En attendant, pendant que les discussions s'éternisent à Bruxelles, les particuliers sont privés de repères pour le choix de leur chauffage, chaudière et chauffe-eau, des équipements qui pésent lourd dans leur facture énergétique.