Labellisée « Architecture contemporaine remarquable » en 2008, La Maladrerie d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) a été construite entre 1975 et 1985 par Renée Gailhoustet (1929-2023) entourée d'une équipe d'architectes. Ce quartier piétonnier, à la mixité sociale et fonctionnelle exceptionnelle, est desservi par un réseau de cheminements ouverts et couverts, avec de généreux espaces verts. Ses immeubles à gradins affichent des façades en béton brut et de luxuriantes terrasses-jardins en pleine terre qui font corps avec les logements. La trame hexagonale de la structure poteaux-dalles laisse une vraie liberté de cloisonnements intérieurs et permet d'aménager des duplex et triplex éloignés des standards domestiques. Plusieurs équipements complètent les lieux dont une médiathèque, une salle de spectacles, le Centre d'arts plastiques d'Aubervilliers, une crèche et une halte-garderie.
A l'origine propriétaire de l'ensemble des bâtiments, l'OPH d'Aubervilliers a mandaté Grand Paris Habitat, groupement d'intérêt économique créé par CDC Habitat, comme maître d'ouvrage délégué pour concevoir leur projet de réhabilitation dans le cadre du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). En effet, face aux estimations du coût de la rénovation thermique, l'Anru demandait des garanties pour le financement du projet. Pour y remédier, Grand Paris Habitat a eu l'idée de céder une partie du patrimoine à un autre bailleur social. C'est ainsi que 343 lots, dont une dizaine d'ateliers d'artistes et la Maison de l'enfance Saint-Exupéry, ont été vendus à la RIVP. L'OPH a conservé les 548 lots restants, dont une vingtaine d'ateliers d'artistes et les 27 pavillons.
Chantier en site occupé
Afin de préserver la cohérence d'ensemble sous le regard de l'architecte des bâtiments de France, l'architecte-urbaniste Tectône a été désigné comme unique AMO pour réaliser le cahier des prescriptions urbaines, patrimoniales, paysagères et environnementales. Il est coordonnateur mandataire d'un macro-groupement avec RL&A Architectes du patrimoine, les paysagistes de Champ Libre, le BET Alterea et le cabinet de géomètres-experts Ageis qui actualise les plans du site en format BIM.
Les travaux de réhabilitation programmés consistent notamment en la rénovation énergétique de l'ensemble, avec l'isolation partielle des toitures et des façades et le remplacement des fenêtres. Le chantier se déroulera en site occupé moyennant une enveloppe d'environ 100 000 € par logement, avec financement de l'Anru pour l'OPH uniquement. « Il y aura une unité de traitement, sans aucune démolition ni isolation par l'extérieur », explique Betty Huet-Baugé, responsable de projets urbains chez CDC Habitat et chargée du projet pour Grand Paris Habitat.
Les terrasses en quinconce sont sources d'infiltrations et leur étanchéité doit être refaite.
Ilot de fraîcheur.
La thermographie du quartier témoigne de l'îlot de fraîcheur que constitue La Maladrerie, mais les terrasses en quinconce sont sources d'infiltrations et leur étanchéité doit être refaite. « Nous allons voir avec les entreprises comment intervenir au cas par cas, en fonction des problématiques. Nous sommes davantage dans une logique de restauration que de remise à neuf », précise Betty Huet-Baugé. « Cette végétalisation constitue la qualité de ce patrimoine mais les arbres actuels ne sont pas tous adaptés à la structure et au poids. D'autres plantes pourraient être envisagées », ajoute Camille Chastagnol, responsable de l'agence De Staël, créée par la RIVP pour la Seine-Saint-Denis.
L'OPH d'Aubervilliers va lancer un marché en conception-réalisation sous le pilotage de Grand Paris Habitat avec la désignation d'une équipe début 2026, tandis que la RIVP agira en maîtrise d'ouvrage directe avec le choix de l'entreprise de travaux fin 2027 et un démarrage du chantier début 2028.
Un collectif d'habitants en première ligne
L'OPH d'Aubervilliers, sous le pilotage de Grand Paris Habitat, et la RIVP ont mandaté le cabinet de conseil en concertation et dialogue collaboratif Res publica pour les accompagner devant les habitants, les amicales de locataires et le collectif Maladrerie. Ce dernier a été créé en 2021 par Jardins à tous les étages (dont les fondateurs Gilles Jacquemot et Katherine Fiumani étaient membres de l'équipe d'architectes d'origine), CNL Maladrerie, Alliance citoyenne, Atelier Approches, Lyrico, Voix publique, Avisa et Angi. Le collectif, qui a rédigé une analyse critique de la convention Anru, se bat pour la défense du logement social et la conservation de l'identité architecturale et urbaine de La Maladrerie, et contre sa résidentialisation, à la suite des erreurs commises par l'Anru 1 en 2008. Ce quartier offrant une alternative aux grands ensembles, le collectif insiste sur l'importance de ne pas simplifier le maillage piétonnier volontairement labyrinthique qui fait le charme des lieux et propose une richesse de parcours et d'échanges conviviaux pour les habitants.
