L'université catholique de Lille (« la Catho ») souhaite faire du bâtiment Rizomm le premier démonstrateur « socio-technique » du programme Live Tree. Impliquant collectivités, chercheurs, habitants et entreprises partenaires, ce projet vise, dans le cadre de la troisième révolution industrielle, à accélérer la transition énergétique à l'échelle du quartier Vauban-Esquermes. Rénové de fond en comble, l'édifice de 10 000 m² se dote de panneaux photovoltaïques, et surtout de capteurs, en vue d'ouvrir les données d'exploitation aux différents partenaires. Accessibles à toutes les parties prenantes, les informations relatives à la température, à la production électrique, aux consommations d'énergie… peuvent ainsi être utilisées pour en tirer de nouveaux bénéfices dans le bâtiment, comme à l'échelle de l'îlot. Aux usagers, elles apporteront une grille de lecture, une notice numérique d'utilisation qui devrait contribuer à une meilleure appropriation des lieux.
Les informations recueillies viendront aussi nourrir les réflexions des chercheurs en sociologie de l'université afin d'appréhender l'influence des comportements sur les économies ou les surconsommations d'énergie. Dans un autre registre, ces indicateurs pourront également servir à faciliter le suivi et la maintenance. « La détection d'une fenêtre ouverte, par exemple, entraînerait la coupure du chauffage », explique Benoît Robyns, vice-président chargé de la transition énergétique et sociétale de l'université. Pour aller plus loin, les chercheurs travaillent notamment à connecter les données à la maquette numérique afin d'obtenir une vision de l'ensemble des températures pièce par pièce.
Coûts de stockage. A l'échelle de l'îlot, le partage des données avec les autres bâtiments visera, lui, à optimiser les consommations d'énergie jusqu'à obtenir une parcelle totalement autonome. « Nous aurons des dispositifs de production et de stockage de l'électricité, et aussi des bornes de recharge pour les véhicules électriques. La transmission des données est indispensable pour piloter, à chaque instant, les échanges d'énergie », assure le vice- président. Des flux d'informations qui intéressent là encore les laboratoires de recherche techniques de la Catho et ses partenaires. Cependant, six mois après la livraison du Rizomm, personne ne sait encore qui pourra accéder à ces données, ni comment les anonymiser de façon satisfaisante. Car les indicateurs en question n'ont plus rien d'anodin après analyse. La simple température d'une pièce permet, par exemple, de déduire si un salarié est présent ou non à son bureau. Outre cette problématique de protection des données personnelles, « la finesse et la quantité d'informations produites (206,4 To, extensibles à 1 219,2 To) posent aussi la question de leur stockage à un coût énergétique acceptable. Autant de réflexions qui font l'objet de travaux conséquents avec nos partenaires », détaille Benoît Robyns.
Une piste sérieusement envisagée pour se frayer un chemin dans cette jungle de données mène à l'intelligence artificielle. Pour l'heure, l'université vient de recruter un manageur de la performance énergétique et cherche activement un informaticien pour le bâtiment connecté. Ce concierge et ce gardien modernes ne seront pas de trop pour dompter le big data, afin qu'il livre tout son potentiel, sans accrocs à l'éthique.
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