« Plutôt que de marginaliser et d'ostraciser le béton dans une période où il est contesté, il faut le faire évoluer et lui trouver d’autres usages, plus vertueux », appelait de ses vœux Hélène Fernandez, directrice, adjointe au directeur général des patrimoines et de l’architecture, chargée de l’architecture au ministère de la Culture et membre du jury des Trophées béton, un évènement organisé par Cimbeton et Bétocib. Le jury, présidé par l’architecte Charles-Henri Tachon, a ainsi consacré ce 17 octobre 2024 à la Maison de l’architecture en Ile-de-France dix réalisations sur 25 nommées. Parmi elles, la construction duGroupe Scolaire LaVallée, de deux centres de loisirs et d’une cuisine centrale dans la ZAC LaVallée à Chatenay Malabry (Hauts-de-Seine) s’inscrivent dans ces préoccupations environnementales.
Innover pour décarboner
Dès le concours, le programme préconisait le réemploi de matériaux du site et la réalisation de béton de terre. Les terres du site ne se prêtant pas à cet usage, les architectes de l’agence a+samueldelmas et le bureau d’étude structure Batiserf ont travaillé conjointement à la réalisation d’un béton damé de site. Celui-ci est composé de 100% de granulats de béton recyclé provenant des démolitions. Ils sont gâchés avec un liant hydraulique à la place de l’argile, de façon à ce que l’entreprise de gros œuvre Donato confectionne sur place un béton sec, avec une faible proportion d’eau. La matière est ensuite déversée par strates horizontales successives de 15 cm dans un coffrage en planchettes d’une hauteur de 50 cm, relevé à l’avancement, permettant aux compagnons de serrer le béton de chaque strate par damage au fouloir pneumatique, une technique comparable à celle du pisé.
Les murs en béton damé teinté possèdent ainsi une résistance à la compression de 10 MPa. Leur mise au point, soutenue par l’Ademe, a donné lieu à une campagne de formulation et de confection d’éprouvettes, murets et prototypes, avec caractérisation par essais à la compression et à l’arrachement, dans une logique de dimensionnement assisté par l’expérimentation. Porteur, le béton est in fine employé en façade sous forme de voiles, trumeaux et bandeaux massifs. L’enveloppe, protégé par minéralisant et conservée brute, apporte une matérialité atypique et prononcée à ce bâtiment livré en septembre 2024.
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L’acier, un réemploi possible
L'édition des Trophées Eiffel de l'année était marquée d’un choix audacieux : une catégorie dédiée au réemploi. Et c’est le projet de reconversion des Ateliers Diderot à Pantin(Seine-Saint-Denis) qui raflait cette palme parmi les dix lauréats récompensés par un jury présidé par l’architecte Anne Demians, ce 16 octobre 2024, lors de la Steel In, un évènement organisé par Construir acier.
Et pour cause, le projet, porté par la RIVP, sous la maitrise d’œuvre de Block architectes et du bureau d’étude Sibat, vient requalifier une ancienne usine de pneu. Celle qui se constituait alors d’un ensemble de bâtiments de bureau et d’entrepôts, caractéristiques de l’architecture industrielle du XXe siècle, abrite désormais sur 5800 m² une pépinière et un hôtel d’entreprises, ainsi que des salles de réunion, un showroom et des restaurants ouverts au public. Pour obtenir ce résultat, le projet s’est fondé au préalable sur un diagnostic patrimonial et technique du site. À partir de là, le groupe Briand a pu travailler sur une démarche de réemploi forte. 68 % des profils existants ont pu être réutilisés sur place, ce qui représente une économie de 8 % de l’acier utilisé sur le chantier, rendue visible par un travail colorimétrique.

Les Ateliers Diderot à Pantin rénovés par Block architectes et Sibat, avec le groupe Briand, ont remporté un trophée acier dans la catégorie réemploi. © Philippe Piron
Le bois, une ressource locale
Le bois, quant à lui, était à l'honneur le 3 octobre sur le salon Batimat. C’est donc à la porte de Versailles qu’ont été récompensé les huit lauréats du prix national de la construction bois organisé par Fibois, ainsi que le Centre aquatique olympique de Saint Denis d’un prix spécial. Le jury, présidé par Cédric Ramiere (CoCo Architecture), a souhaité mettre en lumière des projets qui se sont démarqués par leur exemplarité en matière d’architecture, et « valorisant l’utilisation de bois locaux, de bois issus de forêts gérées durablement ou de produits certifiés Bois de France », appuyait Jean-Marc Meyer, président de Fibois France.
Parmi les projets sélectionnés, l’un d’eux concerne la transformation d’une ancienne ferme en deux foyers d’habitation, à Saint-Matin-Lestra, dans le département de la Loire. Le projet, à la conception bioclimatique, s’appuie sur les fondations en pierres locales existantes, ainsi que sur des murs en pierre et en pisé. Un volume orthonormé en bois tressé contemporain s’installe et enjambe le soubassement existant. L’ancienne charpente a été réutilisée, tandis que les nouveaux éléments sont en bois local, une démarche portée par l’Atelier de Montrottier, Loïc Parmentier et associés, qui a particulièrement été appréciée.

Latransformation d'une ferme en deux foyers d'habitations, a Saint-Martin-Lestra, portée par l'Atelier de Montrottier, Loïc Parmentier et associés, a reçu un trophée bois. ©Benoît Alazard