Alors qu'elle n'avait fait l'objet que de travaux ponctuels d'entretien depuis 1863, la tour Pey-Berland, en plein coeur de Bordeaux, bénéficie d'une véritable cure de rajeunissement. Rachetée par l'Etat en 1850, elle est classée monument historique en 1848, mais les débuts de sa construction remontent à 1440 et elle avait été achevée en 1500. Mais le temps et les hommes l'avaient maltraitée avant que l'Etat n'en fasse l'acquisition et ne procède à cette grande campagne de restauration en 1863, close par l'arrivée de la statue de Notre-Dame-d'Aquitaine, à son sommet, créée par l'orfèvre parisien Chertier.
2,65 millions d'euros de travaux
Malgré les interventions ponctuelles qui ont été réalisées entre-temps, la tour demandait à faire l'objet, à nouveau, d'une grande révision. Un coup de vent en août 1999 et la tempête de décembre 1999 l'avaient fortement ébranlée et il a fallu la mettre en sécurité. En l'étudiant de près à cette occasion, « on s'est rendu compte qu'elle était plus malade qu'elle ne le paraissait », commente Patrick Lemaître, ingénieur du patrimoine, à la DRAC Aquitaine qui suit le chantier, la DRAC assurant la maîtrise d'ouvrage. Le chantier de 2 656 943 euros financé par l'Etat (ministère de la Culture et de la Communication) commencé en janvier 2002 sera terminé en juillet 2003 pour ne pas perturber les travaux de la place Pey-Berland. La première tranche - travaux sur la flèche et restauration de la Vierge - a été terminée fin septembre 2002, la deuxième tranche, qui concerne la façade ouest, s'achève en mars 2003.
Les deux autres phases ont un calendrier globalisé. Travail spectaculaire, la rénovation de la Vierge culmine à 66 m sur une tour de 60 m. Composée d'une quinzaine de morceaux de cuivre, elle a été entièrement démontée pour que ces derniers soient restaurés. Elle a été rivetée en atelier et recouverte de cinq couches d'apprêt avant que l'on dépose, en finition, des feuilles d'or, soit 184 grammes d'or en tout. La dorure étant elle-même protégée par une dernière finition. La structure de la statue en acier, très rouillée, a été remplacée par de l'Inox et la tige métallique qui s'enfonce dans le cône de la tour a été rallongée pour que Notre-Dame-d'Aquitaine s'ancre sur un support de 17,7 tonnes, ce qui sécurise sa fixation. Elle a été remontée en un seul morceau par l'entreprise de levage Moraud.
La pierre de Frontenac, qui compose la tour, a été nettoyée par un gommage au carbonate de calcium - billes de calcaire de 100 microns de même dureté que la pierre - dans un brouillard d'eau pour humidifier la salissure et la rendre plus soluble tout en captant la poussière.
Les éléments de relief et la charpente consolidés
Le travail est fait selon un angle d'attaque de 60° pour que l'intervention soit moins agressive. Les pierres qui ont dû être changées, sur une profondeur de 40 centimètres et plus, ont été solidarisées avec l'ensemble de la pierre qui les entourait par injection de coulis de chaux hydraulique passant par les trous ménagés dans les joints.
En ce qui concerne les éléments en relief, ceux qui en ont eu besoin ont été consolidés grâce à l'injection d'une résine qui polymérise à l'intérieur et solidifie le tout mais ne constitue pas un film étanche.
Par ailleurs, la charpente a été consolidée, les planchers des deux chambres des cloches ont été refaits et des abat-son ont été ajoutés aux baies. En fait, sur les quatre cloches de la tour, la plus petite était sur la même fréquence que cette dernière, la mettait en résonance, ce qui faisait travailler le bâtiment. Cette cloche a été «re-axée» pour que le phénomène soit réduit ou disparaisse. De nouvelles mesures seront prises à l'issue des travaux pour vérifier que le problème est bien résolu.
Fiche technique
Maîtrise d'ouvrage : DRAC, Conservation régionale des Monuments historiques
Maîtrise d'oeuvre : Michel Goutal, architecte en chef des Monuments historiques
Vérification : Dominique Léglise, vérificateur de monuments historiques
Coordonnateur sécurité : IDHS
Bureau de contrôle : Veritas
Maçonnerie, pierre de taille : Quélin, Cazenave
Echafaudage : D.Loc.Mat
Sculpture : Renaux, Lebon
Consolidation de pierre : Groux
Charpente-menuiserie : Limouzin
Ferronnerie : fonderie de Coubertn
Dorure : Roussel
Levage : Moraud.
PHOTO : La tempête de décembre 1999 avait fortement ébranlé la tour Pey-Berland, qu'il a fallu mettre en sécurité.