L'affaire des terrains Renault, qui traînait depuis dix ans, semble être entrée dans une phase décisive à l'automne 2001. Fin octobre, François Pinault (président du conseil de surveillance de PPR) a ouvert le feu en dévoilant le projet retenu - celui du japonais Tadao Ando - pour sa fondation d'art contemporain sur l'île Seguin (152 millions d'euros). Un mois plus tard, le sénateur-maire de Boulogne-Billancourt, Jean-Pierre Fourcade, présentait aux habitants le résultat des deux études de définition lancées sur le Trapèze (les 40 ha qu'occupait Renault sur la rive droite) et sur le secteur du Pont-de-Sèvres qui lui est intimement lié. Sur la base du plan-programme établi par Bruno Fortier, la mairie, assistée par G3A (groupe SCIC) qu'anime Jean-Louis Subileau, a choisi pour lauréats Patrick Chavannes et Jacques Ferrier (Trapèze), et Christian Devillers (quartier du Pont-de-Sèvres). Pour l'île Seguin, qui avait singulièrement focalisé les oppositions au plan Fortier, Jean-Pierre Fourcade a commandé en direct une étude de faisabilité à G3A, qui s'est entouré de l'urbaniste François Grether, du paysagiste Michel Desvignes et de l'ancien directeur de l'architecture et du patrimoine François Barré, par ailleurs conseiller de la Fondation Pinault.
Ainsi s'est peu à peu dessiné le projet global d'aménagement des terrains Renault, qui a fait l'objet jusqu'en février d'une exposition à la mairie, complétée par la maquette de Tadao Ando et la proposition de la RATP d'un tramway sur pneus. Cette exposition a permis aux habitants et aux partenaires de la ville de découvrir le cadre de référence du futur plan local d'urbanisme (PLU) du secteur Billancourt-Seguin, attendu pour la fin de cette année. Et au groupement de promoteurs Développement Boulogne Seguin (DBS) formé par Hines, Nexity et Sorif (groupe Vinci) l'allure générale des droits à construire qu'ils s'apprêtent à acquérir ! Retenu en novembre 2000 à l'issue d'une consultation de promoteurs organisée par Renault, DBS a signé une promesse de vente en décembre 2001.
Le schéma de Fortier et les critiques qu'il a suscitées ont fait prendre conscience de la dimension patri- moniale des 45,8 ha du site. Renault, le premier, a décidé de ne pas refermer complètement sa page d'histoire. Dans le Trapèze, le constructeur automobile conservera le « Bâtiment X », conçu en 1922, ainsi que le « 57 Métal », livré par Claude Vasconi en 1985. Dans l'île Seguin, François Pinault a retenu un projet qui « reprend les lignes de force des bâtiments et s'inscrit dans la mémoire de l'île ». De même, les hypothèses d'implantation et de volumétrie produites par Grether et Desvignes s'inspirent du « souvenir de la forme » des édifices industriels, dont la médiocre qualité constructive interdit toute réhabilitation. Il s'agira notamment de réinterpréter le mur enveloppe et ses percements, réalisé par Laprade en 1945. De ses infrastructures, l'île ne conservera que le socle de 6 m hors d'eau, supporté par une multitude de pieux, ainsi que la promenade sur berge qui sera élargie sans mordre sur le fleuve. La trame urbaine devra, entre autres, réserver un espace intérieur singulier et ouvrir des vues traversantes. Selon les quatre scénarios proposés, l'espace public, mi-parc mi-place, d'environ 4 ha pourra se situer au coeur d'île, ou s'accolera au jardin des Sculptures de Tadao Ando.
Quant au programme, il pose un principe fondamental : il n'y aura pas d'habitat permanent dans l'île, ce qui, selon François Grether, « pèserait terriblement sur la symbolique de l'île », définie par la confrontation entre les arts et les sciences, qui en fait, selon François Barré, l'« île des deux cultures ».
Réservées à la rive droite, les opérations immobilières (800 000 m2 de droits à construire) s'inscriront dans le concept de ville-parc, en germe dans le plan de Fortier et repris par Jacques Ferrier et Patrick Chavannes. Depuis le parc de 7 ha situé en coeur de quartier, de larges coulées linéaires traversent les îlots du Trapèze jusqu'au fleuve. A cette porosité s'ajoute une exigence de mixité programmatique mêlant les différents modes d'occupation (bureaux, commerces, logements) pour garantir une meilleure flexibilité des usages. Traitée en large esplanade, la berge est conçue comme un outil urbain en prolongement du parc.
L'implantation de la Fondation Pinault, face au pont de Sèvres, a révélé la nécessité de réorganiser le quartier en porte d'entrée des terrains Renault : la future passerelle piétonne accédant à l'île partira du terminus du métro. En obtenant de la RATP le déplacement des arrêts de bus vers les bas-côtés, Christian Devillers supprime la cause majeure du dysfonctionnement du carrefour de la tête du pont. Sur la dalle du Forum, le projet s'inscrit dans une démarche de résidentialisation de l'immense front bâti par un retraitement des espaces collectifs. De nouveaux accès sont aménagés en forme de piazzas au pied des tours ou de passerelles piétonnes au-dessus de la rue du Vieux-Pont-de-Sèvres. Le retraitement de cette artère, qui marque la jonction des deux plans-masses, est encore à finaliser. C'est l'un des nombreux réglages qui restent à faire avant de passer à l'opérationnel pour cet immense projet dont la réalisation s'échelonnera, dit Jean-Pierre Fourcade, avec optimisme, sur deux mandats.
DESSINS :
Traitée en large esplanade, la berge de la rive droite est le point d'aboutissement des coulées vertes, qui trouveront leur prolongement sur l'île séguin par la réutilisation du pont à haubans.
MAQUETTES :
Sur le trapèze, l'équipe Chavannes-Ferrier décline le principe de la «ville-parc» par l'introduction de coulées vertes qui croisent le parc central de 7 hectares.
DESSINS ET MAQUETTES :
Ile Seguin : la promenade sur berge.
La juxtaposition des territoires d'études conforte le projet global.
La maquette de la Fondation Pinault, Tadao Ando, architecte.
Quatre scénarios de faisabilité des volumes pour l'ile séguin. de gauche à droite : un campus d'édifices ; un jeu de damiers entre îlots bâtis et non bâtis ; une place centrale ; des traversants longitudinaux avec une rue couverte.
PLAN : La grande esplanade de la tête du pont de sèvres constitue la nouvelle porte d'entrée de l'île Séguin, via la passerelle piétonne.