Situé à proximité du périphérique lillois (Nord), d'un canal d'amenée d'eau, des voies enterrées du TGV et des gares, le chantier du Shake - contraction de « share » et « work », partager et travailler - a presque retrouvé son rythme de croisière dans le quartier d'Euralille. Et heureusement car le planning est millimétré. Pas question de perdre une seconde de plus sur l'élévation des 14 niveaux réalisés à l'aide de deux grues insérées dans le bâtiment dont la toiture- terrasse s'élèvera en pente douce à partir du sol pour inciter à la promenade.

« J'ai finalisé un planning de 4 644 lignes, pour une livraison à la fin de l'année 2021. Les deux mois de retard imputables à l'épidémie devraient être absorbés en partie grâce aux six mois supplémentaires obtenus pour réaliser en plus l'aménagement intérieur », se félicite Eric Conratte, responsable du chantier chez Rabot Dutilleul Construction. Il a réorganisé le calendrier en déroulant l'ensemble des lots étage par étage afin de pouvoir détailler des dates de livraison aux différents preneurs qui s'y installeront. La base vie et le chantier étant suffisamment grands pour accueillir les compagnons dans le respect des mesures sanitaires préconisées par l'OPPBTP, le chantier a, dès le 27 avril, petit à petit retrouvé son visage d'avant-confinement, avec une centaine de personnes travaillant sur site.

10 000 m² SP de sous-sol. Le gros morceau que représentaient les travaux d'infrastructure avait pu, lui, être terminé fin 2019. Il a fallu dix mois de travaux, 850 t d'acier et 6 470 m3 de béton pour créer le sous-sol de 10 000 m² SP répartis sur deux niveaux à 7,50 m de profondeur. Le tout au milieu d'une nappe phréatique qui aura nécessité un rabattement de nappe de 200 m3 par jour.
Au total, 33 000 m3 de terre ont été ôtés en trois phases lors du terrassement, et 149 pieux de soutènement de 600 à 800 mm de diamètre pour 19 m de long ont dû être posés. Epais de 42 à 45 cm, les 350 m linéaires de parois constituant la coque de l'infrastructure ont été réalisés en béton projeté, également en trois phases.

Les parois, tout comme le radier de 5 500 m² et de 75 cm d'épaisseur (250 t d'acier et 2 270 m3 de béton) ont été couverts par cristallisation d'un revêtement étanche. « Une fois le sous-sol réalisé, il a fallu faire rentrer dans son plafond 15 km de réseaux pour l'ensemble des fluides : chemin de câbles, gaines et tuyauterie. Sans la maquette 3D, nous n'aurions pas réussi à tout caser », souligne Eric Conratte.

Vingt-deux jours par étage. Désormais, son casse-tête consiste à faire monter l'infrastructure à 56 m de hauteur au rythme de vingt-deux jours par étage. Pour gagner du temps, de nombreux éléments préfabriqués sont utilisés : poteaux, poutres, planchers alvéolaires sans dalle de compression, prémurs, etc.
En parallèle, le constructeur doit trouver des solutions afin qu'une petite aile, qui montera en R + 4 sur l'un des côtés de l'immeuble puisse être réalisée uniquement en charpente métallique pour obtenir l'effet visuel escompté par l'architecte.
Autre défi : faire en sorte que les 16 000 m² de façades créent un débord de plusieurs mètres de hauteur, ultra résistant, afin d'abriter les terrasses.

Exigences fortes des pompiers. La gageure est aussi de répondre aux exigences fortes des pompiers. Pour intervenir aisément sur ce lieu qui accueillera des publics hétéroclites (bureaux d'une banque, espaces de coworking, crèche, commerces, auditorium, restaurants, salle de fitness… ), les soldats du feu disposeront de deux colonnes humides sur lesquelles se brancher. Celles-ci seront progressivement mises en eau à l'avancée du gros œuvre. Une rampe spécifique leur permettra aussi d'accéder avec leur véhicule au R + 2 afin d'approcher le haut de l'édifice. « Une fois la verrière et le plancher chauffant posés, nous allons aussi allumer un grand feu pour vérifier le fonctionnement du désenfumage de la “place du village”, soit plus de 8 000 m3 d'air à déplacer », projette Eric Conratte.
Enfin, le constructeur devra également trouver un lieu où accueillir les nombreux compagnons présents en fin de travaux. Trois mois avant la fin du chantier, il lui faudra en effet démonter la base vie placée sur l'espace public afin que le parvis puisse être refait.