Lundi 7 novembre, Vinci avait annoncé sa convocation devant un juge d'instruction du parquet de Nanterre pour une "éventuelle mise en examen" dans le cadre d'une enquête ouverte après des plaintes d'ONG pour les conditions de traitement des ouvriers sur les chantiers menés par QDVC (Qatari Diar et Vinci Construction grands Projets) au Qatar.
L'annonce est tombée peu avant 18h ce mercredi 9 novembre : Vinci Construction Grands Projets (qui détient 49% de QDVC) a bien été mis en examen.
Parmi les chefs d'accusation retenus figurent notamment les "conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine", a précisé l'avocat de Vinci Construction Grands Projets, Me Jean-Pierre Versini-Campinchi à l'AFP.
Le représentant du groupe, lors de sa convocation devant le juge d'instruction, s'est "borné à exprimer une protestation portant sur l'insuffisance du délai consenti aux avocats pour élaborer les réponses utiles et le choix intempestif de la date à quelques jours de l'ouverture de la Coupe du monde de football", a encore déclaré Me Versini-Campinchi.
La filiale de Vinci a été "mise en examen selon les termes de la convocation", s'est félicitée pour sa part la directrice de l'ONG Sherpa Sandra Cossart, qui a ajouté qu'elle était aussi accusée de travail forcé et réduction en servitude.
Le dossier remonte à 2015, et une première plainte a été classée sans suite en 2018. Mais des plaintes avec constitution de partie civile émanant des associations Sherpa et Comité contre l'esclavage moderne (CCEM), ainsi que d'employés indiens et népalais de ces chantiers, ont entraîné l'ouverture d'une enquête par un juge d'instruction en novembre 2019.
Chantiers d'infrastructures
Trois chantiers sont décriés par les plaignants: celui du "métro léger" ralliant Doha à Lusail, ville nouvelle qui accueillera la finale de la Coupe du monde de football ; celui des parkings souterrains de Lusail ; ainsi que ceux du chantier de l'hôtel de luxe Sheraton, au cœur de Doha.
Selon les témoignages recueillis à l'époque par l'ONG Sherpa, les employés immigrés de Vinci sur certains chantiers ont dit avoir travaillé - passeport confisqué - entre 66 et 77 heures par semaine. Et ils auraient été entassés dans des chambres exiguës aux sanitaires insuffisants, percevant des rémunérations sans rapport avec le travail fourni, menacés de licenciement ou de renvoi dans leur pays en cas de revendications.
Dans son communiqué du 7 novembre, Vinci avait réaffirmé sa collaboration depuis 2015 "avec des organisations internationales indépendantes pour prévenir les risques d’atteinte aux droits humains" et assuré avoir été "proactif dans la mise en place de dispositifs efficaces de prévention des atteintes aux droits des travailleurs ainsi que dans la promotion et l’amélioration des conditions de vie et de travail des travailleurs migrants".
Des arguments qui n'ont semble-t-il pas convaincu le juge d'instruction.