Clause-filet : la FPI demande au gouvernement de revoir sa copie

Un recours gracieux a été déposé fin mai par la Fédération des promoteurs immobiliers et d’autres organisations professionnelles (Pôle Habitat FFB, USH et Unam), contre le décret du 25 mars 2022 relatif à l’évaluation environnementale des projets. Sans remettre en cause son principe, les professionnels demandent au gouvernement de clarifier le volet autorisations d’urbanisme du texte. Qui en l’état est source d’insécurité juridique pour l’ensemble des acteurs.

Réservé aux abonnés
clause-filet
Décret clause-filet : la FPI demande au gouvernement de revoir sa copie.

A peine publié, le décret qui instaure une « clause-filet » dans la procédure d’évaluation environnementale au cas par cas, notamment pour les « petits » projets immobiliers (en dessous de 10 000 m²), est déjà mis en œuvre par les services instructeurs des autorisations d’urbanisme. Quelques cas de demandes de permis d’aménager et de permis de construire ont été signalés à la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Les professionnels redoutent une activation fréquente du dispositif et le risque contentieux. Ce qui a conduit plusieurs organisations professionnelles à solliciter fin mai une modification du décret du 25 mars 2022.

Rappelons que ce texte tend à soumettre les projets situés en dessous des seuils réglementaires (rubrique 39 de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du Code de l’environnement pour les projets immobiliers) à une évaluation environnementale s’ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement et la santé humaine. La procédure est décrite dans un nouvel article R. 122-2-1 du Code de l’environnement.

Suspension des délais d'instruction

Pour permettre d’activer ce dispositif, le décret a prévu des dispositions d’articulation avec certaines procédures d’autorisation et de déclaration (loi sur l’eau, ICPE, sites inscrits et classés, défrichement, utilisation et occupation du domaine public maritime).

Les dispositions retouchées concernent principalement le contenu des dossiers et les délais d’instruction applicables aux projets visés par ces textes. Sur ce dernier volet, pour les procédures applicables aux demandes d’autorisation d’urbanisme en revanche, le texte reste muet.

En particulier, la suspension des délais d’instruction n’est pas expressément précisée dans l’hypothèse où le service instructeur décide d’activer le dispositif, alerte Anne-Laure Gauthier, avocate counsel au sein du cabinet Lacourte Raquin Tatar. « Comme le décret est silencieux sur ce point, il n’est pas possible de savoir avec certitude quel article du Code de l'urbanisme relatif à l’instruction des permis de construire s’applique. La logique serait de faire jouer l’article R. 423-37-3 récemment mis en place pour coordonner la procédure du permis de construire avec celle de l’enregistrement ICPE. Mais dans le silence du texte, cette solution ne peut être garantie ». Rappelons que cet article, pris en application de la loi Asap, permet une suspension des délais d’instruction lorsqu’il apparaît que le projet est soumis à évaluation environnementale et que le dossier de demande d’autorisation de construire doit être complété par une étude d’impact.

Refus tacite

« Si l’on doit rester dans le régime plus général de l’instruction des permis de construire (art. R. 423-39, NDLR), cela signifie que les pièces manquantes (la dispense d’évaluation environnementale ou l’étude d’impact si l’évaluation est prescrite) devront être adressées dans les trois mois. A défaut, la demande fera l’objet d’un rejet tacite », s’inquiète l’avocate.

« C’est précisément ce que l’on souhaitait éviter à travers les propositions que nous avions formulées lors de la consultation du projet de décret en suggérant une suspension du délai d’instruction comme cela est prévu pour les autres autorisations », confie Bérengère Joly, directrice juridique de la FPI. « Un rejet tacite, ce n’est pas neutre. Cela signifie le dépôt d’un nouveau dossier ce qui peut avoir des conséquences sur le projet et sa conception : les réglementations techniques peuvent avoir changé, le PLU peut avoir évolué ». Et dans le contexte du ZAN, « la pression pèse aussi sur les élus », abonde Anne-Laure Gauthier.

Caractère exceptionnel du dispositif filet

Autre inquiétude des parties prenantes : celle du contentieux sur l’autorisation délivrée si le dispositif n’a pas été actionné. Bérengère Joly précise que l’Etat, dans une première note de présentation du projet du décret, avait rappelé « le caractère exceptionnel » de ce dispositif. Mais « ce caractère exceptionnel, que l’on avait suggéré d’inscrire dans le texte, n’y figure pas. La crainte est que, dans le doute, le service instructeur active ce dispositif trop souvent. Or, si la clause-filet est trop actionnée, cela signifie que les seuils ne sont plus pertinents ».

Sur le volet urbanisme, « nous sommes dans un flou juridique ; le texte n’est pas intelligible. Nous demandons donc au gouvernement de compléter le décret conformément aux propositions que nous avions formulées dans le cadre de la consultation. Une clarification des procédures d’urbanisme est indispensable ».

Purger le dispositif filet

Dans l’attente de la réponse de l'exécutif (fin juillet), Anne-Laure Gauthier ne saurait que trop conseiller aux acteurs d’anticiper au maximum pour sécuriser leurs projets : « A partir du moment où le porteur de projet va avoir un doute sur son projet, soit parce que l’opération fait 9 000 m², soit parce qu’elle est située à proximité d’une zone sensible (zone humide ou boisée et pouvant accueillir des espèces protégées ou au contraire zone ayant accueilli des activités polluantes par le passé…), la prudence commande de préparer un dossier d’examen au cas par cas afin de "purger" ce dispositif filet ».

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires