CNR Logement : ce que les promoteurs et bailleurs en attendent

Les professionnels attendent des mesures d’urgence pour désamorcer la « bombe sociale » ainsi que des actions de refondation, dont les résultats concrets se verraient d’ici plusieurs années. Deux promoteurs et un bailleur social présentent leurs idées, en attendant les conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement, le 5 juin.

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Philippe Pelletier, président du directoire d'Habitat & Humanisme.
Philippe Pelletier, président du directoire d’Habitat & Humanisme, souhaite que refondation de la politique du logement rime avec décentralisation.

« Il est très compliqué d’engager une refondation en pleine crise, puisque celle-ci appelle des actions de court terme et non de refondation » pour désamorcer la « bombe sociale », regrette Philippe Pelletier, président du réseau HLM Habitat & Humanisme, à propos des conclusions du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement que le gouvernement doit présenter le 5 juin.

Contexte : promoteurs, entreprises de bâtiment et autres professionnels du secteur traversent une tempête qui pourrait durer jusqu'en 2025, selon la Fédération française du bâtiment (FFB). En cause : la hausse à deux chiffres des coûts de construction depuis 2021, le surcoût de la RE 2020 (de 5 à 7% pour la maison individuelle selon la FFB) ou encore la remontée des taux d’intérêt des crédits immobiliers (de 1,14% en moyenne en mars 2022 à 2,56% en mars dernier selon la Banque de France) qui désolvabilise les clients particuliers des promoteurs et refroidit les investisseurs institutionnels. Conséquence, les ventes s’écroulent.

Les organismes HLM, eux, se disent fragilisés par la hausse du taux du Livret A - qui finance le logement social - de 0,5% en janvier 2022 à 3% aujourd’hui. De quoi remettre en cause les objectifs de production neuve et de décarbonation du parc existant.

Construire plus de logements intermédiaires

En complément des mesures d’urgence, dans la lignée du plan de sauvetage du bailleur CDC Habitat, Jacques Ehrmann, directeur général du promoteur Altarea, attend des actions qui auront des effets à moyen terme. Exemple ? Que le logement intermédiaire devienne « une catégorie à part entière, qui ne compte pas ni comme du logement social ni comme du logement libre » dans la production neuve. En France, il faut construire un logement social pour quatre logements neufs.

Ainsi les maires - qui délivrent les autorisations - favoriseraient la montée en puissance de ce produit destiné aux classes moyennes exclus du parc social, dont le rythme annuel de mises en chantier va légèrement baisser - pour la première fois depuis sa création en 2014 - à 20 000 cette année, contre 21 000 en 2022, selon BPCE.

Généraliser l’accession aidée pour les classes moyennes…

En ce qui concerne l’accession, Jacques Ehrmann milite pour une loi sur les bonnes pratiques « des villes communistes de la première couronne parisienne comme Montreuil et Bagneux », qui favorisent « les prix abordables, en dessous du marché ».

Actuellement, une commune ou intercommunalité peut vendre à un promoteur une partie d’un terrain à prix réduit. En contrepartie, ce dernier vend certains logements à un prix inférieur à ceux du marché libre. Souvent réservées aux primo-accédants, ces opérations ne sont pas encadrées au niveau national.

…et la Vefa plafonnée où la production est en panne

Dans le social, Lyon, Marseille et Toulouse ne plafonnent pas les prix de la Vente en l’état futur d’achèvement (Vefa), contrairement à Bordeaux, Le Mans, Montpellier, Nantes, Nice ou encore Strasbourg, selon Habitat & Humanisme.

« Dans un contexte où l’accession à la propriété est tendue, généraliser la Vefa plafonnée peut être contreproductif, souligne Catherine Roubaud, sa responsable de la politique de l’habitat. Elle peut être un facteur d’inflation des prix du logement en accession et pourrait constituer un risque, pour certains promoteurs, de renoncer à des opérations. »

Et dans les territoires où la production sociale est en panne ? « La Vefa plafonnée fonctionne bien et c’est un véritable levier pour produire une offre sociale et très sociale. Ce qui nous semble primordial, c’est que la collectivité parvienne à trouver un juste équilibre entre subventions publiques et/ou Vefa plafonnée », observe-t-elle.

Et d’ajouter : « Cela ne relève pas forcément du domaine législatif mais plus de la volonté politique locale et de la pédagogie des acteurs du logement pour faire connaître son utilité et bien maîtriser ses avantages et ses éventuels risques. » 

Permis délivrés par les préfets

Parmi les autres mesures dont les résultats ne se ressentiraient pas dans l’immédiat, citons cette idée d’un dirigeant d’une société de promotion immobilière qui réalise 300 logements par an : « Que les préfets délivrent les permis de construire, et non plus les maires qui font tout pour que les opérations ne sortent pas. Dans la métropole de Nantes qui accueille près de 9 000 nouveaux habitants par an, les promoteurs construisent 2 000 logements sur une bonne année, alors que le plan local de l’habitat (PLH, qui court jusqu’en 2025, NDLR) table sur 6 000 par an (dont 2 000 logements sociaux, NDLR). »

Aussi ambitieux, Philippe Pelletier, d’Habitat & Humanisme, veut que refondation rime avec désengagement de l’Etat : « Il faut passer le flambeau aux intercommunalités. Cela supposerait un transfert des ressources, par exemple avec une TVA immobilière, un impôt dynamique lié aux travaux de construction et de rénovation lourde sur le territoire, qui remplacerait la taxe foncière, un impôt statique. » Roulement de tambours jusqu’au 5 juin.

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