A l’heure où le Sénat s’apprête à examiner en première lecture le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), le groupe de travail commun à la commission des lois et à la commission des finances vient de rendre public son rapport consacré aux outils fonciers (cliquez ici). Le constat est sévère : l'extrême complexité des dispositifs, leur articulation difficile, l'accumulation des normes d’urbanisme, les faiblesses et les contradictions de certains mécanismes entravent les politiques foncières des collectivités.
Quelques exemples : la succession des études d’impact allonge le temps de l’aménagement (4 années de plus en 15 ans), tandis que la fiscalité d’Etat freine les initiatives des collectivités locales. Celles-ci disposent pourtant d’outils propres mais peu utilisés : en 2012, seuls 6184 communes et 4 EPCI ont institué la taxe forfaitaire sur la cession des terrains rendus constructibles et aucune délibération n’a été prise pour instituer la taxe « Grenelle 2 ».
Une planification plus cohérente
Le rapport émet donc 25 propositions pour rendre la planification plus efficace. Certaines sont déjà connues ou éprouvées. Il plaide pour la mise en place d’un schéma de cohérence territoriale (Scot) plus prescriptif et d’un schéma régional intégrateur, par exemple le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT). Cela conforterait le rôle de la région en matière d’aménagement du territoire. Quant au PLU intercommunal (PLUI), adopté par l’Assemblée nationale en première lecture mais qui soulève toujours autant d’inquiétudes de la part des maires, les rapporteurs estiment qu’il « constitue une démarche pertinente, nécessitant un temps d’appropriation ». Aussi souhaitent-ils que la mise en place des PLUI soit différée, en laissant aux maires leur pouvoir d’initiative et de veto.
Sur le plan contentieux, si les rapporteurs donnent satisfecit au gouvernement dans sa lutte contre les recours abusifs déposés contre les permis de construire ou d’aménager (l’ordonnance du 18 juillet qui encadre l’intérêt à agir, à la fois dans le temps et dans l’espace, est entrée en vigueur le 19 août), ils proposent de spécialiser les juges de l’expropriation dans le ressort de chaque cour d’appel. Cela permettrait de « professionnaliser » la fixation de l’indemnité. Enfin, souscrivant au rapport du Conseil d’Etat sur la modernisation du droit de préemption, les rapporteurs souhaitent, en outre, que soient abondés des fonds régionaux de couverture d’augmentation du coût des terrains acquis par le biais du droit de préemption en cas de contentieux.
Dispositif fiscal trop méconnu
Le rapport fustige l’instabilité de la règle fiscale, favorisant la rétention du foncier. Dosant habilement les mesures politiques et techniques, il préconise un moratoire d’une durée minimale de cinq ans entre chaque réforme de taxation des plus-values immobilières. Compte tenu des grandes incertitudes quant à l’efficacité des mesures de « choc foncier », qu’elles soient incitatives ou pénalisantes, deux orientations sont proposées : privilégier un régime d’imposition simple et lisible pour le contribuable ; éviter tout transfert du poids de l’impôt foncier des résidences secondaires et terrains nus vers les résidences principales.
Les collectivités locales disposent d’outils fiscaux nombreux, mais complexes et mal connus (exemple : la taxe sur les friches commerciales, art. 1530 du Code général des impôts). Une identification des « bonnes pratiques », utilisant les dispositifs existants, comme la sectorisation de la taxe d’aménagement, s’avère donc nécessaire. Encore faut-il que l’Etat fournisse, en temps utile, toutes les simulations nécessaires aux délibérations des collectivités locales !
A côté du volet fiscal, le volet institutionnel tient également une place importante dans ce rapport qui propose, pêle-mêle :
- la clarification de la consultation préalable de France Domaine ;
- la création d’un outil national interministériel d’observation du foncier ;
- une réforme de la carte des établissements publics fonciers(EPF), favorisant l’échelle départementale pour les EPF locaux.