Encore sous le choc de la canicule de la fin du mois de juin 2019, la question de savoir comment concevoir la ville pour supporter les fortes températures était d’actualité au congrès Bâti'Frais qui s’est tenu à Marseille début juillet. À l’évidence, l’arbre et le végétal sont au cœur du sujet. L’ingénieur forestier Ernst Zürcher, professeur en sciences du bois à Berne et aux Écoles polytechniques de Lausanne et Zurich, a décrit par le menu le fonctionnement des arbres et des forêts.
Quelles leçons tire-t-il de ses observations et études ? Par les effets d’évapotranspiration, ils écrêtent les températures, produisent un ombrage bien plus efficace que n’importe quel procédé technique, amortissent les phénomènes d’îlot de chaleur… Sans oublier les bienfaits en termes psychologiques ou de développement de la biodiversité…
Utiliser les arbres dans les constructions
Depuis 2007, date de la conception de la première tour-forêt à Milan, le cabinet d’architecture milanais Stefano Boeri a véritablement conquis la planète par son utilisation intensive de l’arbre et de la forêt dans ses constructions. À tel point que ce mode de construction qui intègre d’imposants bacs à arbres en porte-à-faux en bout de dalle, jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de haut, paraît sans limite.
En région parisienne, un projet est en cours au pied de la future gare de métro de Bry-Villiers-Champigny. Baptisé Forêt Blanche, cette tour en bois de 54 m de hauteur sera ceinturée de 400 arbres dans de méga-jardinières d’une surface totale d’environ un hectare. Les architectes ont aussi imaginé les nouveaux quartiers verts de Tirana, en Albanie, ainsi que les futures villes-forêts chinoises de Liuzhou et de Shijiazhuang.
En présentant ces réalisations et projets, l’architecte Anastasila Kucherova ne manque jamais de préciser leurs principaux apports environnementaux : le carbone évité, la production d’oxygène, l’évapotranspiration…, mais aussi l’organisation urbaine – transport, énergie… – et la maintenance des bâtiments. Comment tailler ces arbres à 50 m de haut ? Comment leur apporter eau et nutriment ? Généralement, trois circuits sont installés : un alimenté par l’eau pluviale, un deuxième par les eaux usées du bâtiment et le troisième par la nappe phréatique.
Choisir le low-tech
Est-il nécessaire de pousser la conception dans ces limites ? Non, pour Thierry Rieser, gérant de la coopérative Enertech prouve qui présentait son retour d’expérience sur de nouveaux bureaux LowCal, construits à Pont-de-Barret (Drôme). Ce siège social de 600 m² basse consommation d’énergie (E4C2, selon l’ancien référentiel) met en œuvre tous les matériaux écologiques disponibles localement : structure bois, paille, balle de riz, ouate de cellulose, chanvre et béton de chanvre, chaux, terre crue… Seul le plancher du sous-sol est traité avec du matériau non biosourcé : 24 cm de polystyrène extrudé. Les menuiseries triple vitrage totalisent 17 % de la surface construite, sans grandes baies, 44 % sont orientées au sud, protégées par des brise-soleil orientables. La ventilation est assurée par des unités double-flux décentralisées, préférées à une unité centralisée moins performante en raison de la perte de rendement par le réseau de gaines.
28,5 °C pendant la canicule de juin 2019
Les résultats sont là : la moitié du temps de l’année, la température ne dépasse jamais les 25 °C. Et durant la canicule de fin juin dernier, le thermomètre a tout juste atteint les 28,5 °C. En clair, cette structure minérale et très isolée assure l’inertie thermique. « Pour parvenir à ce résultat, la simulation thermique dynamique est indispensable », indique Thierry Rieser, d’ailleurs satisfait d’avoir pu innover en intégrant la terre crue dans ce calcul : l’ouvrage en contient 30 t !