Commande publique : ce que prévoit le projet de décret de simplification

Pérennisation du seuil de 100 000 euros en marchés publics de travaux, hausse de la part de prestations confiées à des petites entreprises ou des artisans dans les marchés globaux et baisse du taux de retenue de garantie dans les marchés passés avec des PME... Voici trois des principales mesures du projet de décret mis en consultation jusqu’au 19 novembre par la Direction des affaires juridiques de Bercy.

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La DAJ de Bercy publie un projet de décret pour simplifier la commande publique.

« Simplifier l’accès des entreprises à la commande publique » et « assouplir les règles d’exécution financière des marchés publics », voici les objectifs du projet de décret publié ce mardi 5 novembre par la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Economie et des Finances. Le texte est soumis à la consultation du public jusqu’au 19 novembre 2024, Bercy souhaitant une entrée en vigueur de ses dispositions au plus tard le 1er janvier 2025.

Pérenniser le plafond de 100 000 euros pour les marchés de travaux sans formalités

A commencer par celle visant à entériner le seuil de 100 000 euros en-deça duquel des marchés publics de travaux peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence. Ce plafond, supérieur à celui applicable aux marchés de services et de fournitures (40 000 euros), est actuellement en vigueur à titre temporaire et doit en principe prendre fin le 31 décembre 2024 (décret n° 2022-1683 du 28 décembre 2022 portant diverses modifications du Code de la commande publique).

A noter que cette mesure a également été introduite par amendement dans le projet de loi de simplification de la vie économique (SVE) adopté en première lecture par le Sénat le 22 octobre dernier. Toutefois, les seuils de procédure et de mise en concurrence des marchés figurant dans la partie réglementaire du Code de la commande publique (art. R. 2122-8 du CCP), il est possible de se contenter d’un décret pour les modifier.

Augmenter le quota PME

Le projet de décret prévoit également de rehausser à 20 % (contre 10 % actuellement) le quota PME applicables aux marchés globaux et aux marchés de partenariat. Pour mémoire, le Code de la commande publique impose aux titulaires d'un marché de partenariat (art. R. 2213-5), et, depuis la loi Asap de 2020, à ceux d’un marché de conception-réalisation ou d’un marché global de performance (art. R. 2171-23), de confier, directement ou indirectement, à des PME ou à des artisans une part minimale du montant prévisionnel du contrat. Cette obligation ne joue pas si « la structure économique du secteur concerné ne le permet pas », ni, s’agissant des marchés globaux, si le titulaire est lui-même une PME ou un artisan.

Le relèvement du taux s’appliquerait également aux concessions, étant précisé qu’il revient alors au concédant d’imposer un tel quota à son cocontractant (art. R. 3114-5 ). 

Baisser la retenue de garantie pour les PME

Autre taux modifié : celui du montant maximal pouvant être retenu à titre de garantie dans le cadre d’un marché public ou d’une concession passé avec une PME. Il est proposé d'appliquer le taux de 3 %, qui est celui en vigueur pour l'Etat, aux marchés des établissements publics administratifs de l'Etat (à l'exception des établissements de santé) et à ceux des collectivités « dont les dépenses réelles de fonctionnement constatées dans le compte de gestion du budget principal au titre de l’avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d’euros ». Les autres acheteurs publics continueraient de pouvoir aller jusqu’à 5 % (R. 2191-33 du CCP).

Cette mesure relative aux retenues de garantie avait été annoncée par le précédent exécutif dans le cadre de son plan de simplification présenté en avril dernier.  Ledit plan, qui se compose du projet de loi SVE et d’un panel de mesures réglementaires, envisageait également de porter à 30 %, contre 10 % actuellement, le taux minimal d’avances devant être versé par les collectivités territoriales au titulaire d’un marché public.

Faciliter le remboursement des avances

Toutefois cette disposition ne figure pas dans le projet de décret. Celui-ci prévoit uniquement, afin de donner davantage de souplesse aux pouvoirs adjudicateurs, de supprimer la règle selon laquelle lorsque le montant de l’avance est inférieur à 80 % du montant du marché, son remboursement doit être terminé lorsque le montant des prestations exécutées atteint 80 % du montant du marché (art. R. 2192-12 du CCP).

De sorte que ne s’appliquerait que l’article R. 2192-11 du CCP qui prévoit que le « remboursement de l'avance s'impute sur les sommes dues au titulaire, selon un rythme et des modalités fixées par les clauses du marché, par précompte sur les sommes dues à titre d'acomptes, de règlement partiel définitif ou de solde ». Il précise également que dans le silence du marché, le remboursement débute quand le montant des prestations exécutées atteint 65 % du montant TTC du marché débute pour les avances inférieures ou égales à 30 % du montant TTC du marché et à la première demande de paiement pour les avances supérieures à 30 % du montant TTC du marché. 

Uniformiser les règles en matière de délais de paiement des travaux et des sous-traitants

Le texte en consultation comporte aussi des mesures en matière de paiement des marchés publics de travaux ou de maîtrise d’œuvre. Il est prévu d’étendre aux établissements publics industriels et commerciaux la règle de l’article R. 2192-16 du CCP selon laquelle le délai de paiement du solde « court à compter de la date de réception par le maître de l’ouvrage du décompte général et définitif ».

De même le projet de décret souhaite préciser que l’article R. 2192-23 du CCP, prévoyant que « le délai de paiement du sous-traitant court à compter de la réception par le pouvoir adjudicateur de l’accord, total ou partiel, du titulaire » du marché concerne lui aussi tous les acheteurs soumis au CCP.  Aujourd’hui, ces deux articles ne s’appliquent qu’à l’Etat et ses établissements publics ayant un caractère autre qu’industriel et commercial, ainsi qu’aux collectivités et leurs établissements.

Favoriser le versement des primes de concours

Bercy entend également compléter l’article R. 2172-4 du CCP relatif au paiement des primes dans les marchés de maîtrise d’œuvre. Cet article dispose que les candidats qui « ont remis des prestations conformes au règlement du concours bénéficient d’une prime ».

Il est envisagé « d’instaurer un délai de déclenchement du paiement », indique Bercy, en précisant qu’en l’absence de réunion du jury les candidats peuvent adresser leur demande de prime à l’acheteur dans les trois mois suivant la remise de leur offre ou « le cas échéant, à compter de la date à laquelle l’acheteur a déclaré le concours sans suite ». 

Modifier le candidat ou le groupement en cours de procédure

Le projet de décret fixe les conditions dans lesquelles « l’identité d’un candidat ou la composition d’un groupement d’opérateurs économiques peut être modifiée dans le cadre des marchés passés selon la procédure avec négociation ou un dialogue compétitif ». Ainsi le texte prévoit que l’acheteur peut autoriser, entre la date de remise des candidatures et la date de signature du marché, un candidat à se constituer en groupement avec un ou plusieurs candidats invités à négocier ou à participer au dialogue ou avec un ou plusieurs opérateurs économiques aux capacités desquels il a eu recours. L’acheteur peut également « autoriser le groupement qui en fait la demande à modifier sa composition ».

Dans ces deux cas, il faut que la modification « ne porte pas atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats ni à une concurrence effective entre ceux-ci ». De plus, il devra être démontré que « le groupement dispose des garanties économiques, financières, techniques et professionnelles exigées par l’acheteur pour participer à la procédure ».

En outre, le texte « améliore également la rédaction des dispositions concernant la possibilité pour l’acheteur d’exiger une forme juridique pour les groupements » peut-on lire dans la notice explicative de Bercy.

Durcir la modification du contrat pour prestations supplémentaires

Par ailleurs, le ministère ajoute une condition supplémentaire pour pouvoir modifier un marché ou une concession en cours d’exécution en cas de travaux, fournitures ou services supplémentaires. Hormis le fait que le changement de titulaire « soit impossible pour des raisons économiques ou techniques tenant notamment aux exigences d’interchangeabilité ou d’interopérabilité », il faudrait en outre qu’il présente « un inconvénient majeur » ou entraîne « une augmentation substantielle des coûts » pour l’acheteur.

Autoriser les accords-cadres « hybrides »

Le texte prévoit également de permettre qu’un accord-cadre multi-attributaire à bons de commandes puisse donner lieu, pour une partie des prestations, à des marchés subséquents conclus après remise en concurrence. Le projet de décret fixe trois conditions : que cette possibilité soit expressément prévue dans les documents de la consultation, que des critères objectifs déterminant le choix de recourir à des marchés subséquents soient définis, et que les termes de l’accord-cadre concerné par la remise en concurrence soient clairement visés. Bercy indique qu’il s’agit de la transposition d’une disposition de la directive « marchés publics » de 2014 (art. 33).

Rejeter les offres hors UE

Bercy vient aussi préciser les conditions de mise en œuvre de la possibilité pour les entités adjudicatrices de rejeter une offre contenant une part majoritaire de produits provenant d’un pays tiers à l’Union européenne et avec lequel aucun accord de réciprocité à l’accès aux marchés publics n’a été conclu. Cette faculté, prévue par la loi relative à l’industrie verte du 23 octobre 2023 (art. 29), s’applique aux marchés de fournitures et aux marchés de travaux de pose et d’installations de fournitures. Le projet de décret indique que les entités adjudicatrices doivent se référer aux articles R. 2153-3 à R. 2153-5 du CCP pour user de cette possibilité.

Relever le seuil des marchés innovants de défense et de sécurité

Enfin, le projet de décret passe à 300 000 euros hors taxes le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence pour les marchés innovants de défense ou de sécurité. Pour l'heure, c'est le seuil de droit commun de 100 000 euros (R.2122-9-1 du CCP) qui s'applique à ces marchés publics. 

Le projet de décret comporte aussi trois mesures de clarification.

La première vise à préciser que les dispositions relatives aux marchés publics conclus à prix définitifs (art.R.2112-7) sont applicables à tous les acheteurs soumis au CCP. 

La deuxième rectifie un renvoi à l’article R.3121-6 du CCP relatif à la possibilité de passer un contrat de concession sans formalités dans le cas où seules des offres inappropriées ont été remises.

La troisième pour actualiser les dispositions relatives aux moyens de preuve de l’absence de motifs d’exclusion (L.2141-1), notamment en vue d’intégrer le nouveau cas pour manquement aux obligations du Code du travail relatives au travail illégal créé par une loi de 2023.

Projet de décret portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique

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