L’immobilier est touché, mais pas coulé. Sur fond d’inflation (5,8% en France ; 9,1% dans la zone euro) et de remontée des taux directeurs, « la deuxième récession en moins de trois ans, en raison de décisions politiques pour sauver les valeurs démocratiques, affecte l’activité locative et l’activité d’investissement en immobilier », analyse Pierre Schoeffler, conseiller en chef à l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF), à l’occasion d’un webinaire sur la conjoncture, le 8 septembre.
Par effet ricochet, la prime de risque d’illiquidité - quand un investisseur ne trouve aucun preneur, même en bradant son bien - devient plus élevée.
Quid de la crise énergétique ? Le besoin d’efficacité énergétique et de rénovation thermique des bâtiments tertiaires et résidentiels grandit, ce qui tend « la prime de risque d’obsolescence climatique spécifique à chaque actif », explique-t-il. En témoigne la décote de 4% observée en 2020 sur les prix des appartements étiquetés F ou G dans les première et deuxième couronnes franciliennes, par rapport à un bien D. Pour rappel, la loi Climat et Résilience prévoit une interdiction de mise en location des logements G en 2025, F en 2028 et E en 2034.
L’inflation va soutenir « la croissance des revenus locatifs »
Le tableau n’est toutefois pas totalement noir. « L’inflation apporte de la dynamique à la croissance des revenus locatifs, mais de façon différenciée selon les segments immobiliers et à condition (…) que les locataires disposent de revenus aussi indexés sur l’inflation. »
Bémol : une hausse généralisée des salaires, souhaitée par des syndicats mais pas mise en œuvre pour le moment, conduirait les employeurs à augmenter leurs prix afin de ne pas réduire leurs marges, faisant craindre une spirale inflationniste comme dans les années 1970.
Avec une inflation à long terme de l’ordre de 5%, la croissance des revenus locatifs à long terme pourrait s’établir « autour de 8% », anticipe Pierre Schoeffler. Et de rappeler : « La forte inflation dans les années 1970 montre que le rendement locatif croît de moins en moins vite au fur et à mesure que les taux d’intérêt montent. L’immobilier est en effet un actif réel à la différence des obligations. Ses prix sont contraints à la baisse par la rareté du foncier et les loyers contraints à la hausse par la solvabilité des agents privés. »
Investissements en baisse au deuxième semestre
Dans ce contexte, « les taux de vacance vont augmenter où la demande locative est faible et les loyers augmenter où la solvabilité des occupants est élevée », assure Pierre Schoeffler.
Quant aux volumes d’investissement, ils devraient baisser. « Après une année 2021 historique en Europe avec près de 350 Mds € investis puis un recul des grandes transactions à cause de la hausse du coût de la dette au premier semestre, le second semestre sera moins dynamique, au regard des transactions en attente de signature (leur nombre est deux fois moins élevé qu’au premier semestre, NDLR) », anticipe Irène Fossé, directrice recherche et stratégie de la société de gestion AEW, qui a également livré son analyse lors du webinaire.
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Alors que « la hausse des coûts de construction et celle du foncier vont limiter l’offre neuve », poursuit-elle, il faut s’attendre à ce que le résidentiel et la logistique demeurent les valeurs sûres de la planète immobilière.
En témoigne leur taux de croissance locative prime moyenne en Europe, de 2022 à 2026 : +2,6% pour les logements, +2,4% pour les entrepôts, quand les bureaux afficheraient une faible croissance (+1,2%) et les commerces stagneraient. La plus forte progression des loyers prime serait observée dans les locaux d’activité (+3,2%).
En Ile-de-France, la demande placée de bureaux devrait quant à elle repasser la barre des 2 millions de m² en 2025. Un niveau qui se rapprocherait de celui des années pré-Covid (2,3 millions de m² commercialisés en moyenne entre 2014 et 2019). Quant au taux de vacance, à son plus haut historique actuellement (7,4%), il devrait frôler les 8% en 2024 avant de redescendre lentement.