Comment vivre dans une ville à 50°C

Tout juste créé, le Booster de l'adaptation aux vagues de chaleur vise à trouver des solutions pour vivre dans un climat fortement perturbé. 

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A Paris, le 19 juillet 2022, le thermomètre affichait 44°C. Un enjeu de santé publique qui demande de s'adapter.

À l’Académie du climat (Paris IV), la salle des fêtes faisait salle comble ce 10 avril 2025. Plus de 300 professionnels du bâtiment y étaient réunis à l’occasion du lancement du Booster de l’adaptation aux vagues de chaleur baptisé « Nos villes à 50°C », porté par A4MT.

Quelques éléments de contexte d’abord. En 2023, le Gouvernement a défini une Trajectoire de Réchauffement de référence pour l’Adaptation au Changement Climatique (TRACC), qui sert également de socle aux actions du troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3) présenté ce 10 mars 2025 par le gouvernement. Dans ce cadre, Météo-France a été chargée de produire les données et les indicateurs climatiques décrivant le climat et ses aléas pour 2030, 2050 et 2100.

Dévoilé le 20 mars dernier, un autre rapport est édifiant : il décrit les conséquences des simulations des températures et des précipitations dans une France à + 2 °C en 2030, + 2,7 °C en 2050 et + 4 °C en 2100, par rapport à 1900. Fait marquant : l’Hexagone connaitra dix fois plus de jours de vague de chaleur à l’horizon 2100, avec des records de températures qui pourraient atteindre 50 °C localement. Des évènements qui seront corrélés à des sécheresses et à des feux de forêts de plus en généralisés.

Adapter le bâti au plus vite

Pour anticiper l'adaptation à ces conditions de vie extrêmes, l’objectif du collectif « Nos villes à 50 °C » est double. Il vise à répondre à un enjeu sanitaire, en protégeant les citoyens les plus fragiles contre les canicules, ce qui implique d’adapter le bâti existant au plus vite. Et à répondre à un enjeu énergétique, en favorisant des solutions bioclimatiques pour éviter la prolifération de systèmes de climatisation. L'idée est de créer une cellule d'expertise opérationnelle qui dope des opérations concrètes et des initiatives pilotes en s'assurant de leur compatibilité avec la trajectoire climatique nationale.

Pour ce faire, le booster réunit des collectivités, aménageurs, bailleurs sociaux, promoteurs, cabinets d’architecture et sociétés d’ingénierie, entreprises de travaux et industriels, parmi lesquels l’EPA-Marne, le Cerema, l’Ifpeb, le Cibi, Seqens, CDC Habitat, etc. « Nous allons d’abord cartographier les projets neufs et de rénovation qui mettent en œuvre des solutions, le plus souvent low tech et passives et nous appuyer sur des retours d’expériences. Puis nous définirons des « actions sans regret », c’est-à-dire des solutions éprouvées qui fonctionnent, comme l’installation de volets extérieurs. Ensuite, nous allons expérimenter, et dans ce cadre lancer un appel à innovation », explique Christophe Rodriguez, directeur général adjoint d’A4MT.

L’exemple de Paris

Pour anticiper la gestion de crise, nous avons simulé une canicule à 50 °C dans deux arrondissements de Paris

—  Penelope Komités, adjointe à la maire de Paris chargée de l’innovation, de l’attractivité, de la résilience et de la prospective Paris 2030

En la matière, le territoire francilien, et plus précisément la ville de Paris, qui fut la première à rejoindre cette initiative, fait figure de précurseuse. D’autant qu’elle est particulièrement touchée par le réchauffement de par son environnent urbain dense. « Pour anticiper la gestion de crise, nous avons simulé une canicule à 50 °C dans deux arrondissements de Paris, lors desquels nous avons fait jouer des parisiens, enfants comme personnes âgées, en les sortants des collèges ou des maisons de retraite pour les emmener dans des lieux frais comme des parkings ou des tunnels de la petite ceinture », indique Penelope Komités, adjointe à la maire de Paris chargée de l’innovation, de l’attractivité, de la résilience et de la prospective Paris 2030.

Mais avant d’en arriver là, des solutions existent. « Nous allons partager ce que nous savons déjà faire, comme les cours Oasis, l’isolation thermique par l’extérieur, la mise en place d’ombrières, de brasseurs d’air, etc… et défricher d’autres sujets que nous connaissons moins », projette Caroline Haas, directrice constructions publiques et architecture à la ville de Paris.

Diagnostiquer, expérimenter, mesurer

S’adapter implique d’abord de diagnostiquer le parc immobilier. Le bailleur social CDC Habitat, filiale de la Caisse des dépôts, qui a elle aussi rejoint le booster, l’a bien compris. « Nous mettons en place une cartographie de la vulnérabilité de notre patrimoine aux aléas climatiques et aux chaleurs extrêmes. Pour les ensembles immobiliers considérés comme les plus vulnérables, nous avons construit une méthodologie interne de diagnostic qui permet de mettre en place un programme de travaux adéquat à l’adaptation de ces logements », explique Clément Lecuivre, directeur général de CDC Habitat.

Reste ensuite à mener les expérimentations. À ce sujet, l’exemple des toits parisiens est notable. « 75 à 80 % des toits parisiens sont en zinc ou en pente selon les chiffres de l’Apur. Or, sous ces toits, l’habitabilité est difficile, avec des températures insoutenables en été même sans canicule. Leur adaptation devient un enjeu primordial, et nous avons commencé à y travailler avec la mise en œuvre de sur-toiture végétalisée sur l’Académie du climat, un concept développé par la jeune pousse Roofscapes, avec des résultats probants », assure Penelope Komités.

Une autre méthode qui fonctionne, le sarking, implique de surélever la toiture d’une dizaine de centimètres pour y glisser un isolant. « Si personne n’a envie de dénaturer le patrimoine parisien, il va falloir que les ABF et l’Etat revoient leur copie », assène l’adjointe à la maire. Même problème pour les solutions à base de peinture blanche qui permettent d'abaisser la température des espaces sous les toits de 2 à 6 °C. Dans ce cadre, Penelope Komités annonce le lancement d’un appel à projet international pour recenser les typologies de toitures (en zinc et tuiles) et mettre au point des solutions spécifiques.

La ville de Paris puisqu’elle s’apprête à mener une campagne de pose de sonde pour documenter comment le patrimoine bâti réagit en été et trouver des solutions en fonction des typologies

—  Caroline Haas, directrice constructions publiques et architecture à la ville de Paris

Pour vérifier l’impact de ces expérimentations et les généraliser, les résultats seront mesurés, en amont et a posteriori de l’expérimentation. Ce que fait aussi Seqens, le bailleur francilien, filiale du groupe Action Logement, lui aussi partenaire du collectif. « Nous avons identifié trois résidences de notre parc : l’une des années 1950 à Versailles (Yvelines), une autre typique des HLM des années 1960 à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne), et un bâtiment des années 1980 que nous équipons de capteurs pour voir comment chacune réagit en terme de confort d’été », explique Marion Oechsli, directrice générale Seqens.

Le bailleur qui vient de livrer 45 logements neufs traversants et équipés de brasseurs d'air en bois/paille à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne) va mesurer l’impact de ces dispositifs. Une démarche que prône aussi la ville de Paris puisqu’elle s’apprête à « mener une campagne de pose de sonde pour documenter comment le patrimoine bâti réagit en été et trouver des solutions en fonction des typologies », explique Caroline Haas.

Au-delà de la métropole, CDC Habitat invite à s’appuyer sur des exemples en outre-mer. « À La Réunion, nous avons réalisé un programme de logements neufs qui comprend un îlot de fraicheur avec une gestion des eaux pluviales intégrées. Nous misons sur la conception bioclimatique, la ventilation naturelle, les brasseurs d’airs et les volets occultant », illustre Clément Lecuivre.

« Nous devons continuer à investir en faveur de l’adaptation du bâti et continuer de porter ces combats face à un « backlash » majeur outre-Atlantique », complète Thomas Chevandier, adjoint lui aussi à la maire de Paris en charge des constructions publiques, du suivi des chantiers et de la coordination des travaux. Un enjeu de santé et d’habitabilité international, que rappelle le directeur général adjoint d’A4MT, Christophe Rodriguez : « nous devons nous préparer à vivre dans un monde dans lequel le dérèglement climatique se poursuit, bien que les émissions baissent en Europe ».

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